Les accumulations océaniques de déchets plastiques

Plus de 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, dont plus de 50 millions de tonnes de PET (polytéréphtalate d’éthylène, voir figure ci-dessous).
Une part importante de cette production est utilisée pour la fabrication d’emballages tels que les bouteilles de boissons mais aussi les cartes de crédit. Or 14 % seulement de cette production est recyclée, et on estime que près de 10 % aboutissent dans les océans portés par les vents, apportés par les fleuves, ou rejetés par les bateaux. Le problème vient du fait que le plastique est très résistant. On estime que la durée de vie d’une bouteille de plastique dans la nature est de 100 à 1 000 ans. Il en résulte que les déchets plastiques s’accumulent, en particulier dans les océans.

Formule développée du PET ou polytéréphtalate d'éthylène, un plastique
Auteur(s)/Autrice(s) : Rohieb Licence : CC-BY-SA Source : Wikimedia Commons

En 1997, il a été découvert dans le Pacifique Nord un « 7e continent » constitué de déchets plastiques variés s’étendant sur une superficie grande comme 6 fois la France, le « Great Eastern Pacific Garbage Patch » (la grande poubelle de l’est du Pacifique). Ces déchets se rassemblent là en raison d’un vortex géant et lent. Ces déchets, dans leur grande majorité, sont de très petite taille (334 271 fragments de plastique par km2 en moyenne), issus de la fragmentation d’objets plus grands comme les sacs plastiques jetables, mais leurs masses cumulées dépassent celle du plancton. Des zones similaires ont depuis été découvertes dans le Pacifique Sud, l’Atlantique Nord, l’Atlantique Sud et l’océan Indien.

Cette myriade de petits fragments pose problème, car ils sont ingérés par différents animaux (poissons, mollusques, tortues, oiseaux marins, etc.) et, n’étant pas digérés, ont tendance à s’accumuler dans leurs organismes. Comme, par ailleurs, ils ont la propriété de fixer des polluants chimiques, ils empoisonnent ces animaux, et par suite éventuellement l’Homme, via la chaîne alimentaire.

Découverte de la bactérie Ideonella sakaiensis

On ne connaissait jusqu’alors que quelques champignons capables d’une dégradation enzymatique du PET, ce qui n’ouvrait guère de perspective d’utilisation pratique.

Une équipe de chercheurs japonais a donc étudié des populations microbiennes naturelles cultivées dans un milieu contenant du PET (voir bibliographie). Ils ont découvert une nouvelle espèce de bactérie aérobie Gram négative, qu’ils ont baptisé Ideonella sakaiensis, qui a pour propriété de pouvoir utiliser le PET comme source majeure d’énergie et de carbone.

Pour cela, cette bactérie rejette dans son environnement deux enzymes différentes capables d’hydrolyser le PET en acide téréphtalique et en éthylène glycol. La première est une PETase capable de générer l’intermédiaire acide mono-(2-hydroxyéthyl)-téréphtalique (MHET). Cet intermédiaire est ensuite hydrolysé en acide téréphtalique et en éthylène glycol par une MHET hydrolase.

Si la dégradation est relativement lente (il a fallu 6 semaines pour dégrader un fragment de PET grand comme un ongle), c’est cependant largement plus rapide que le temps de dégradation dans la nature.

Une nouvelle espèce potentiellement utile

Cette découverte est importante à deux titres. D’un point de vue scientifique, la nature des enzymes découvertes est très nouvelle. Ainsi la PETase n’a que 51 % d’homologie avec les enzymes connues qui lui sont les plus proches. Plus étonnant encore, le PET étant une création humaine, il n’est trouvé dans la nature que depuis 70 ans. Dès lors, comment se fait-il qu’il existe une espèce bactérienne qui possède un équipement enzymatique à même de dégrader cette substance ? Cette bactérie a-t-elle évolué dans ce laps de temps lui permettant d’utiliser cette nouvelle source de carbone et d’énergie ? Les chercheurs n’ont pas, à l’heure actuelle, de réponse à cette question.

Bien évidemment, la découverte de cette espèce bactérienne qui pose donc des questions passionnantes dans le domaine de l’évolution, ouvre également la porte à une possible utilisation pour lutter contre l’accumulation des déchets plastiques, à l’image de l’utilisation de bactéries qui dégradent le pétrole pour combattre les marées noires.

On peut également envisager pouvoir se servir de ces bactéries pour découper le PET en monomères, puis recycler ces monomères pour fabriquer à nouveau du plastique sans avoir besoin de pétrole...

Bibliographie

Shosuke Yoshida, Kazumi Hiraga, Toshihiko Takehana, Ikuo Taniguchi, Hironao Yamaji, Yasuhito Maeda, Kiyotsuna Toyohara, Kenji Miyamoto, Yoshiharu Kimura, Kohei Oda. A bacterium that degrades and assimilates poly(ethylene terephthalate). (2016) Science Vol. 351, Issue 6278, pp. 1196-1199 DOI : 10.1126/science.aad6359.

Pour aller plus loin

Le site de la fondation Tara-océan https://oceans.taraexpeditions.org et notamment : « Omniprésence des microplastiques dans les fleuves européens : les enjeux mis à jour »