Des chercheurs anglais ont utilisé la technologie d’édition de gènes connue sous le nom de CRISPR/Cas9 pour créer des poulets présentant une résistance à la grippe aviaire.
Ce texte a été initialement publié à cette adresse le 11 octobre 2023 sur Actualités scientifiques Prépas, le blog d'actualités de Patrick Pla, maître de conférences à l'université Paris Saclay. La version proposée ici a été adaptée pour Planet-Vie.
Au cours des dernières années, une version hautement mortelle du virus de la grippe aviaire, connue sous le nom de H5N1, s’est propagée rapidement dans le monde entier, tuant d’innombrables oiseaux sauvages et d’élevage. Le virus a également infecté à plusieurs reprises des mammifères sauvages et a été détecté chez un petit nombre de personnes, sans qu’il y ait de transmission interhumaine étendue. Bien que cette souche virulente du virus reste essentiellement adaptée aux oiseaux, les scientifiques pensent qu’elle pourrait acquérir des mutations qui faciliteraient sa propagation entre les humains, déclenchant ainsi une pandémie. Il y a quelques années, les épidémiologistes craignaient beaucoup plus une pandémie venant de H5N1 qu’une pandémie à coronavirus type Covid. Dans ce contexte, il est crucial de mettre en place des mesures permettant de limiter les épidémies de grippe aviaire.
C’est dans cette optique que des chercheurs anglais ont édité le génome du poulet afin de le rendre résistant à la grippe aviaire 1. Grâce à la technologie Crispr/Cas9, ils ont modifié le gène ANP32A qui code une protéine nécessaire à la réplication du génome viral. En effet, la protéine ANP32A sert de plate-forme d’assemblage pour les polymérases virales. Chez les poulets mutants, deux acides aminés indispensables à l’interaction d’ANP32A avec les polymérases virales ont été modifiés (Figure 1).
Les poulets mutés se sont avérés en bonne santé et les femelles ont pondu des œufs normalement. Ils ont ensuite été exposés à des doses modérées de virus H9N2, qui est proche de H5N1 mais moins dangereux à manipuler en laboratoire. 90 % des poulets mutés n’ont pas montré de signes d’infection et n’ont pas transmis le virus alors que plus de la moitié des poulets sauvages ont été infectés et ont transmis le virus. À des fortes doses de virus, certains poulets mutés avaient tout de même des infections plus sévères et le séquençage des virus récupérés chez eux a montré la présence de variants de virus devenus insensibles à la modification introduite dans leur hôte. Ces résultats suggèrent que la création de poulets résistants à la grippe nécessitera la modification de plusieurs gènes. En effet, les virus sélectionnés sont parvenus soit à utiliser tout de même la version mutée d’ANP32A, soit à faire répliquer leur génome par ANP32B et ANP32E, des protéines proches d’ANP32A. Ces deux protéines sont des cibles évidentes pour une édition génomique plus large.
Les auteurs considèrent leur travail comme une « preuve de concept » que l’édition du génome peut aboutir à des poulets résistants à la grippe aviaire, tout en reconnaissant que ces résultats ne représentent qu’une étape dans la conception d’une solution plus efficace à long terme. L’enjeu est de taille, car le virus de la grippe aviaire est connu pour évoluer assez rapidement.