La notion de service écosystémique émerge dans les années 90, avec pour objectif de replacer les enjeux de conservation au cœur des intérêts humains. Son succès, scientifique et institutionnel, est associé à des interprétations très diverses et sujettes à controverses. Ce texte propose une synthèse autour des services écosystémiques : que sont-ils, comment sont-ils étudiés et utilisés, quel est leur lien avec la biodiversité et sa conservation, quelles sont les controverses qui les traversent ?
Contexte et émergence du concept
Pour se développer, les sociétés humaines agissent nécessairement sur leur environnement. Avec l’émergence des sociétés industrielles, ces besoins ont accéléré une dégradation généralisée de la biodiversité, en nombre d’espèces et en abondance, et des changements profonds du fonctionnement des écosystèmes (Figure 1). Les causes principales en sont la destruction des habitats pour l’agriculture ou l’urbanisation, la surexploitation (pêche et chasse), le changement climatique, diverses pollutions, dont celles aux pesticides, ou l’introduction d’espèces exotiques. Or, les sociétés humaines ne fonctionnent pas de façon autonome, ou avec les seules espèces qu’elles utilisent, mais sont inscrites dans des réseaux d’interactions complexes qui relient plus ou moins directement tous les êtres vivants entre eux (Figure 2). John Muir, écrivain et naturaliste américain du XIXᵉ siècle, disait de la nature : « When we try to pick out anything by itself, we find that it is bound fast by a thousand invisible cords that cannot be broken, to everything in the universe1 ». Souhaitant susciter une prise de conscience de cette dépendance des sociétés humaines aux systèmes naturels et à la biodiversité, mais également des conséquences économiques de la dégradation environnementale 234, les biologistes de la conservation ont proposé le concept de « service » dans les années 1960-70. Les décennies suivantes voient l’émergence des termes « ecosystem (ou ecological, ou environmental, ou nature's) services ».
Dans sa version actuelle, le concept de service écosystémique est défini comme « les avantages que les humains tirent des écosystèmes et qui contribuent à rendre la vie humaine à la fois possible et digne d’être vécue » 1 ou encore comme « la contribution des écosystèmes au bien-être humain, qui découle de l’interaction des processus biotiques et abiotiques » 2. On distingue souvent les services, immatériels, des biens, « objets provenant des écosystèmes que les gens apprécient par leur expérience, leur utilisation ou leur consommation » 3.
Dans ce texte, nous présentons la diversité des services écosystémiques. Nous détaillons ensuite comment le fonctionnement des écosystèmes aboutit à un ou des services en réponse à une demande sociale, en insistant sur le rôle de la diversité biologique dans la fourniture de ces services, et comment cette compréhension des fonctionnements écologiques peut être mobilisée pour évaluer les services. L’utilisation en pratique des services est illustrée via l’ingénierie écologique et les solutions fondées sur la nature. Enfin, nous montrons que le concept de service écosystémique est l’objet de plusieurs controverses, en lien avec les valeurs attribuées à la biodiversité, et est donc en perpétuelle évolution.
Les différents services
Différentes classifications des services ont été produites afin de rendre le concept plus opérationnel. En 2005, l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire 4 optait pour une classification en quatre catégories :
- les services d’approvisionnement, qui regroupent tous les biens produits par les écosystèmes (nourriture, bois de chauffage, carburants fossiles et agrocarburants, fibres textiles, médicaments, etc.) ;
- les services culturels, qui correspondent aux bénéfices inspirés de la nature comme les loisirs, l’inspiration artistique ou religieuse, les innovations scientifiques (par exemple le biomimétisme) ;
- les services de régulation, qui participent à la régulation des conditions environnementales comme le climat (stockage de carbone, effet de la végétation sur les précipitations, etc.), les inondations, les maladies ou encore la détoxification ;
- les services de support (nommés aussi « maintien »), qui regroupent toutes les propriétés écosystémiques permettant la réalisation des trois autres catégories de services, comme la pollinisation, le recyclage des nutriments (organismes détritivores, associations symbiotiques entre plantes et bactéries fixatrices d’azote, ou entre plantes et champignons mycorhiziens…) ou la formation des sols.
En 2013, l’Agence européenne de l’environnement publiait une classification des services plus détaillée afin de poser un cadre méthodologique et faciliter la comparaison des études scientifiques. Cette classification, The Common International Classification of Ecosystem Services (CICES) 5, fait actuellement référence pour de nombreux travaux et évaluations de services. La CICES opte pour trois catégories : les services d’approvisionnement, les services culturels et les services de maintien et de régulation, qui sont regroupés en une seule catégorie afin d’éviter les doubles comptages dans les évaluations, ces types de services étant souvent liés aux mêmes fonctions écologiques (Figure 3).
Les humains obtiennent de nombreux services des écosystèmes, services qui reposent sur le fonctionnement écologique des écosystèmes et l’état de la biodiversité (voir ci-dessous). Chaque écosystème pouvant être source de plusieurs services, dans une ou plusieurs catégories, la fourniture des services écosystémiques est susceptible de varier de manière non indépendante 1, en raison de fonctions écologiques communes (par exemple si une même espèce fournit plusieurs services 2), de facteurs communs qui agissent sur différentes composantes de l’écosystème (exemples des pratiques de gestion 3, d’une espèce clé de voûte 4). Par exemple, la densité et la diversité en essences d’arbres dans un milieu forestier influencent à la fois le contrôle de l’érosion des sols et la séquestration de carbone. Ces relations entre services peuvent aussi résulter d’un décalage spatial ou temporel entre la capacité de fourniture des écosystèmes et l’importance des besoins humains 567 (voir section suivante). Différents services liés forment un « bouquet de services » 8, qui traduit la façon dont chaque service varie conjointement dans le temps et/ou l’espace avec les autres services, de manière positive (synergie) ou négative et entraînant des situations de « compromis » (Figure 4). Les compromis entre services écosystémiques peuvent apparaître dans le cas d’une utilisation intensive d’un service au détriment d’un ou plusieurs autres ou de la préservation de la biodiversité, comme la production de bois dont la récolte diminuera la séquestration de carbone, la prévention des glissements de terrain, ou encore la qualité de l’air.
Ces liens entre services restent mal caractérisés par manque de connaissances sur les processus écologiques impliqués ou les besoins parfois incompatibles des humains, ou en raison de cadres méthodologiques incomplets 1. Pourtant, identifier ces synergies ou ces compromis est essentiel pour définir des actions de gestion des services et des écosystèmes efficaces.
Les services écosystémiques fournis par la forêt française
Une forêt de France métropolitaine peut fournir de nombreux services dans les trois catégories.
-
Pour le service d’approvisionnement, la forêt est une source très importante de matières premières : bois pour la construction, bois énergie, matières premières dont la pâte à papier. Par ailleurs, beaucoup de plantes (77 espèces recensées en France) sont utilisées pour des propriétés médicinales (illustration, l’if, Taxus baccata, dont on extrait le taxol, molécule anticancéreuse), aromatiques ou ornementales (illustration le muguet, énormément cueilli en forêt pour le 1er mai). Si le rôle d’alimentation est marginal en France métropolitaine, certaines sociétés peuvent dépendre en très grande partie de la forêt pour leur alimentation principale.
-
Les services culturels incluent l’utilisation de la forêt pour les loisirs (illustration : « tree hugging » et les « bains de forêt » aux propriétés supposément relaxantes, courses en forêt mais aussi simple promenade, chasse, course d’orientation, scoutisme…), pour l’éducation (sorties scolaires) et la recherche et comme source d’inspiration (illustrations : tableau du Douanier Rousseau et arbre d’or du Val sans retour dans la forêt de Brocéliande, où prend place une partie des aventures de Merlin l’Enchanteur et des chevaliers de la Table ronde).
-
Enfin, les forêts jouent un rôle central dans la régulation du climat à long terme, via le stockage de carbone dans les sols et la végétation (surtout pour les forêts anciennes) et le piégeage actuel du CO2 de l’atmosphère (surtout dans les forêts plus jeunes, en croissance). Elles régulent aussi les conditions météorologiques localement, en rafraichissant les températures (illustration : carte de la température à Paris en été, on notera les îlots de fraîcheur dans les bois de Boulogne et de Vincennes, et, dans une moindre mesure, dans les parcs). Enfin, elles contribuent à la régulation de la qualité de l’eau et des évènements extrêmes (inondations, avalanches et glissements de terrain en montagne), par leur capacité d’absorption de l’eau et de fixation des sols.
Ces différents types de services seront cependant disponibles de façon variable en fonction du type de forêt : une plantation avec une seule espèce d’arbres (par exemple peuplier) et une gestion intensive du sous-bois fournira surtout un service d’approvisionnement en bois, et aura peu d’intérêt pour les loisirs ou la régulation du climat, alors qu’une forêt ancienne et protégée, telles celles présentes dans le nouveau Parc National de Forêts, offrira plus de services culturels et de régulation, aux dépens de certains services d’approvisionnement. Voir partie 2 pour une discussion sur les conséquences de tels compromis entre services.
Lien entre biodiversité, fonctionnement des écosystèmes et fourniture de services
Rares sont les services assurés par une seule espèce (ex. fécondation de la vanille Vanilla planifolia par l’abeille Mélipone), car les fonctions écologiques qui les sous-tendent reposent le plus souvent sur la diversité du vivant 1. De très nombreux travaux 234 ont en effet montré que la biodiversité, à quelque niveau que ce soit (génétique, taxonomique ou fonctionnelle) est souvent nécessaire à l’efficacité et la stabilité du fonctionnement des écosystèmes. Ces travaux concernent une large gamme de groupes (plantes, microorganismes, animaux…) et de fonctions écologiques à l’origine de services (productivité primaire, pollinisation, résistance aux maladies, dispersion des graines, contrôle biologique, recyclage de matière organique, bioturbation…). En conséquence, si un petit nombre d’espèces peut suffire pour un service dans un contexte particulier, toute la biodiversité, ou presque, est nécessaire pour que l’ensemble des services soient disponibles dans des contextes variés.
Par ailleurs, il résulte de cette relation forte entre diversité du vivant, fonctionnement des écosystèmes et fourniture de services que l’érosion actuelle de la biodiversité engendre une diminution de la fourniture de la plupart des services, à l’exception notable des services d’approvisionnement (Figure 6).
Par conséquent, caractériser et évaluer les services écosystémiques requiert de bien comprendre les liens qui relient la nature aux besoins des sociétés humaines. Pour ce faire, les utilisateurs du concept s’appuient sur des cadres conceptuels, c’est-à-dire des outils d’analyse permettant d’organiser des idées pour représenter les liens entre différentes composantes d’un système (naturel et/ou socio-économique), par exemple sous forme d’organigrammes. Le cadre conceptuel le plus mobilisé actuellement est celui proposé par l’Agence européenne de l’environnement (Figure 7). Il représente les services écosystémiques comme une interface entre d’une part, les systèmes naturels, qui déterminent la capacité d’un écosystème à fournir des services, et d’autre part, le système socio-économique au travers de l’ensemble des bénéfices tirés des services, qui profitent à un ou plusieurs bénéficiaires. Dans ce modèle, une fonction écologique repose sur des processus et une structure biophysiques. Elle devient un service dès lors que, et uniquement quand, elle correspond à une demande d’au moins une partie des humains, en ce sens qu’un bénéfice peut être obtenu. Cette notion de demande est centrale puisque les services sont définis selon les bénéficiaires : une même fonction peut fournir un service écosystémique très apprécié par une société ou un groupe d’acteurs mais peu par d’autres. Par exemple, la pollinisation des cultures peut devenir une contrainte pour les entreprises productrices de semences qui cherchent à éviter les croisements génétiques. Dans le cas où le service engendrerait une contrainte pour un bénéficiaire, on parle de « disservice » 1. En retour, les bénéfices obtenus par les humains influencent le développement de leurs sociétés et donc les pressions qu’ils imposent sur les systèmes naturels.
Un enjeu actuel fort est d’essayer de modifier les pressions humaines pour préserver la biodiversité et les services qu’elle fournit. Les services écosystémiques étant à l’interface entre les systèmes naturels et le système socio-économique, utiliser un cadre commun multidisciplinaire (sciences de la vie et de la Terre, mais aussi sciences humaines, sociales et économiques) est donc primordial. Le cadre conceptuel est alors utile pour (1) analyser les relations entre les différents services rendus par un écosystème et les sociétés, (2) proposer des outils pour caractériser et quantifier les services, (3) ou encore relier les résultats des études aux enjeux locaux de gestion.
Les services écosystémiques en pratique
Évaluer l’état de la biodiversité des écosystèmes ainsi que des services écosystémiques représente un enjeu majeur. Il existe plusieurs méthodes pour quantifier la fourniture d’un service 1. La plus simple consiste à attribuer à chaque entité (type d’habitat, occupation du sol) une capacité à fournir un ou plusieurs services, codée de façon binaire (1 = fourniture de service ; 0 = non-fourniture de service) ou semi-quantitative. Cette méthode repose essentiellement sur l’avis d’experts, nécessite donc peu de données et est applicable à de nombreux contextes, mais reste peu précise car trop subjective. À l’inverse, les méthodes plus précises de modélisation intégrant des groupes fonctionnels (par exemple pollinisateurs, charognards, décomposeurs) et/ou des fonctions écologiques explicites (par exemple atténuation des inondations à partir de l’hydrologie, du relief, du couvert végétal, etc.), nécessitent une connaissance fine des processus impliqués et de nombreuses données (Figure 8). Ces différentes méthodes permettent généralement d’obtenir une cartographie de la fourniture en services. Quelle que soit sa nature (cartographique ou non, quantitative ou qualitative), l’évaluation de la fourniture en services est ensuite utilisée pour la gestion des territoires, des espaces naturels ou dans l’arbitrage entre différents usages des écosystèmes.
L’ingénierie écologique et les solutions fondées sur la nature constituent d’autres façons de mobiliser le fonctionnement des systèmes naturels dans une démarche de gestion durable et de restauration, pouvant intégrer les services écosystémiques. L’ingénierie écologique est une approche de gestion qui s’appuie sur les dynamiques écologiques intrinsèques pour en influencer les trajectoires avec une intervention humaine minimale et favoriser la résilience de l’écosystème 1. L’expression « solutions fondées sur la nature » (SFN), apparue au début des années 2000, a été particulièrement mise en avant par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), qui propose de les définir comme l’ensemble des actions répondant aux principaux défis sociaux à travers la protection, la gestion durable et la restauration des écosystèmes, au bénéfice à la fois de la biodiversité et du bien-être humain. Les solutions fondées sur la nature sont souvent envisagées comme des solutions complémentaires aux méthodes d’ingénierie classique, en utilisant les propriétés naturelles des écosystèmes plutôt que le progrès technique (Figure 9). Certains auteurs 2 identifient trois types de solutions fondées sur la nature suivant qu’elles s’appuient sur la protection d’écosystèmes en bon état de conservation (type 1) ; la persistance et la multifonctionnalité d’écosystèmes gérés (type 2) ; la création de nouveaux écosystèmes (type 3). Ce gradient de pilotage peut aussi correspondre à des gradients dans la diversité des services obtenus et des groupes humains concernés, dans l’intensité des services et dans le type d’ingénierie écologique mobilisée. Si les solutions de type 1 relèvent de pratiques de conservation et préservation, celles de type 2 ou 3 impliquent plus d’interventions pour répondre prioritairement à des besoins humains spécifiques. Les exemples classiques de solutions fondées sur la nature concernent la protection de forêts anciennes et de sols riches pour le stockage de carbone ; la protection ou la restauration de zones naturelles côtières pour la résilience face aux évènements de submersions extrêmes, la restauration de sols en zones urbaines pour l’absorption des eaux de surface, la végétalisation des villes, des rues, des toits ou des façades pour la régulation microclimatique, etc. Au-delà des objectifs souvent cités vis-à-vis des enjeux climatiques, ces projets sont susceptibles de couvrir une grande diversité de besoins humains. Un des défis dans l’élaboration et la mise en œuvre des solutions fondées sur la nature est de ne pas perdre de vue la biodiversité elle-même et de veiller à assurer sa diversité et le fonctionnement écologique à court et à long terme.
Les services écosystémiques, un concept controversé et en perpétuelle évolution
Le concept de services écosystémiques permet de sortir de l’illusion d’une séparation des sphères du naturel et de l’humain. Cependant, diverses interprétations de ce concept sont progressivement devenues source de confusions, engendrant beaucoup de débats.
Par exemple, la monétarisation des services et de la nature est loin de recueillir un large consensus dans la communauté scientifique. Comparer l’importance des services dans les projets de gestion de la nature suppose de choisir une unité commune lisible par des non-spécialistes. L’unité monétaire semble pertinente pour évaluer les gains de l’utilisation ou les coûts de destruction de la nature. Si les économistes s’intéressent depuis longtemps au capital naturel, un article de 1997 1 marque le début des évaluations monétaires des services, qui culminent avec les travaux de The Economics of Ecosystems and Biodiversity project 2. Cette monétarisation de la nature recadre nombre de débats politiques mais ouvre aussi des débats économiques complexes (incertitudes de l’évaluation monétaire liées à la complexité des systèmes étudiées, crainte d’une privatisation de la nature). Apparaît ici une grande difficulté : l’unité monétaire n’a pas la même traduction marchande selon les cas, en raison soit des bénéficiaires, soit de l’échelle de temps ou d’espace à laquelle les coûts et bénéfices sont calculés. La domestication de la nature (agriculture par exemple), et plus généralement sa destruction, donnent lieu à des avantages marchands assez immédiats pour un petit nombre de bénéficiaires. Au contraire, la monétarisation associée à la préservation de la nature sauvage correspond à des biens communs, peu marchandables, dont les bénéfices se manifestent à long terme (Figure 10).
De plus, l’angle des services écosystémiques fournit une lecture utilitaire et réductrice de la nature et des relations entre humains et non-humains. Les débats éthiques fournissent d’autres arguments en faveur de la protection de la nature. D’une part, d’autres formes de valeurs (Figure 11), telles que les valeurs relationnelles ou la valeur intrinsèque, sont plus à même de refléter la dépendance des humains à la nature : l’inspiration ou la sensation de liberté, par exemple, sont difficilement monétisables. D’autre part, l’approche par services restreint les relations entre humains et non-humains à une vision occidentale fondée sur l’économie de marché, occultant d’autres conceptions. Dans ce contexte, les services écosystémiques ont récemment été remis en question et se sont vus préférer le concept de « contributions de la nature aux humains », lors de la conférence de l’IPBES de 2018. Les contributions de la nature aux humains élargissent le concept de services, avec une vision plus systémique et des déclinaisons plus précises et locales des avantages, mais aussi des contraintes, à préserver la nature.
Conséquences pour la conservation de la biodiversité – Le choix du terme « service » suggère une domestication, un asservissement, encore et toujours plus important de la biodiversité par les humains, aboutissant par dérive à une surreprésentation des services d’approvisionnement plus facilement monétisables. En l’état actuel, la conservation des services écosystémiques risque se focaliser sur ce dernier type de services et ne permet donc pas la conservation de l’ensemble de la biodiversité. Or à l’inverse, la biodiversité « sauvage », est irremplaçable pour la fourniture d’une majorité de services intégrant les multiples dimensions du bien-être humain, et est de fait nécessaire pour envisager une gestion soutenable de la biosphère, pour les humains et les non-humains. En effet, même dans une vision purement instrumentale de la biodiversité, la relation entre diversité et fonctionnement des écosystèmes donne des éléments de réponse quant aux conséquences économiques et sociales de l’érosion de la biodiversité. Il est donc indispensable d’assurer la conservation de la biodiversité pour elle-même également, ne serait-ce que parce que la disparition d’espèces est susceptible de se traduire par une moindre productivité des écosystèmes naturels et par une moindre stabilité face aux perturbations, donc une diminution de la qualité des services écosystémiques.
Conclusion
L’émergence du concept de services écosystémiques représente une avancée scientifique significative dans l’analyse des relations société-nature. Issu de la biologie de la conservation, ce concept représente un outil intéressant pour alerter une grande diversité d’acteurs sur les enjeux environnementaux et communiquer avec les décideurs, les entreprises ou le grand public. L’interdépendance entre la fourniture biophysique, la demande sociétale, le coût économique et les enjeux politiques en fait un champ profondément transdisciplinaire. Si le concept suscite de nombreuses controverses et nécessite encore des développements méthodologiques, certaines politiques environnementales, notamment européennes, intègrent déjà des objectifs de conservation et de restauration en termes de services. Enfin, l’évolution du concept de services vers les contributions de la nature aux humains et l’émergence des solutions fondées sur la nature forment le socle des changements transformateurs appelés par les groupements de scientifiques tels que l’IPBES.
Autres ressources utiles
- Le rapport complet de l’Évaluation française des écosystèmes et services écosystémiques (EFESE), et notamment la partie sur les écosystèmes forestiers où l’on trouvera un résumé très synthétique au début, et de nombreux détails ensuite.
- Rapport de l’évaluation mondiale de l’IPBES de la biodiversité et des services écosystémiques :
- Article Biodiversité et services écosystémiques de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité
- Deux articles (« Regards ») publiés par la Société française d’écologie et d’évolution :
- Les services écosystémiques, par Anne Teyssèdre
- La forêt tropicale, le mécanisme REDD et les paiements pour services environnementaux, par Alain Karsenty