In 1736 I lost one of my sons, a fine boy of four years old, by the smallpox taken in the common way. I long regretted bitterly and still regret that I had not given it to him by inoculation. This I mention for the sake of the parents who omit that operation, on the supposition that they should never forgive themselves if a child died under it ; my example showing that the regret may be the same either way, and that, therefore, the safer should be chosen. [3]

— Benjamin Franklin

Tel était le témoignage de Benjamin Franklin à la suite du décès de son fils de quatre ans à cause de la variole. À Boston en 1721, la moitié de la population était atteinte par cette maladie et seulement 2,5 % des individus étaient protégés par la variolisation.

Homme atteint de variole
Auteur(s)/Autrice(s) : George Henry Fox Licence : Domaine public Source : Wikimedia

La variole était une maladie particulièrement virulente, dévastatrice et contagieuse : 10 à 50 % des malades mourraient [6]. Cette maladie se caractérisant par l’apparition de vésicules remplies de pus laissant des cicatrices sur tout le corps, les survivants étaient défigurés à vie (mais étaient protégés désormais contre cette maladie).

La découverte empirique de la pratique vaccinale et son perfectionnement ont permis qu’aujourd’hui cette maladie humaine soit la seule à avoir été déclarée éradiquée de la surface du globe terrestre1.

De quelle façon la pratique vaccinale a-t-elle été découverte ? Comment les connaissances en immunologie ont-elles pu expliquer scientifiquement ces découvertes empiriques ? Quelles sont les différentes formes de vaccins disponibles à l’heure actuelle ? Pourquoi n’existe-t-il pas de vaccin contre toutes les maladies ?

La découverte empirique des vaccins

Avant le XXe siècle, les connaissances en biologie, en chimie et en médecine étaient incapables d’expliquer comment certains individus pouvaient survivre à une épidémie alors qu’elle était mortelle pour d’autres, les médecins ne connaissant pas la nature des agents infectieux ni les défenses de l’organisme face à ces pathogènes.

Vers − 430 av. J.-C., Thucydide rapporta que lors de la peste d’Athènes1, qui décima un tiers de la population, seuls les survivants de l’épidémie précédente pouvaient sans risque s’occuper des malades et des mourants. Ces personnes étaient dites immunisées. Bien plus tard, une autre maladie terriblement contagieuse et dangereuse allait permettre de découvrir la méthode prophylactique de la vaccination : la variole ou « petite vérole2 ».

Au XVIe siècle, grâce aux multiples constatations empiriques d’immunisation des survivants, des médecins chinois eurent l’idée de prendre des pustules de varioleux qu’ils faisaient sécher dans des jarres en terre cuite avant de les réduire en poudre additionnée d’herbes médicinales [2, 13]. Cette poudre était ensuite inoculée aux patients par scarification et la majorité était alors protégée contre l’épidémie suivante. Cette pratique se propagea le long de la route de la soie jusqu’à Constantinople dans l’Empire ottoman (première inoculation en 1701) où la femme de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, Lady Wortley-Montagu fit varioliser ses enfants en 1717 (elle-même avait survécu à la variole et en était défigurée). De retour à Londres, toute la famille fut protégée d’une épidémie de petite vérole ce qui fit la promotion de cette pratique, dite « opération byzantine » jusqu’à la cour du roi. Malheureusement, 2 % des variolisés développant la maladie, cela entraîna une diminution de la confiance de la population dans cette technique et donc une chute du taux de variolisation jusqu’à l’épidémie de 1738. La technique devenant de plus en plus sûre, la confiance revint et le taux de variolisation remonta, surtout dans la population aisée [17]. En France, le roi Louis XV, que l’on le croyait à tort protégé, décéda de la variole en 1774. Ses petits-fils se firent varioliser et furent protégés de l’épidémie qui sévissait. La noblesse européenne suivit l’exemple, une pratique soutenue par de nombreux intellectuels comme Charles-Marie de la Condamine [1]. Selon Daniel Bernouilli, cette pratique permettait de gagner plus de trois ans d’espérance de vie à la naissance.

Comparaison des pustules dues à la variole (à gauche) et à la vaccine (à droite)

Observations réalisées 14 jours (en haut) et 15 jours (en bas) après le début de la maladie.

Auteur(s)/Autrice(s) : George Kirtland Licence : CC-BY Source : Wellcome Collection

En procédant à la variolisation dans la campagne anglaise, un médecin, Edward Jenner, remarqua qu’une partie de la population ne développait pas les pustules liées à la variolisation : ces personnes s’occupaient des vaches et avaient au préalable contracté la vaccine (la variole de la vache ou cowpox). La sagesse populaire avait déjà remarqué que les épidémies de variole n’affectaient pas ceux qui, travaillant au contact des animaux, développaient des pustules semblables à celles causées par la variole. Jenner eut donc l’idée de modifier la variolisation en injectant cette forme atténuée de la maladie : son protocole expérimental consista à prélever du pus de pustules de vaccine chez Sarah Nelmes, une fermière infectée par sa vache Blossom, et de l’injecter le 14 mai 1796 à l’enfant de huit ans de son jardinier (James Phipps). L’enfant eut de la fièvre mais ne développa qu’une pustule au lieu d’inoculation.

La main de Sarah Nelmes infectée par la vaccine
Auteur(s)/Autrice(s) : Auteur inconnu Licence : CC-BY Source : Wellcome Collection

Le 1er juillet 1796, il variolisa l’enfant qui ne développa aucun symptôme et ne transmit pas la variole à son entourage. Edward Jenner, sans le savoir, injectait des poxvirus (ici cowpox) et venait de découvrir empiriquement la vaccination1, nom donné en 1800 à cette pratique par Robert Dunning (de vacca, vache en latin). Le pus pouvait également être prélevé chez des chevaux atteints de variole équine ou horsepox, ou chez des cochons contaminés par le swinepox.

Edward Jenner vaccinant son jeune enfant

L'enfant est tenu par Mme Jenner, une jeune fille remonte sa manche, un homme est dehors et tient une vache. Sous le dessin on peut lire : Edward Jenner (1749-1823). Il pratique la vaccine pour la première fois.

Auteur(s)/Autrice(s) : E. J. C. Hamman Licence : CC-BY Source : Wellcome Collection

Ce procédé fut adopté tout d’abord avec une vaccination de bras à bras, mais le risque de transmission de syphilis fit abandonner ce processus au profit d’une injection consistant à prélever la vaccine sur des veaux inoculés. Par la suite, la technique s’est améliorée en utilisant des préparations purifiées et contrôlées. De grandes campagnes de vaccination furent mises en place dans le monde entier jusqu’à l’éradication totale de la variole en 1979.

Ce succès vaccinal absolu est le seul à l’heure actuelle pour une maladie humaine. Un virus ne variant génétiquement pas, une transmission humaine sans réservoir animal et une couverture vaccinale mondiale sont les conditions qui ont facilité l’éradication de cette maladie. Mais celle-ci pourrait ressurgir si des corps humains de personnes décédées de la variole, potentiellement contaminants, étaient libérés par la fonte du permafrost [4].

Scène de vaccination collective

Illustration parue dans Le petit journal, 1905.

Auteur(s)/Autrice(s) : Auteur inconnu Licence : Domaine public

Le succès de la vaccination contre la variole incita d’autres chercheurs à appliquer un principe similaire vis-à-vis d’autres pathologies. C’est le cas du français Louis Pasteur, chimiste de formation qui, à la suite de ses travaux sur la fermentation, avait démontré que la génération spontanée n’existait pas : pour que des germes se développent dans un milieu, ils doivent y être apportés. En 1879, il démontra que des infections pouvaient être causées par des agents microscopiques spécifiques. Avec ses collaborateurs, il utilisa une culture vieillie de deux semaines de choléra des poules qu’il injecta à des volatiles sains. Une semaine plus tard, les mêmes individus injectés avec une culture fraîche de bactéries survivaient tandis que des poules non immunisées au préalable décédaient en deux jours. L’agent pathogène (Pasteurella multocida) avait été exposé à de fortes doses de dioxygène ce qui en fit le premier vaccin vivant atténué.

Fort de ce succès, Pasteur s’intéressa à une autre maladie qui décimait les troupeaux de moutons. Celle-ci se caractérisait par une forte fièvre, un sang noir (d’où le nom de charbon donné à la maladie) et incoagulable et, à terme, la mort des animaux d’une infection généralisée (appelée aujourd’hui septicémie). Les cadavres enterrés contaminaient les sols et l’infection se maintenait. Louis Pasteur avait réussi à isoler l’agent de l’anthrax (du grec anthraxis, charbon). En 1881, à Pouilly le Fort, Louis Pasteur, aidé de ses collègues Émile Roux et Charles Chamberland, atténua la souche pathogène de l’agent du charbon, tout d’abord en testant l’effet de l’oxygène, et finalement en utilisant du bichromate de potassium. Sur les 50 moutons infectés, 22 moutons non vaccinés moururent de la maladie du charbon, les 3 autres non vaccinés agonisaient toujours au moment de la proclamation des résultats, et les 25 animaux vaccinés survécurent. L’année suivante, il développa un vaccin contre le rouget du porc. Les vaccins mis au point par l’équipe pasteurienne n’étaient alors destinés qu’aux animaux d’élevage [1].

C’est avec la rage, une maladie touchant le système nerveux central, que les travaux de Louis Pasteur purent s’appliquer à l’homme. De la moelle épinière de lapin enragé, séchée et exposée à l’oxygène, permettait de vacciner des chiens. En 1885, on lui demanda de vacciner une fillette de neuf ans ayant été mordue par un chien enragé et ayant déjà déclaré des symptômes de la maladie mais l’enfant mourut deux jours plus tard (le virus ayant déjà atteint son système nerveux central, il était inattaquable par le système immunitaire). Un mois plus tard, un garçonnet alsacien, Joseph Meister, mordu par un chien enragé 60 heures auparavant, fut vacciné à temps par plusieurs injections de préparation de moelle épinière de lapin enragé (13 piqûres en 10 jours), vaccination réalisée par le Dr Grancher. L’enfant ne développa pas la maladie, tout comme un autre garçon de 15 ans, Jean-Baptiste Jupille, mordu par un chien enragé en voulant protéger ses petits camarades [1]. En 1886, sur les 2 490 personnes vaccinées, seuls 10 patients moururent de la rage [28]. Malgré les critiques (inefficacité, dangerosité, le fait que seulement une morsure sur six d’un animal enragé serait contaminante), les travaux ont été poursuivis. Les vaccinations initialement faites à base de tissu nerveux animal sont désormais réalisées avec des vaccins préparés sur des cultures cellulaires puis inactivés. Le taux de survie après l’injection du vaccin est actuellement très proche de 100 % [24], la mort étant par ailleurs quasiment systématique chez les personnes non vaccinées dès que la maladie est déclarée. Ce vaccin est le seul pouvant avoir un effet curatif en plus d’un effet préventif, le délai de réponse du système immunitaire étant plus rapide que le passage du virus dans le système nerveux. Mais à l’heure actuelle, par un défaut de couverture vaccinale ou par des vaccinations trop tardives, cette maladie est toujours responsable de 59 000 décès humains chaque année dans le monde (surtout en Asie et en Afrique) et l’OMS la classe au 10e rang des maladies infectieuses mortelles [30, 32].

De très nombreux travaux de recherche continuèrent sur la voie ouverte par Jenner et Pasteur et généralisèrent les résultats obtenus à d’autres pathogènes. Par exemple, le vaccin contre la diphtérie fut mis au point par Gaston Ramon qui modifia, grâce à une exposition au formol, la toxine produite par la bactérie à l’origine de la maladie : ce fut le premier vaccin avec anatoxine. La liste des vaccins disponibles s’allongea au cours du XXe siècle avec par exemple, en 1921, le vaccin contre la tuberculose (le BCG, vaccin bilié de Calmette et Guérin, du nom des deux chercheurs qui l’ont découvert) et dans les années 1950, le vaccin contre la poliomyélite mis au point grâce aux travaux de Jonas Salk et Albert Sabin.

Les progrès réalisés en microbiologie ont permis de comprendre la nature et les mécanismes de pathogénicité des « microbes », tandis que ceux réalisés en immunologie ont permis de disposer des bases moléculaires et cellulaires de la vaccination et ainsi de la rendre plus efficace.

Ainsi les différents vaccins proposés depuis deux siècles ont contribué à réduire de façon considérable l’incidence et/ou la mortalité de nombreuses maladies comme le tétanos, la rougeole, la poliomyélite. L’OMS estime que les vaccins évitent chaque année le décès de 2 à 3 millions de personnes. Et la recherche continue dans cette lutte sans fin.

Comment est-on immunisé contre une maladie ?

Se faire vacciner permet de préparer notre système immunitaire à lutter spécifiquement contre des pathogènes sans courir le risque de développer les complications dont ils sont responsables (comme le cancer du foie lié au virus de l’hépatite B, celui du col de l’utérus avec les papillomavirus humains, les malformations congénitales de la rubéole, l’orchite, la méningite, la pancréatite à cause des oreillons, etc.). Les vaccins permettent de protéger efficacement contre des maladies mortelles.

Quand un pathogène pénètre à l’intérieur de notre organisme, des cellules sentinelles (comme les cellules dendritiques, les macrophages, les mastocytes) détectent sa présence grâce à des récepteurs de surface ou présents dans leur cytoplasme. Ces récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires (pattern recognition receptor ou PRR) sont stimulés par des molécules composant les bactéries et virus. Les cellules sentinelles s’activent alors et déclenchent la réaction inflammatoire (recrutant d’autres leucocytes). En parallèle, telles des armes chimiques, des molécules (le complément et les peptides antimicrobiens) présentes dans nos tissus sont activées et se collent aux pathogènes, voire le « percent » de nombreux pores (complexe d’attaque membranaire). La réaction inflammatoire agit également à distance (sur le foie, pour activer la synthèse de ces molécules dites de l’immunité innée, sur l’hypothalamus pour induire la fièvre).

Parmi les cellules sentinelles, les cellules dendritiques capturent les pathogènes, quittent le lieu de l’infection et migrent au travers du système lymphatique avant de s’installer dans les organes lymphoïdes secondaires comme les ganglions. Elles activent alors les lymphocytes T spécifiques de ces pathogènes en se différenciant en cellules présentatrices de l’antigène. Les pathogènes ingérés sont découpés et des morceaux de leurs protéines (des peptides microbiens) sont présentés à la surface des cellules dendritiques par des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH II). Ces complexes peptide-CMH II peuvent être reconnus par les lymphocytes T auxiliaires CD4 qui possèdent à leur surface des récepteurs membranaires spécifiques (TCR, T-cell receptor). Si, à la suite de sa liaison au complexe peptide-CMH II avec une affinité suffisante, un lymphocyte T CD4+ est activé, il ordonne la défense de l’organisme contre l’élément pathogène jouant le rôle de chef d’orchestre de la réponse immune, dirigeant celle-ci vers une réponse cellulaire ou vers une réponse humorale. Une partie des lymphocytes activés restent en attente, devenant « mémoires », prêts à être réactivés lors d’une rencontre ultérieure avec l’antigène.

La réaction des cellules du système immunitaire face au vaccin

La vaccination introduit des antigènes dans l’organisme. Ceux-ci sont reconnus par différents leucocytes et en particulier par les cellules dendritiques. Après phagocytose, les antigènes sont dégradés et présentés en surface de la cellule par les CMH de classe I et II. Les cellules dendritiques migrent, via les vaisseaux lymphatiques, jusqu’aux organes lymphoïdes secondaires (ganglions lymphatiques, rate et tissus lymphoïdes associés aux muqueuses). Là, les antigènes présentés par les cellules dendritiques activent les lymphocytes T naïfs capables de les reconnaître. Les cellules dendritiques peuvent également apporter avec elles des antigènes natifs, c’est-à-dire non dégradés, qui sont alors transmis aux cellules dendritiques folliculaires (des cellules résidentes des organes lymphoïdes) ce qui va activer les lymphocytes B naïfs. Après cette sélection, l’amplification et la différenciation clonales mènent à la formation de cellules effectrices et de cellules mémoires. Les cellules effectrices migrent, grâce à la circulation sanguine, jusqu’au lieu de l’inflammation. Les cellules mémoires forment quant à elle un réservoir rapidement mobilisable en cas de nouveau contact avec l’antigène.
B : lymphocyte B naïf ; Bmém : lymphocyte B mémoire ; P : plasmocyte ; Ta : lymphocyte T auxiliaire ; Tamém : lymphocyte T auxiliaire mémoire ; Tc : lymphocyte T cytotoxique ; Tcmém : lymphocyte T cytotoxique mémoire ; TCD4 : lymphocyte T CD4 naïf ; TCD8 : lymphocyte T CD8 naïf.

Auteur(s)/Autrice(s) : Pascal Combemorel Licence : CC-BY-SA

Les lymphocytes B constituent une autre classe de cellules pouvant jouer le rôle de cellules présentatrices de l’antigène. Présents dans les organes lymphoïdes secondaires, ces lymphocytes peuvent, par l’intermédiaire de leurs récepteurs de surface (BCR, B-cell receptor), qui sont des immunoglobulines membranaires, capter les antigènes natifs apportés par les cellules dendritiques. Ces antigènes sont endocytés, digérés puis présentés à la surface des lymphocytes B par l’intermédiaire du CMH II. Ces lymphocytes B peuvent alors être reconnus par des lymphocytes T CD4+. Le dialogue moléculaire qui s’instaure aboutit à l’activation puis à la spécialisation d’une partie des lymphocytes B en plasmocytes : ces cellules sécrètent alors des immunoglobulines contre l’antigène, plus communément appelées anticorps1. Si l’on détecte dans le sang d’une personne la présence d’anticorps capables de reconnaître un pathogène en particulier, on dit que cette personne est séropositive vis-à-vis de ce pathogène. Plus le système immunitaire est activé, plus le taux d’anticorps mesuré est élevé. L’autre partie des lymphocytes B sélectionnés forme les lymphocytes mémoires : ce réservoir de cellules sera alors plus rapidement et plus intensément réactif lors d’une exposition ultérieure à ce même pathogène.

Vaccination et taux d'anticorps sérique

Les valeurs chiffrées sont données d'après Immunobiologie de Janeway, De Boeck, 2018.

Auteur(s)/Autrice(s) : Pascal Combemorel Licence : CC-BY-SA

Un antigène peut être reconnu sur plusieurs motifs (ou épitopes) par le système immunitaire. Une nouvelle exposition à l’antigène (par exemple lors d’un rappel de vaccination) peut donc sélectionner de nouvelles populations de lymphocytes spécifiques, dirigés contre d’autres épitopes, en plus de réactiver les lymphocytes B mémoires en réserve. Dans ces cellules, des modifications du génome aboutissent à la production d’immunoglobulines de type G (IgG) alors que les lymphocytes B activés pour la première fois produisent quant à eux des IgM. Les IgM activent efficacement le système du complément tandis que les IgG liés à des antigènes activent en plus de nombreuses cellules du système immunitaire via leurs récepteurs de surface.

Les anticorps parviennent via la circulation sanguine sur le lieu de l’infection où ils :

  • participent à la neutralisation des pathogènes en les recouvrant de façon spécifique, ce qui empêche les molécules de surface des pathogènes d’interagir avec leurs ligands présents sur les cellules hôtes ;
  • améliorent la capture des pathogènes par les phagocytes (macrophages notamment) ;
  • contribuent à l’élimination des pathogènes par activation du système du complément ;
  • empêchent des virus ou des toxines bactériennes d’atteindre leurs cibles cellulaires.

À la suite de l’injection du vaccin, à cause de la réaction inflammatoire locale, il va y avoir un gonflement localisé, avec rougeur. Des maux de tête, des nausées, voire un peu de fièvre sont rapportés chez certains patients ainsi que le gonflement des ganglions proches du lieu d’injection. Ce sont seulement les conséquences de l’activation du système immunitaire.

Vacciner n’empêche pas d’attraper la maladie mais comme la personne vaccinée possède déjà des anticorps dans son organisme et des lymphocytes mémoires, la réaction de défense du système immunitaire est beaucoup plus rapide à se mettre en place et le pathogène est neutralisé rapidement. Il faut cependant plusieurs jours (voire 2 à 3 semaines) à l’organisme pour que la réponse immunitaire spécifique déclenchée par la vaccination se mette en place. Si la rencontre avec le pathogène a lieu avant ce laps de temps, le patient n’est pas protégé.

Un autre moyen de protéger des patients contre un agent infectieux est d’avoir recours à la sérothérapie. Cela consiste à injecter des anticorps dirigés contre le pathogène ou les toxines qu’il produit. C’est une technique utilisée notamment en cas d’infection par le bacille du tétanos si la vaccination antitétanique n’a pas été correctement faite (les rappels n’ont pas été réalisés par exemple). La sérothérapie consiste alors à injecter des anticorps dirigés contre la toxine afin de la neutraliser rapidement. On remplace ainsi l’action des lymphocytes B mais cette pratique ne confère pas de mémoire immunitaire.

Les vaccins actuellement disponibles

Des vaccins traditionnels à ceux d’aujourd’hui, la gamme est vaste mais le mécanisme est identique : la partie ou la totalité du pathogène injecté déclenchera une réaction immunitaire ciblée et locale chez un patient en bonne santé.

Un bon vaccin doit être sûr (n’induisant pas de pathologie), protecteur à long terme, facilement utilisable et ne pas induire trop d’effets secondaires.

Depuis 2018, afin d’assurer une couverture vaccinale suffisante, en France, 11 vaccins sont obligatoires : 8 vaccins recommandés auparavant se sont donc ajoutés aux 3 qui étaient obligatoires. La plupart voire la totalité de ces vaccins étaient toutefois faits avant cette obligation.

Calendrier vaccinal simplifié

Calendrier simplifié des vaccinations obligatoires ou recommandées en France, hors voyage à l’étranger. Haemophilus influenzae et les pneumocoques sont des bactéries provoquant notamment des pneumopathies et des méningites. Le méningocoque C est une bactérie provoquant des méningites.

Auteur(s)/Autrice(s) : Vaccination Info Service Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut) Source : Vaccination Info Service

À ces obligations, peuvent s’ajouter la recommandation pour les vaccinations contre la tuberculose (BCG), contre le cancer du col de l’utérus (causé par les papillomavirus humains), la grippe, les gastro-entérites à rotavirus, la varicelle (et le zona) selon l’âge, la profession (professionnel de santé, enseignant), l’état de santé (diabète, maladie cardiovasculaire) et le lieu d’habitation. L’entourage des personnes à risques se doit également de respecter les recommandations vaccinales afin de protéger l’ensemble de la sphère familiale1. Pour les voyageurs en zone d’endémie particulière, d’autres vaccins sont fortement recommandés voire obligatoires : hépatite A, rage, fièvre jaune, fièvre du Nil occidental, fièvre typhoïde, méningites à méningocoques. Ces recommandations sont données notamment sur le site du ministère des Affaires étrangères.

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La diversité des vaccins

L’antigène vaccinal est généralement injecté en sous-cutané, en intramusculaire ou en intradermique mais jamais directement dans le sang.

Les vaccins sont composés de substances actives d’origine biologique. Qu’ils soient fabriqués à partir des germes contre lesquels le vaccin va protéger, ou en culture cellulaire, les procédés de fabrication sont longs (entre 6 et 22 mois) et complexes, davantage que pour la fabrication d’un médicament produit par synthèse chimique. La majeure partie du temps de fabrication est dédiée aux contrôles de qualité et de sécurité.

Une fois que l’antigène vaccinal est caractérisé, il doit être amplifié (sans muter). Ces antigènes sont ensuite extraits et le milieu de culture éliminé. Par exemple, le virus Influenza de la grippe, qui touche également les oiseaux, est cultivé sur des œufs de poule embryonnés ; toute trace d’œuf est éliminée dans la formule finale du vaccin. Si le vaccin est inactivé ou tué, les antigènes sont soumis à une température élevée ou à des substances chimiques comme le formaldéhyde.

Des agents stabilisants sont ajoutés pour assurer la stabilité du vaccin, sauf s’il est lyophilisé, et éviter la réversion, c'est-à-dire le retour à l’état pathogène. Le vaccin est ensuite conditionné (en seringue, en flacon) en milieu stérile. Enfin, des contrôles sont effectués à la fois par le producteur du vaccin et par un organisme indépendant : si les analyses qualité sont satisfaisantes, les lots sont commercialisés. Ces contrôles sont indispensables afin de ne pas injecter des agents pathogènes virulents. Afin d’éviter toute contamination bactérienne, la chaîne du froid doit être respectée et des antibiotiques peuvent être également ajoutés : de la streptomycine dans le vaccin contre la poliomyélite, de la néomycine ou de la kanamycine dans les vaccins contre la rage, la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle.

Les différentes formes de vaccins sont :

  • des vaccins vivants atténués : des virus ou bactéries vivants ont été modifiés afin de perdre leur pouvoir infectieux par cultures successives ou modifications génétiques. Il est également possible d’utiliser des souches proches des souches infectieuses humaines. Ce type de vaccins est très efficace : c’est le cas des vaccins contre la variole (vaccine), la tuberculose (BCG), la fièvre jaune et du vaccin combiné ROR. Les découvertes de Jenner et Pasteur ont été faites avec des vaccins atténués.
  • des vaccins tués ou inactivés : traités par la chaleur, l’exposition aux UV ou chimiquement, ils ne contiennent pas d’agents infectieux vivants mais restent immunogènes. C’est le cas des vaccins contre la grippe, la rage, la coqueluche et la poliomyélite.
  • des anatoxines, c’est-à-dire des toxines modifiées pour être non toxiques mais très immunogènes. C’est le cas par exemple du vaccin contre le tétanos et contre la diphtérie.
  • des fragments de molécules caractéristiques des pathogènes comme :
    • des polysaccharides (conjugués à des protéines porteuses). Il s’agit des vaccins conjugués (contre le pneumocoque, le méningocoque…).
    • des peptides (pouvant être produits par génie génétique) : on injecte donc uniquement l’antigène vaccinal. Ce sont les vaccins recombinants (contre les papillomavirus humains, le virus de l’hépatite B…).
  • des vaccins à ARN (acide ribonucléique) ou à ADN (acide désoxyribonucléique). Les molécules d’acides nucléiques étant très sensibles aux enzymes, elles sont protégées en étant intégrées dans des vésicules lipidiques de petite taille (100 nm de diamètre environ) ou dans des vecteurs viraux (voir infra). Dans le cas de l'utilisation de vésicules lipidiques, les vaccins sont fragiles et doivent être conservés au froid pour ne pas être dégradés. Ils contiennent également du saccharose (un sucre) comme cryoprotecteur, du polyéthylène glycol pour éviter l’agrégation des vésicules, des sels pour l’équilibre osmotique. Aucun adjuvant n’est ajouté puisque les molécules d’acide nucléique jouent elle-même ce rôle en étant reconnues par les récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires de la cellule. Après injection, les vésicules lipidiques fusionnent avec la membrane plasmique des cellules. Le matériel génétique est alors libéré dans le cytoplasme et les protéines qu’il code sont exprimées. Le système immunitaire les reconnaissant comme étrangères fabriquera des anticorps contre elles. Déjà utilisés en médecine vétérinaire, les vaccins à acide nucléique le sont depuis 2020 chez l’humain dans le cas de la vaccination contre le SARS-CoV-2. Ces vaccins peuvent être développés rapidement, ce qui est un avantage face à des maladies émergentes ou face à l’apparition de variants d’un pathogène.
  • des vaccins à vecteur viral et, en particulier, dérivés d’adénovirus. Le gène permettant la production de l’antigène d’intérêt est inséré au sein du génome viral d’une manière qui soit autorise soit empêche la réplication du virus dans son hôte. De tels vaccins ont été développés très récemment dans la lutte contre Ebola (2019) et le SARS-CoV-2 (2020).

L’administration de plusieurs vaccins associés – comme le DTPolio (diphtérie, tétanos, poliomyélite) et le ROR (rougeole oreillons rubéole) – ne compromet pas l’efficacité de la réaction immunitaire et n’est pas dangereuse pour l’organisme.

Les vaccins les plus immunogènes déclenchent une réaction inflammatoire locale : c’est le cas du ROR et du vaccin saisonnier contre la grippe. Dans d’autres cas comme les vaccins recombinés, on ajoute un adjuvant (le plus souvent un sel d’aluminium, mais aussi des fragments bactériens ou une émulsion huile-eau) pour mimer les motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMP) qui vont stimuler localement le système immunitaire. L’aluminium est utilisé depuis presque un siècle sans trouble associé avéré et la dose injectée dans un vaccin est très inférieure à la dose à laquelle nous sommes exposés par notre alimentation ou l’utilisation de déodorants à la pierre d’alun par exemple [15, 19].

Les vaccins contre le SARS-CoV-2

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, des vaccins reposant sur différents types de technologies ont été développés : vaccins à adénovirus (Oxford/AstraZeneca, Johnson et Johnson…), à ARNm (Pfizer/BioNTech, Moderna…), à base de SARS-CoV-2 atténué ou inactivé (Sinovac) ou de protéines recombinantes (Nanovax).

Nous présentons ici, à titre d’exemple, le principe du vaccin Pfizer/BioNTech. L’ARNm utilisé code la protéine spike, à l’origine des spicules observés en surface du SARS-CoV-2. Les anticorps produits contre cette protéine empêchent l’entrée du virus dans sa cellule cible via son interaction avec le récepteur cellulaire ACE2. L’ARNm vaccinal est, comme tout ARNm mature de la cellule, coiffé en 5’ et protégé de la dégradation par une queue polyA en 3’. Le passage rétrograde par le pore nucléaire n’est pas possible pour cette molécule et il n’y a pas de transcriptase inverse dans la cellule donc pas de possibilité de convertir l’ARNm en ADNc. Il apparaît donc hautement improbable que le matériel génétique issu du vaccin puisse s’intégrer dans le génome de la cellule.

La séquence de cet ARNm est la suivante : coiffe 5’ – 5’UTR – séquence 1 (adressage) – séquence 2 (spike) – 3’UTR – queue polyA.

La région 5’UTR n’est pas traduite (UTR, untranslated) et correspond à une version modifiée de celle de la globine α, ce qui entraîne une synthèse accrue de la protéine codée dans la séquence 2. À la place de l’uracile, cette région 5’UTR contient du 1-méthyl-3’-pseudo-uridylyle, lu par le ribosome comme un uracile, mais de stabilité accrue. La séquence 1 code un signal d’adressage de la protéine vers le réticulum endoplasmique, caractéristique des protéines membranaires et sécrétées. La séquence 2 code la protéine spike dont le repliement tridimensionnel est identique à celui de la protéine virale. La région 3’UTR assure la stabilité de l’ARNm.

Existe-t-il des risques à se vacciner ?

Une réaction inflammatoire locale, voire de la fièvre, est la preuve que le système immunitaire réagit au vaccin.

Du temps de la variolisation, 1 à 2 % de patients pouvait décéder de la maladie suite vraisemblablement à l’inoculation [17]. En 1930, à Lübeck (Allemagne), 76 enfants vaccinés sont morts de la tuberculose ou ont développé la maladie car le vaccin BCG avait été contaminé par Mycobacterium tuberculosis, l’agent virulent de la tuberculose [16]. En 1955, un vaccin insuffisamment inactivé contre la poliomyélite provoqua l’incident Cutter : 40 000 cas de poliomyélite dont 10 morts et 200 enfants paralysés [12]. Ces accidents sont réels et à l’heure actuelle, avec les techniques modernes, la sécurité des vaccins est beaucoup mieux contrôlée.

Que dire des maladies se déclenchant après une vaccination ? En réalité, ces cas médiatisés sont rares et on ne sait pas s’il y a concomitance entre la déclaration de la maladie et le vaccin, si le patient concerné est génétiquement prédisposé et le lien causal n’est pas facilement établi [8].

Est-ce qu’un syndrome auto-immunitaire peut être induit par les adjuvants [15] ? Des personnes vaccinées contre la grippe auraient développé un syndrome de Guillain-Barré, une atteinte nerveuse causant des paralysies. Or, dans 2/3 des cas, l’apparition de ce syndrome est précédée d’un épisode aigu viral ou bactérien et des études statistiques ont montré que 7 cas de Guillain-Barré sont développés pour 100 000 personnes grippées, 1 cas pour 1 000 000 vaccinés (selon une étude américaine sur 17 ans) [22, 24]. De telles complications ont été également rapportées dans le cas du vaccin contre les papillomavirus (1 cas pour 100 000 jeunes filles vaccinées). Ces risques doivent être comparés avec la mortalité due à ces maladies : plus de 14 000 morts causés par la grippe en France pour l’épidémie 2016-2017 [21] ; 250 000 morts dans le monde chaque année à cause du cancer du col de l’utérus [29].

Les adjuvants aluminiques sont parfois accusés d’être responsables de myofasciites à macrophages. Or, entre 2000 et 2016, seuls 445 cas de myofasciites à macrophages ont été reportés dans les centres de pharmacovigilance en France alors que, dans le même temps, 160 millions de doses contenant un adjuvant aluminique étaient administrées (soit 1 cas pour 360 000 vaccinations) [18]. Les études médiatisées réalisées sur des souris ne peuvent pas être à l’heure actuelle généralisées à l’être humain. En effet, les doses injectées aux souris sont bien plus importantes que les doses auxquelles sont soumis les humains, et l’aluminium utilisé est différent car couplé à un traceur.

La polémique de la vaccination contre la coqueluche
Auteur(s)/Autrice(s) : Benoît Soubeyrand Licence : Reproduit avec autorisation

Une mauvaise analyse et une mauvaise médiatisation des effets secondaires potentiels peut provoquer une défiance vis-à-vis du vaccin. Par exemple, quand le vaccin contre la coqueluche a été commercialisé, la mortalité infantile par mort subite du nourrisson a augmenté. Le vaccin a alors été incriminé. En réalité, il était au même moment conseillé de coucher les enfants sur le ventre : dès que le couchage sur le dos a été recommandé, la mortalité a heureusement diminué, les enfants étant toujours vaccinés contre la coqueluche. Corrélation n'est donc pas causalité !

La vaccination n’apporte pas qu’une protection individuelle, elle fournit également une protection collective. Prenons l’exemple de la rougeole. Une personne atteinte de cette maladie contamine en moyenne 17 personnes. Si ces personnes ne sont pas vaccinées1, elles vont développer la maladie. Celle-ci se caractérise par une forte fièvre et une éruption cutanée mais peut aussi mener à la cécité, à une méningo-encéphalite (qui ne guérit sans séquelle que dans 60 % des cas), voire à une bronchopneumopathie mortelle. Il existe également des complications tardives de la rougeole comme la panencéphalite subaiguë sclérosante de Dawson, chez les enfants de 5 à 12 ans (1 cas/106), majoritairement fatale en quelques mois. En France la défiance d’une partie de la population envers les vaccins a abouti en 2019 à une couverture vaccinale de seulement 79 %. Or, pour que l’ensemble de la population soit protégé efficacement, il faudrait que la couverture vaccinale soit de 95 %. Ceci explique que la rougeole soit en recrudescence et que l’on déplore des morts causées par cette maladie : récemment aux îles Samoa, la couverture vaccinale n’était que de 30 % en début d’année 2019, ce qui a mené à près de 4 700 cas dont 70 décès cette année-là (dont la majorité sont des enfants de moins de quatre ans) [20].

La recherche sur les vaccins

Réapparition de maladies à la surface du globe comme la peste ou le typhus, émergence de nouveaux pathogènes comme le virus du Nil occidental et le SARS-CoV-2, résistance ou échappement de pathogènes responsables de pandémies à cause de leur capacité élevée de mutation génétique comme l’agent du paludisme (Plasmodium falciparum) ou le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le tout associé à des moyens de transport permettant de propager rapidement des épidémies d’un point du globe à un autre, les enjeux actuels de la recherche sur les vaccins sont multiples [11].

S’adapter aux mutations des pathogènes

La grippe est causée par les virus Influenza, des virus à ARN de la famille des Orthomyxoviridae. Il existe quatre espèces virales (A, B, C et D) caractérisées par leurs antigènes de surface comme l’hémagglutinine (H1 à H18) et la neuraminidase (N1 à N11). Les virus mutent et sont responsables de panzootie et de pandémie. Afin de limiter ces risques, l’Organisation mondiale de la santé surveille les virus Influenza qui circulent chez l’Homme grâce à un réseau de laboratoires et actualise deux fois par an la composition des vaccins grippaux, avec les trois types de virus majoritairement en circulation (virus de type A(H1N1), A(H3N2) et virus de type B). Le vaccin est élaboré sur ces prévisions [2]. Ceci explique que l’efficacité de ce vaccin soit variable en fonction des années.

L’agent du paludisme (les parasites du genre Plasmodium) et le VIH sont deux pathogènes qui passent une partie de leur cycle dans le cytoplasme de leurs cellules cibles, ce qui les rend difficilement détectables par le système immunitaire. De plus ces deux parasites mutent fréquemment et leurs mutations ne sont pas prévisibles. Si aucun vaccin contre le VIH n’est encore sur le marché après plus de 35 ans de recherche, des essais pour des vaccins prometteurs sont en cours [26].

L’état actuel des recherches contre les maladies émergentes et ré-émergentes

En 2017, une épidémie de peste s’est déclarée à Madagascar. Cette maladie, responsable de nombreuses épidémies meurtrières au cours de l’histoire de l’humanité, n’est toujours pas éradiquée. La bactérie Yersinia pestis n’infecte pas uniquement les humains mais touche également les rongeurs et se propage via leurs ectoparasites (des puces). Des essais de vaccins sont faits contre la peste mais ils ne protègent pas contre la forme pulmonaire, mortelle. Contre le typhus, autre maladie causée par une bactérie (du genre Rickettsia) et propagée par des ectoparasites, plusieurs vaccins ont existé au XXe siècle mais ne sont plus utilisés actuellement2. L’utilisation d’insecticides et d’antibiotiques est actuellement le seul moyen de traitement contre le typhus mais des espoirs sont permis avec les progrès en biologie moléculaire.

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Contre le chikungunya, un vaccin initialement utilisé contre la rougeole et génétiquement modifié semble être efficace en quelques semaines sans effets secondaires indésirables, les tests se poursuivent donc pour son homologation.

Depuis 1980, des études sont faites pour trouver un vaccin contre Ebola : en modifiant génétiquement un virus de la stomatite vésiculaire, les chercheurs ont semble-t-il trouvé un moyen de vacciner sans danger les personnes exposées à ce pathogène particulièrement virulent. L’OMS estime en effet que la dernière épidémie fit 11 000 décès sur les 28 000 cas déclarés. La campagne de vaccination a commencé en 2018 en République démocratique du Congo (plus de 78 000 personnes vaccinées), en pratiquant la vaccination en anneau, pour protéger les personnes en contact avec des malades et circonscrire les zones infectées. Des espoirs existent à la suite de cette recherche pour un vaccin contre la fièvre hémorragique Warburg.

En revanche, rien n’est encore disponible contre la maladie à virus Zika : seulement des traitements symptomatiques sont proposés quand il est encore temps et seul l’évitement du virus est préconisé.

La vaccination contre la tuberculose (avec le BCG donc Mycobacterium bovis) semble partiellement protéger contre la lèpre (Mycobacterium leprae), un vaccin est en cours d’élaboration.

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Quant à la dengue, il existe plusieurs souches du virus. Or il est connu depuis longtemps que les sujets infectés par l’une des quatre souches du virus de la dengue, et qui en guérissent sans difficulté, peuvent développer une forme hémorragique grave après une réinfection par une autre souche du virus. Le vaccin ne doit donc être administré qu’à des patients ayant déjà guéri d’une des formes de la maladie [25].

Chronologie et modes d’obtention des vaccins

Vivant atténué

Micro-organismes entiers inactivés

Protéines ou polysaccharides

Conçus par génie génétique

XVIIIe siècle

Variole (1798)

     

XIXe siècle

Rage (1885)

Fièvre typhoïde (1896)
Choléra (1896)
Peste (1897)

   

XXe siècle (première moitié)

Tuberculose (bacille de Calmette et Guérin, 1927)
Fièvre jaune (1935)

Coqueluche (1926)
Grippe (1936)
Typhus (1938)
Encéphalite à tique (1937)

Anatoxine diphtérique (1923)
Anatoxine tétanique (1926)

 

XXe siècle (seconde moitié)

Poliomyélite (oral, 1963)

Rougeole (1963)
Oreillons (1967)
Rubéole (1969)
Adénovirus (1980)
Fièvre typhoïde (Salmonella Ty21a, 1989)

Varicelle (1995)

Rotavirus (1999)

Polyomyélite (injecté, 1955)

Rage (culture cellulaire, 1980)

Encéphalite japonaise (cerveau de souris, 1992)
Encéphalite à tique (1981)

Hépatite A (1996)
Choléra (WC-rBS, 1991)

Polysaccharide de pneumocoques (1977)

Polysaccharide de méningocoques (1974)

Polysaccharide d’Haemophilus influenzae type b (1985)

Vaccin conjugué contre le méningocoque c (1999)
Hépatite B (1981)

Polysaccharide contre la fièvre typhoïde (1994)

Vaccin acellulaire contre la coqueluche (1996)

Protéines sécrétées de l’anthrax (1970)

Antigène de surface recombinant de l’hépatite B (1986)

Protéine de surface OspA de la maladie de Lyme (1998)
Toxine B recombinante du choléra (1993)

XXIe siècle

Virus de la grippe adapté au froid (2003)
Rotavirus atténués (2006)
Rotavirus monovalent (2008)

Choléra (oral, 2016)

Encéphalite japonaise (cellules Vero, 2009)
Choléra (2009)

Vaccin conjugué contre les pneumocoques (heptavalent, 2000)
Vaccin conjugué contre les pneumocoques (13-valent, 2010)
Vaccin conjugué contre les méningocoques (quadrivalent, 2005)

Papillomavirus humains (quadrivalent, 2006 ; bivalent, 2009 ; nonavalent, 2014)

Méningocoque de type B (2014, 2015)
 

Conclusion

Les progrès médicaux fabuleux réalisés en deux siècles ont totalement changé le rapport que nous avons face à la maladie. Associée aux progrès en médecine et aux mesures hygiéniques, la pratique vaccinale a permis d’augmenter significativement la durée de vie : 80 ans environ dans les pays bénéficiant d’un haut niveau de protection médicale mais moins de 50 ans dans d’autres, beaucoup trop pauvres pour avoir la couverture vaccinale et les médicaments adéquats [31]. En Occident, nous avons ainsi effacé de nos mémoires la dangerosité de nombreux pathogènes ainsi que les épidémies dévastatrices qui décimaient des populations entières. Un Français sur trois douterait de la fiabilité et de la nécessité de la vaccination, 20 % des Français ne les croyant pas efficaces (étude publiée en juin 2019, réalisée par l’ONG Wellcome/Gallup). Nous ne sommes pourtant pas à l’abri : en Europe, la dernière grande épidémie fut celle de la grippe espagnole en 1918, responsable de 50 millions de morts1, soit plus que la Première Guerre mondiale. Une pandémie est toujours en cours, celle causée par le VIH : 75 millions d’infections et de 36 millions de décès en un siècle [11] et seuls des traitements antiviraux peuvent prolonger la vie des personnes séropositives, sans toutefois les guérir (à l’exception de deux guérisons obtenues suite à une greffe de moelle osseuse) [5]. La rougeole refait surface. De nouvelles maladies apparaissent comme le COVID-19 ou les fièvres hémorragiques telles qu’Ebola, et d’autres dévastatrices par le passé refont surface comme la peste. La mondialisation participe à la propagation des pathogènes faisant courir le risque de pandémies.

Si la découverte de la vaccination s’est faite de manière purement empirique, le développement de nouvelles cibles et formulations vaccinales nécessite la connaissance la plus précise possible de l’agent pathogène (et notamment de son cycle de vie) afin de cibler les défenses du système immunitaire et d’activer séparément ou simultanément la réponse cellulaire et la réponse humorale (la synthèse d’anticorps).

Un vaccin est ainsi le fruit de nombreuses années de recherche, avec des tests pharmacologiques et toxicologiques, sous le contrôle, en France, de l’Agence européenne du médicament ou de l’Agence nationale de sécurité du médicament.

La vaccination est une action préventive. Il s’agit de se protéger contre des pathogènes qui pourraient potentiellement nous infecter. Ce n’est pas une action curative car la personne n’est pas malade (sauf dans le cas particulier de la rage).

Évolution des programmes de vaccination

1 : Situation avant les premières vaccinations
2 : Augmentation de la couverture vaccinale
3 : Perte de confiance
4 : Regain de confiance
5 : Éradication de la maladie et arrêt du programme vaccinal

Auteur(s)/Autrice(s) : Pascal Combemorel, adapté de Chen et Orestein, 1996 Licence : CC-BY Source : Epidemiologic Reviews

La vaccination est également une action collective : on se vaccine pour soi mais aussi pour protéger les autres en empêchant la propagation de l’agent pathogène dans la population. Dès qu’un vaccin est élaboré et injecté à un nombre croissant de patients, l’incidence (et la mortalité) de la maladie ciblée diminue. La protection peut être tellement efficace que les individus ne voient plus l’intérêt de se vacciner contre des maladies qu’ils croient disparues. Diverses raisons idéologiques peuvent également mener les individus à refuser la vaccination pour eux-mêmes ou leurs enfants. La couverture vaccinale peut alors chuter, entraînant une résurgence de la maladie ce qui entraîne alors une reprise de la vaccination.

Pour conclure, on peut citer le Dr Cohen, pédiatre à Créteil qui compare l’attitude face aux vaccins avec celle du conducteur : si vous conduisez sans attacher votre ceinture de sécurité, vous ne mettez que votre vie en danger. C’est aussi le cas avec la vaccination contre le tétanos : une maladie qui ne se transmet pas entre humains n’affectera que vous-même si vous ne vous vaccinez pas. Si vous conduisez en état d’ébriété, vous vous mettez en danger et vous mettez en danger les autres personnes que vous croisez. C’est aussi le cas avec le refus des vaccins comme celui contre la rougeole [33].

À lire également

Références

Bibliographie

  1. Bazin H. L’Histoire des vaccinations. JL Eurotext, s.d.
  2. Berche P. Une histoire des microbes. John Libbey Eurotext, 2007.
  3. Best M, Katamba A, and Neuhauser D. « Making the right decision : Benjamin Franklin's son dies of smallpox in 1736. » Qual Saf Health Care., 2007 Dec : 16(6) : 478–480.
  4. Biagini P et al. « Variola virus in a 300-year-old Siberian mummy. » New England Journal of Medicine, 2012 : pp.2057-9.
  5. Cabut S. « Sida : le patient de Londres, deuxième homme au monde à être en rémission prolongée. » Le Monde, mars 2019.
  6. Darmon P. La longue traque de la variole. Librairie académique Perrin, 1985.
  7. Fenner F et al. Smallpox and its eradication. World Health Organization., 1988.
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  9. Gadzinski, A Study of HIV-1 Tat self-adjuvanting property and utilization of its ability to bind heparan sulfates to assess the role of ubiquitous targets in antigen presentation mechanisms 2011/05/25 (thèse)
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  11. Loumé, L. « https ://www.sciencesetavenir.fr/sante/sida-ou-quand-et-comment-la-pandemie-mondiale-est-elle-nee_27923. » s.d.
  12. Moulin AM. « Les vaccins, l’état moderne et les sociétés. »Medecine/Sciences, 2007 : 428-434.
  13. Needham J « Science and Civilization in China : Volume 6, Biology and Biological Technology, Part 6, Medicine. » 1999..: Page 154.
  14. Palucka K et al., Designing vaccines based on biology of human dendritic cell subsets. Immunity. 2010 Oct 29 ; 33(4) :464-78
  15. Pellegrino P, Clementi E, Radice S. « sur les adjuvants du vaccin et l’autoimmunité : preuves actuelles et perspectives futures. » Autoimmunity reviews, octobre 2015 : 880-888.
  16. Salvadori F et Vignaud. LH Antivax : la résistance aux vaccins du XVIII siècle à nos jours. vendémiaire, 2019.
  17. Seth C. « l’inoculation contre la variole : un révélateur des liens sociaux. » Dix-huitième siècle, 2009 : 137-153.

    Sitographie et rapports d’experts

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  19. AFSSAPS « Évaluation du risque lié à l’utilisation de l’aluminium dans les produits cosmétiques. », 2011.
  20. Agence Nationale de Santé Publique « http ://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Rougeole/Points-d-actualites/Epidemie-de-rougeole-en-France.-Actualisation-des-donnees-de-surveillance-au-20-fevrier-2018. » s.d.
  21. Agence Nationale de Santé Publique https ://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/grippe/doc… (accès 2019).
  22. ANSM. « https ://www.ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/80c13b0df57cbfafe5551a115d8c402f.pdf. » s.d.
  23. ANSM. https ://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Vaccination-contre-les-infections-a-HPV-et-risque-de-maladies-auto-immunes-une-etude-Cnamts-ANSM-rassurante-Point-d-information. s.d. (accès le 2019).
  24. Haute Autorité de santé. https ://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-10/recommandations_vaccination_contre_la_rage_en_…. s.d.
  25. https ://www.mesvaccins.net/web/diseases/31-dengue. s.d.
  26. https ://www.sidaction.org/vaccin-et-vih. s.d.
  27. Institut Pasteur « https ://phototheque.pasteur.fr/fr/asset/fullTextSearch/WS/HOME_MENU/node/98/slug/variole/nobc/1/page/1/sorting/oldest. » s.d.
  28. Institut Pasteur http ://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/espace-presse/documents-presse/la-rage-dossierpresse/louis-paste…. s.d.
  29. Institut Pasteur https ://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/cancer-du-col-uterus-papillomavirus.
  30. Institut Pasteur. s.d. https ://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/rage.
  31. OMS. « Life expectancy increased by 5 years since 2000, but health inequalities persist » 19 mai 2016
  32. OMS « Vaccins antirabiques : Note de synthèse » Relevé Epidémiologique Hebdomadaire no 16, OMS, 20 avril 2018, p. 201-219
  33. Sciences et Avenir. « La vérité sur les vaccins, les trois questions qui font débat. » décembre 2015.
  34. Vaccination info service. s.d. https ://vaccination-info-service.fr/var/vis/storage/original/application/download/carte-postale-vaccination-2019.pdf)
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