L’obésité est de plus en plus fréquente dans nos sociétés. Mais les traitements actuels s’avèrent peu efficaces, ce qui motive la recherche de nouvelles thérapies. Chez la souris, le microARN miR-6236, sécrété par les macrophages associés au tissu adipeux, potentialise la signalisation de l’insuline dans les adipocytes. Un homologue à ce microARN existe chez l’être humain, ce qui en fait une piste prometteuse pour agir contre l’obésité.
Depuis quelques années, l’obésité et le surpoids sont devenus une véritable pandémie. D’après l’Organisation mondiale de la santé, 43 % des adultes étaient en surpoids en 2022, soit 2,5 milliards de personnes 1. Parmi celles-ci, presque 900 millions étaient obèses. De nombreuses comorbidités sont associées à l’obésité comme le développement du diabète de type 2, de cancers ou encore de maladies cardiovasculaires 2. De plus, les traitements actuels (médicaments, chirurgie, modifications du mode de vie) ont une efficacité modérée 2. La recherche de nouvelles thérapies s’avère donc essentielle.
Des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont récemment trouvé une piste prometteuse grâce à leur découverte, chez la souris, d’un microARN impliqué dans la signalisation de l’insuline et la prévention de l’hyperglycémie 3.
Pour leurs expériences, les auteurs de l’article ont utilisé des souris mâles sauvages, de corpulence standard ou en situation d’obésité induite par une alimentation riche en graisses (représentant 60 % des apports énergétiques). Chez ces souris, ils ont étudié les macrophages associés aux lipides (lipid associated macrophages), une sous-population de macrophages localisée dans le tissu adipeux (voir encadré). Ces cellules libèrent dans le milieu extracellulaire des vésicules contenant notamment des microARN, qui peuvent ainsi parvenir aux cellules voisines. Afin de caractériser le contenu de ces vésicules, les chercheurs ont trié, par cytométrie en flux, les macrophages associés aux lipides du tissu adipeux de souris témoins et obèses. Ils les ont ensuite cultivés pour isoler les vésicules extracellulaires avant de réaliser le séquençage des ARN contenus dans celles-ci. Ce séquençage a révélé que le microARN le plus abondant chez les deux types de souris est miR-6236, mais que ce microARN est surexprimé chez les souris obèses.
Les macrophages associés aux lipides
Le système immunitaire, à cause de son action pro-inflammatoire, a longtemps été perçu comme néfaste pour le tissu adipeux. Cependant, des études récentes 12 ont révélé l’hétérogénéité des sous-populations de macrophages du tissu adipeux et notamment l’existence des macrophages associés aux lipides. Ces derniers jouent un rôle bénéfique en freinant le développement de l’obésité.
Afin de caractériser ce microARN in vivo, les chercheurs ont généré une lignée de souris, dans laquelle le gène miR-6236 a été inactivé. Ils les ont comparées avec des souris témoins. Les deux lignées étaient soumises à une alimentation induisant l’obésité. Ils ont ainsi montré que si le poids des souris était identique chez les deux groupes, celles n’exprimant pas miR-6236 présentaient une glycémie plus élevée aussi bien en période de jeun (après 5h de jeun) que juste après un repas (Figure 1). De plus, leur taux d’insuline dans le sérum après une prise alimentaire était élevé et elles présentaient une moins bonne tolérance au glucose à jeun que les souris sauvages. Ces résultats suggèrent que miR-6236 permet de favoriser la sensibilité à l’insuline et l’homéostasie du glucose chez des souris rendues obèses par l’alimentation.
Des expériences complémentaires ont mis en lumière le mécanisme d’action de miR-6236. Il empêcherait la traduction de l'ARNm du gène Pten en se liant à son extrémité 3’. La protéine PTEN est connue pour réguler négativement la signalisation à l’insuline. Ce faisant, l'inhibition de son par le microARN miR-6236 permettrait une augmentation de la sensibilité à l’insuline et par conséquent une meilleure régulation de la glycémie (Figure 2).
Si ces résultats ont été obtenus chez des rongeurs, il existe cependant bien un microARN homologue chez l’humain : hsa-MIR-6236. L’expression de ce microARN est plus élevée dans le tissu adipeux et dans le sérum de sujets obèses que dans ceux de personnes de corpulence normale (Figure 3). Chez les personnes obèses, hsa-MIR-6236 est même le sixième microARN le plus abondant du sérum. De même que chez la souris, hsa-MIR-6236 inhibe la traduction de l’ARNm codant PTEN en se liant à son extrémité 3’. Par ailleurs, une transfection d’adipocytes humains avec hsa-MIR-6236 diminue leur taux de protéine PTEN et augmente l’absorption de glucose stimulée par l’insuline. Ainsi, ces travaux montrent que le microARN humain partage les caractéristiques moléculaires et les fonctions de son homologue murin, ouvrant des perspectives thérapeutiques intéressantes.
Au final, cette étude établit que miR-6236 est un microARN sécrété par les macrophages associés aux lipides et qu'il potentialise la signalisation de l’insuline dans les adipocytes. Si davantage d’expériences sont nécessaires pour caractériser au mieux le fonctionnement de ce microARN, ces résultats sont prometteurs et suggèrent que miR-6236 pourrait constituer un agent thérapeutique pour agir sur l’insulinorésistance associée à l’obésité. Par ailleurs, des études complémentaires pourraient permettre de déterminer si miR-6236 peut être utilisé comme biomarqueur dans le diagnostic et le suivi du diabète de type 2, comme le suggèrent des données préliminaires de cette étude.