Tour d'horizon de l'actualité du mois d'octobre 2022 dans le domaine de la biologie.
Une quantification des services écosystémiques rendus par les animaux dans la production de cacao
Quels sont les services écosystémiques rendus par les animaux dans le cadre de la culture du cacao ? C’est la question à laquelle répond une étude parue au mois de septembre dans la revue Proceedings of the Royal Society B 1. Pour comprendre l’impact de différents animaux sur le taux de fructification, les pertes de fruits et le rendement global des cacaoyers, les chercheurs et chercheuses à l’origine de ces travaux ont mis en place différentes procédures d’exclusion. C’est ainsi que des cages en bambou recouvertes de filets de pêche et posées sur les arbres le jour ou la nuit ont permis d’exclure respectivement les oiseaux et les chauves-souris. Ces cages permettaient également de tenir éloignés les écureuils Sciurus nebouxii, grands consommateurs de cabosses. Enfin, les fourmis ont été tenues à distance des cacaoyers par de la glue disposée à la base des troncs tandis que les insectes volants ont été écartés des fleurs en emprisonnant les branches portant celles-ci dans des cages recouvertes de gaze de polypropylène (maille de 0,5 mm).
Les résultats de cette étude menée au Pérou sur un total de 96 arbres cultivés en agroforesterie2 montrent que la présence d’insectes volants multiplie par presque six la quantité de fruits formés ! Les auteurs et autrices expliquent cet effet par le service de pollinisation rendu par les insectes, bien que les espèces pollinisant les cacaoyers soient encore mal connues. Mais ce n’est pas tout : le nombre de fruits formés augmente encore en présence de chauves-souris et d’oiseaux (Figure 1A). Cela pourrait s’expliquer par le fait que ces animaux consomment les prédateurs des insectes pollinisateurs ou qu’ils se nourrissent des phytophages du cacaoyer, des hypothèses qui restent à confirmer par des études ultérieures. Chauves-souris et oiseaux pourraient par ailleurs avoir des cibles différentes ou exercer une action complémentaire sur l’ensemble de la journée, ce qui expliquerait que l’effet positif sur le nombre de fruits formés ne s’observe qu’en présence des deux groupes d’animaux, mais pas avec les chauves-souris seules ou les oiseaux seuls (Figure 1A).
À l’inverse, les écureuils causent des pertes de rendement estimées à 30 kg.ha−1.an−1 (Figure 1B). Il s’agit d’un exemple de disservice3 4. L’effet des fourmis est, quant à lui, plus complexe. Dans les agroforesteries situées loin des forêts, les fourmis tendent à réduire le rendement, ce qui pourrait s’expliquer par la symbiose qu’elles entretiennent avec les pucerons, consommateurs de sève de cacaoyer, ou par leur capacité à propager des infections fongiques. Par contre, les agroforesteries situées près des forêts voient leur rendement augmenter en présence de fourmis, peut-être parce que les espèces de fourmis vivant en forêt sont celles à effet bénéfique pour les cacaoyers (en contrôlant les populations de phytophages ou en favorisant la pollinisation par exemple).
Les informations issues de cette étude pourraient permettre une meilleure gestion des cacaoyers cultivés en agroforesterie. Installer des nids et des perchoirs pour favoriser l’installation d’oiseaux et de chauves-souris, ou encore contrôler les populations d’écureuils (par exemple réintroduisant des prédateurs naturels, les serpents), pourrait aboutir à une augmentation des rendements.
Le prix Nobel de physiologie ou médecine 2022 récompense les travaux de paléogénomique de Svante Pääbo
Le prix Nobel de physiologie ou médecine 2022 a été décerné à Svante Pääbo « pour ses découvertes sur les génomes des espèces éteintes d’Hominines ainsi que sur l’évolution humaine ». Le comité Nobel récompense ainsi les travaux ayant abouti au séquençage du génome de Néandertal, à la découverte d’une nouvelle espèce (Denisova) et à la mise en évidence de flux génétiques entre ces espèces et Homo sapiens.
Le site dédié aux prix Nobel propose une présentation vulgarisée des travaux de Svante Pääbo ainsi qu’une version plus détaillée (toutes deux en anglais).
Planet-Vie propose un article expliquant en quoi les données de génomique et de paléogénomique ont permis de compléter les apports des fossiles à la connaissance des espèces d'Hominines passées, ainsi qu'une comparaison de trois ouvrages récents traitant de génomique humaine.
De l’ADN sédimentaire toujours plus ancien
Comment reconstituer des écosystèmes passés en l’absence de fossiles ? Grâce à l’analyse de l’ADN contenu dans les sédiments ! Jusqu’à récemment, les plus vieux échantillons d’ADN sédimentaire ancien avaient été collectés dans des pergélisols âgés de 650 000 ans. Une nouvelle étude repousse cette limite par l’analyse de carottes de sédiments prélevées en mer d’Écosse (au nord de l’Antarctique) et allant jusqu’à un million d’années 1 ! Il faut dire que les conditions régnant dans cette zone du nord de l’Antarctique sont favorables à la préservation de l’ADN : basses températures, faible concentration en dioxygène et rayonnement UV limité. Il a ainsi été possible de reconstituer l’évolution de la biodiversité marine eucaryote et de la corréler aux variations climatiques.
Planet-Vie propose deux articles pour en savoir plus sur la métagénomique ainsi que sur l’ADN environnemental.
Des champignons dans les tumeurs
En analysant des échantillons provenant de plus de 17 000 patients présentant 35 types de cancers différents, des chercheurs et chercheuses de l’Institut Weizmann des sciences ont à chaque fois retrouvé des champignons associés aux tumeurs 2. Ces champignons sont souvent intracellulaires et comprennent plusieurs espèces de levures. La composition de ce mycobiome varie en fonction du type de tumeur mais aussi selon le pronostic de la maladie. Il reste cependant à déterminer si les espèces associées à une tumeur grave sont la cause ou la conséquence de la gravité de celle-ci.
Inktober
Chaque année, au mois d’octobre, de nombreuses personnes relèvent le défi Inktober. Le principe ? Produire chaque jour un dessin en rapport avec un mot clé imposé et le partager sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que Thomas Brissaire (@Aquatom13) propose chaque jour un dessin en lien avec les sciences de la vie et de la Terre, qu’il enseigne (voir un exemple en Figure 2). En parallèle d’Inktober, de nombreux autres défis de dessin ont lieu durant le mois d’octobre, avec des listes de mots clés différentes. Retrouvez des dessins en lien avec le thème de la biologie (et des sciences en général) grâce aux mots-dièse #SciArtober, #SciArtInk, #Microber, #Paleoctober et #Insektober.
La photographie gagnante du concours Nikon Small World 2022
La photographie ayant remporté le premier prix du concours Nikon Small World est celle d’une main de gecko. Pour reconstituer la totalité de cette main mesurant près de 3 mm, l’auteur a dû capturer 300 champs, chacun contenant 250 sections optiques, ce qui a généré près de 200 Go de données ! Sur l’image, les nerfs apparaissent en cyan tandis que les os, les tendons, les ligaments ainsi que la peau apparaissent dans des teintes chaudes. Une version de l'image en haute résolution (4000 pixels de large) est disponible sur le site du laboratoire d'évolution naturelle et artificielle de l'université de Genève.