La maladie d’Alzheimer est caractérisée par l’accumulation de protéines tau dans les neurones et la formation de plaques amyloïdes entre ces cellules. Des recherches récentes montrent que ces lésions caractéristiques pourraient être les conséquences d’infections cérébrales, qui seraient donc une cause possible de la maladie.
La maladie d’Alzheimer est une affection neurodégénérative touchant essentiellement les personnes âgées et provoquant notamment des déficits mnésiques, des troubles du langage, une désorientation temporo-spatiale ou encore des troubles du raisonnement. Elle constitue actuellement la plus fréquente des maladies neurodégénératives chez l’être humain et malgré l’importance des recherches menées à son sujet, elle demeure incurable et insuffisamment comprise. Décrite depuis le début du XXᵉ siècle, elle se caractérise par la présence de lésions spécifiques dans le cerveau, telles que l’accumulation de protéines tau dans le corps cellulaire des neurones et la formation de plaques amyloïdes entre eux, ce qui explique leur dégénérescence progressive. À terme, ces deux anomalies sont associées à une atrophie du cortex cérébral.
La formation des plaques amyloïdes correspond à l’accumulation de peptides de 40 à 42 acides aminés, clivés de façon anormale par une enzyme appelée β-sécrétase à partir de la protéine membranaire APP. Plusieurs hypothèses sont envisagées pour expliquer cette anomalie : activité de clivage anormale, défaut du trafic de la protéine APP, défaut de clairance des peptides… Depuis plusieurs années, la mise en évidence des caractéristiques anti-microbiennes des peptides β-amyloïdes a mis les recherches sur la piste d’une origine infectieuse de la maladie d’Alzheimer 1.
En effet, dès 2017, plusieurs études ont mis en évidence des corrélations entre développement de la maladie et perturbation du microbiote intestinal, posant la question d’une accumulation cérébrale des plaques amyloïdes en réaction à un déséquilibre du microbiote intestinal 23. Ainsi, la maladie d’Alzheimer s’ajouterait à la longue liste des maladies associées à des altérations de ce microbiote, dont la composition et la dynamique sont essentielles au maintien de l’intégrité de l’organisme. La formation des plaques amyloïdes et l’accumulation des protéines tau dans les neurones ne seraient en réalité que la conséquence d’une réaction immunitaire anormale face à cette dysbiose, plus qu’une cause primaire de la maladie.
La mise en évidence de la présence de micro-organismes pathogènes dans le cerveau de patients atteints d’Alzheimer tend à renforcer l’hypothèse d’une origine infectieuse : la production du peptide amyloïde aurait donc pour raison première la protection du cerveau contre ces pathogènes mais ses propriétés neurotoxiques finiraient par conduire à la dégénérescence neuronale.
Le tractus olfactif, le nerf trijumeau ou encore les vaisseaux sanguins reliant la sphère oro-nasale au cerveau pourraient constituer des voies d’entrée pour ces pathogènes vers le système nerveux central, une fois la barrière hémato-encéphalique franchie. De nombreux micro-organismes potentiellement impliqués dans les réactions immunitaires associées à la maladie d’Alzheimer sont ainsi pointés du doigt : l’infection par certains virus, bactéries, champignons et même parasites eucaryotes provoquerait l’accumulation des plaques amyloïdes (Figure 1). Il semblerait toutefois qu’il n’existe pas de « germe Alzheimer » unique et spécifique, mais que plusieurs micro-organismes capables de pénétrer dans le cerveau et d’y causer une inflammation pourraient jouer ce rôle. La revue publiée par Vojtechova et collaborateurs propose même que la maladie d’Alzheimer puisse être autoentretenue dans le cerveau sans présence continue des microbes 4. Cette pathologie pourrait également être liée à l’affaiblissement des défenses immunitaires dans le cerveau au cours du vieillissement et à la réactivation concomitante de microorganismes latents.
La maladie d’Alzheimer ne serait pas un cas isolé. D’autres maladies neurodégénératives pourraient en réalité être expliquées par des réactions immunitaires et une inflammation cérébrale, comme la maladie de Parkinson qui est liée à l’accumulation d’α-synucléine dans le système nerveux, une protéine dont la synthèse est amplifiée en cas d’infection virale 1.
Le cas d’Alzheimer pourrait donc être en partie relié à une réaction immunitaire générale du système nerveux central face à des infections microbiennes chroniques dans un organisme vieillissant. En effet, des facteurs de risque facilitant la colonisation cérébrale en affaiblissant la barrière hémato-encéphalique ou le système immunitaire périphérique, tels que le vieillissement, sont liés à une forte prévalence de cette affection.
Si cette théorie d’une origine infectieuse à la maladie d’Alzheimer est séduisante et offre de nouveaux axes de recherche et d’espoirs thérapeutiques, il ne faut pas oublier que cette pathologie est complexe et résulte de la combinaison de nombreux facteurs génétiques et environnementaux. Les infections pourraient ne représenter qu’un facteur favorisant parmi d’autres et de nombreux questionnements restent à éclaircir. Par exemple, doit-on considérer que la présence des microbes provoque la maladie d’Alzheimer, ou que la maladie rend les patients plus sensibles aux infections opportunistes ?