Les chercheurs se sont demandés pendant des décennies si les protéines s’associaient pour former de grands complexes fonctionnels à l’intérieur des cellules. Certains, comme les hypothétiques glycosomes qui rassembleraient toutes les enzymes glycolytiques, n’ont toujours pas été détectés 1234 . Cependant, beaucoup d’autres ont été observés, comme le complexe ARNt multisynthétase, qui comprend huit aminoacyl-ARNt synthétases, ainsi que d’énormes supercomplexes réunissant les centres réactionnels photosynthétiques avec les protéines de l’antenne collectrice. Les supercomplexes respiratoires se sont récemment ajoutés à cette liste  5. Le respirasome (entrée 5xth de la banque de données sur les protéines (PDB)) est composé de trois complexes transmembranaires de la chaîne de transport d’électrons mitochondriale : le complexe I, le complexe III dimérique et le complexe IV  6. À l’intérieur des mitochondries, il récupère les électrons produits par le cycle de l’acide citrique 7 (transférés par les coenzymes réduits NADH, H+) et forme par couplage chimio-osmotique un gradient électrochimique qui alimente l’ATP synthase. Comme décrit par la suite, d’autres supercomplexes respiratoires effectuent des tâches connexes.

Le respirasome, composé des complexes I, III et IV

Le respirasome, composé des complexes I (en rouge), III (en bleu) et IV (en jaune), associés avec les petites molécules porteuses, l’ubiquinone (extraites de l’entrée PDB 7v2c) et le cytochrome c (entrée PDB 3zcf). Les sous-unités protéiques codées par la mitochondrie sont représentées avec des couleurs plus vives dans les trois complexes.

Auteur(s)/Autrice(s) : David S. Goodsell et RCSB PDB Licence : CC-BY Source : RCSB PDB

Pourquoi faire équipe ?

La raison pour laquelle ces machines moléculaires s’assemblent en supercomplexes reste un peu mystérieuse. L’avantage le plus évident est qu’il rapproche les trois complexes, de sorte que les petites molécules qui transportent les électrons, l’ubiquinone et le cytochrome c, n’ont pas besoin d’aller bien loin. Cependant, ce système de canalisation des substrats 1 a été difficile à observer expérimentalement. De manière étonnante, les chercheurs ont découvert que le supercomplexe réduit la production d’espèces réactives de l’oxygène, qui sont générées en tant que produits secondaires dangereux de l’utilisation normale du dioxygène comme accepteur final des électrons.

L’évolution des mitochondries

En examinant de plus près les trois complexes du respirasome, nous pouvons avoir une idée du début de l’évolution des cellules eucaryotes. Ces complexes sont composés de dizaines de sous-unités, dont quelques-unes sont codées par le petit génome d’ADN qui se trouve à l’intérieur des mitochondries. Le génome mitochondrial daterait des premiers jours de la formation des cellules eucaryotes, lorsqu’une cellule symbiotique s’est installée à l’intérieur d’une autre cellule, ce qui pourrait nous montrer à quoi ressemblaient les premières formes de ces complexes. Cette idée est également étayée par la comparaison des complexes mitochondriaux avec des protéines similaires chez les bactéries. Ils partagent tous un ensemble de sous-unités protéiques centrales, agrémentées de nombreuses sous-unités « surnuméraires » qui permettent d’adapter la fonction à chaque type de cellule. Comme on pouvait s’y attendre, toutes les sous-unités codées par la mitochondrie sont des sous-unités centrales.

La complexité du complexe

Dans les mitochondries, les complexes respiratoires se trouvent dans plusieurs états, que ce soit sous la forme de complexes individuels ou sous la forme de plusieurs supercomplexes différents. Le supercomplexe représenté en figure 2 est composé uniquement du complexe III et du complexe IV, maintenus ensemble par la petite protéine SCAF1 (entrée PDB 7o372. Depuis sa découverte, les chercheurs ont émis l’hypothèse que ce supercomplexe rend le complexe III plus accessible à l’ubiquinone produite par le complexe respiratoire II, représenté sur cette figure à partir de l’entrée PDB 1zoy  3. Le complexe II, ou succinate déshydrogénase, fait partie du cycle de l’acide citrique et transmet également des électrons à la chaîne de transport d’électrons.

Les complexes III et IV maintenus par SCAF1

Les complexes III et IV sont maintenus ensemble par SCAF1 (vert). Le complexe II (tout à droite), l’ubiquinone (petite molécule intramembranaire) et le cytochrome c (extramembranaire) apparaissent en magenta.

Auteur(s)/Autrice(s) : David S. Goodsell et RCSB PDB Licence : CC-BY Source : RCSB PDB

Quatre vues de la structure du respirasome

La révolution de la résolution apportée par la cryomicroscopie électronique permet désormais d’observer ces énormes supercomplexes en détail. Quatre représentations différentes sont utilisés sur la figure 3 pour révéler diverses caractéristiques fonctionnelles du respirasome. La première représentation colore les acides aminés des complexes selon leur hydrophobicité pour révéler la ceinture d’acides aminés riches en carbone (jaune) qui ancre les complexes dans la membrane mitochondriale. Une autre représentation met en évidence les nombreux cofacteurs qui assurent le transport des électrons à travers les complexes et les placent finalement sur les molécules de dioxygène. Les deux dernières représentations montrent les sous-unités codées par la mitochondrie ainsi que les sous-unités centrales, qui forment la structure centrale de chaque complexe. Pour explorer cette structure plus en détail, vous pouvez utiliser par exemple le logiciel de visualisation de molécules disponible sur le site PDB-101.

Quatre représentations différentes du respirasome
Auteur(s)/Autrice(s) : David S. Goodsell et RCSB PDB Licence : CC-BY Source : RCSB PDB

Pour aller plus loin

  1. Des supercomplexes respiratoires encore plus grands ont également été observés. Par exemple, vous pouvez visualiser le mégacomplexe de la chaîne respiratoire des mitochondries humaines à l’entrée PDB 5xti.

  2. Vous pouvez explorer la structure de ces supercomplexes, déterminée par cryomicroscopie électronique, sur la banque de données de microscopie électronique. Par exemple, vous pouvez visualiser la carte du respirasome humain.

Ce texte correspond à la traduction par Cédric Bordi de l’article Molecule of the Month : Respiratory supercomplex 1 écrit par David S. Goodsell et paru en septembre 2022 sur le site PDB-101, le portail éducatif de la base de données sur les protéines (PDB). Les notes de bas de page ainsi que les trois premières références bibliographiques, au sujet des glycosomes des trypanosomes, correspondent à des ajouts du traducteur.