Contrairement aux animaux, les plantes sont incapables de se déplacer lorsqu’elles sont confrontées à des conditions défavorables, comme la chaleur, le froid ou les carences nutritionnelles. L’évolution a donc sélectionné une grande variété de mécanismes qui permettent aux plantes de percevoir leur environnement et d’y réagir. Au niveau moléculaire, les plantes utilisent des molécules sensorielles qui peuvent déclencher des cascades de signalisation, induisant des modifications transcriptionnelles et traductionnelles qui leur permettent finalement de répondre aux situations de stress. Cependant, ces adaptations ont souvent un coût, comme une croissance plus lente ou plus faible par rapport aux plantes cultivées dans des conditions plus favorables. Lorsque les cultures sont confrontées à des contraintes environnementales, les rendements en souffrent généralement. Comprendre comment les plantes font face à des environnements difficiles peut aider les chercheurs à produire des cultures plus résistantes aux stress, capables de maintenir leurs rendements malgré des conditions difficiles.

Faire face à la sécheresse

Lorsqu’elles sont confrontées à des conditions inhabituellement sèches (comme une sécheresse), les plantes mettent en œuvre différents mécanismes qui peuvent les aider à survivre. Elles peuvent notamment fermer leurs stomates, ces petites ouvertures à la surface des feuilles qui sont essentielles à une photosynthèse efficace, mais qui peuvent également entraîner une perte d’eau. Pendant une sécheresse, les plantes favorisent également la maturation des graines et retardent la germination. La traduction des protéines impliquées dans la résistance au stress est également activée, déclenchant des mécanismes de protection supplémentaires.

L’acide abscissique, représenté en rose, est lié au récepteur ABA PYL1, en vert (entrée PDB 3JRS)
Auteur(s)/Autrice(s) : Janet Iwasa et RCSB PDB Licence : CC-BY Source : RCSB PDB

Bon nombre de ces réponses au stress sont induites par une voie de signalisation activée par l’acide abscissique (ABA), une petite hormone synthétisée par les tissus végétaux en conditions de sécheresse. L’acide abscissique se lie aux récepteurs ABA de la famille PYR/PYL/RCAR. Sur la figure 1, le récepteur à l’acide abscissique PYL1 d’Arabidopsis thaliana est représenté lié à l’acide abscissique, qui est coloré en rose (entrée de la banque de données des protéines (PDB) 3JRS). Le site de liaison de l’acide abscissique est une poche conservée dans la famille des récepteurs ABA et entourée de deux boucles, appelées « porte » et « loquet » 1. La liaison de l’acide abscissique « verrouille » la porte et le loquet. Vous pouvez examiner de plus près ce mécanisme de liaison en vous rendant sur la page de l’article d’origine (en anglais), et en cliquant sur l’onglet JSmol de la section Exploring the structure.

La régulation des voies de l’acide abscissique par mimétisme moléculaire

Une fois que l’acide abscissique s’est lié à son récepteur, le complexe acide abscissique-récepteur ABA peut se lier à une phosphatase de type 2C (PP2C). La liaison bloque le site actif de la phosphatase PP2C, l’empêchant de reconnaître et de se lier à la protéine kinase SnRK2 (entrées PDB 3JRQ et 3KB31. La protéine kinase SnRK2 est alors libre de phosphoryler ses cibles, ce qui active finalement les mécanismes de tolérance à la sécheresse.

De manière surprenante, les scientifiques ont découvert que l’interaction entre la phosphatase PP2C et la protéine kinase SnRK2 est très similaire à l’interaction entre la phosphatase PP2C et le récepteur de l’acide abscissique. Si la structure globale des récepteurs de l’ABA liés à l’acide abscissique et des protéines kinases SnRK2 est très différente, la manière dont ils se lient à la phosphatase PP2C est très similaire, chacun fournissant une poche de liaison pour un tryptophane conservé de la phosphatase PP2C 2. Comme cela est représenté sur la figure 2, ce tryptophane entre en contact avec la molécule d’acide abscissique liée au sein du complexe récepteur-acide abscissique et semble agir comme un détecteur d’acide abscissique (entrée PDB 3KB3). Le même tryptophane entre en contact avec la boucle d’activation de la protéine kinase SnRK2 (représentée en orange, entrée PDB 3UJG), empêchant la phosphorylation des protéines substrats.

Il s’agit d’un exemple de mimétisme moléculaire, où deux protéines différentes – la protéine kinase SnRK2 et le récepteur ABA lié à l’acide abscissique – semblent presque identiques à la phosphatase PP2C, ce qui lui permet de passer facilement d’un partenaire à l’autre. Ce mimétisme est considéré comme important en raison du grand nombre d’homologues de la protéine kinase SnRK2 et de la phosphatase PP2C codés dans les génomes végétaux, ce qui nécessite des mécanismes garantissant que seules les protéines partenaires correctes soient activées.

La phosphatase PP2C se lie au récepteur à l’acide abscissique ainsi qu’à la protéine kinase SnRK2

La phosphatase PP2C (représentée en bleu) se lie au récepteur ABA lié à l’acide abscissique (en vert, entrée PDB 3KB3) ainsi qu’à la protéine kinase SnRK2 (en orange, entrée PDB 3UJG). Les cercles à droite représentent une vue agrandie du site de liaison, mettant en évidence le rôle d’un tryptophane conservé (W385 dans la phosphatase PP2C HAB1).

Auteur(s)/Autrice(s) : Janet Iwasa et RCSB PDB Licence : CC-BY Source : RCSB PDB

Ingénierie des agonistes de l’acide abscissique

En raison des effets puissants de l’acide abscissique sur la résistance à la sécheresse des plantes, les scientifiques s’intéressent depuis longtemps à l’utilisation d’acide abscissique synthétique pour en activer les voies de signalisation. Cependant, l’acide abscissique est difficile à utiliser directement, car il est chimiquement instable et se décompose rapidement dans la nature. Des produits mimétiques de l’acide abscissique ont été développés et se sont avérés capables de se lier aux récepteurs de l’acide abscissique et d’en activer la voie de signalisation, notamment la pyrabactine (entrée PDB 3NEF1 et la quinabactine (entrée PDB 4LG52. Vous pouvez examiner de plus près ce mécanisme de liaison en vous rendant sur la page de l’article d’origine (en anglais), et en cliquant sur l’onglet JSmol de la section Exploring the structure pour visualiser un récepteur de l’acide abscissique sans ligand (entrée PDB 3KAY) et voir comment les récepteurs de l’acide abscissique se lient à celle-ci et aux agonistes de l’acide abscissique, la pyrabactine et la quinabactine. Les chercheurs tentent de développer des analogues de l’acide abscissique qui peuvent être pulvérisés sur les cultures pendant les périodes de sécheresse afin de réduire la quantité d’eau nécessaire à l’irrigation.

Le récepteur de l’acide abscissique (représenté en vert) est visualisé soit libre, soit fixé à l’acide abscissique (en rose) ou à des agonistes comme la pyrabactine (en violet) ou la quinabactine (en turquoise)
Auteur(s)/Autrice(s) : Janet Iwasa et RCSB PDB Licence : CC-BY Source : RCSB PDB

Pour aller plus loin

  1. L’isoprène est un composé organique volatil produit par les arbres qui réduirait également le stress causé par la sécheresse. Pour en savoir plus, vous pouvez lire un ancien article de la molécule du mois : Molecule of the Month : Isoprene Synthase.

  2. Il existe d’autres hormones végétales. L’auxine est une hormone végétale importante qui intervient dans la croissance des plantes  ; des auxines de synthèses sont produites à des fins agricoles. Vous pouvez lire un article sur l’auxine et son rôle sur le site Planet-Vie : le gravitropisme des végétaux.

Ce texte correspond à la traduction par Cédric Bordi de l’article Molecule of the Month : Abscisic Acid Receptor 1 écrit par Janet Iwasa en septembre 2025 sur le site PDB-101, le portail éducatif de la base de données sur les protéines (PDB).