Les éléments transposables sont des séquences d’ADN capables de se déplacer – on dit transposer – dans le génome des êtres vivants. Ils sont de fait un facteur déterminant de l’évolution de la taille des génomes. Ils constituent par exemple près de 50 % du génome humain, essentiellement sous la forme de copies qui se sont accumulées au fil du temps et ont ensuite rapidement dégénérées. Par ailleurs, la transposition conduit à des mutations, dont certaines peuvent affecter profondément le phénotype des individus. C’est notamment le cas lorsqu’un élément transposable s’insère au niveau d’un gène et affecte sa séquence codante ou les régions qui régulent sa transcription. Or, contrairement aux mutations dites « ponctuelles », qui se produisent plus ou moins aléatoirement le long du génome, certains éléments transposables s’insèrent préférentiellement dans ou à proximité immédiate de gènes impliqués dans la réponse aux stress, ce qui pourrait être un mécanisme d’adaptation aux changements brutaux de l’environnement.

Néanmoins, de nombreux mécanismes limitent la transposition ; par exemple la méthylation de l’ADN chez les plantes et les mammifères. Cette modification épigénétique affecte également les copies dégénérées d’éléments transposables, incapables de la moindre mobilisation. Par ailleurs, les taux de méthylation de l’ADN peuvent varier d’une copie et d’un individu à l’autre, parfois de manière héritable et avec pour conséquence possible des effets sur l’expression des gènes avoisinants.

Ainsi donc, les éléments transposables peuvent engendrer non seulement des mutations non totalement aléatoires, mais aussi des épimutations, sans changement de la séquence de l’ADN. Si cette hérédité épigénétique transgénérationnelle est bien documentée chez les plantes, elle reste controversée chez les mammifères.

Les quelques exemples présentés dans cette conférence ne doivent toutefois pas faire oublier, comme le précise Vincent Colot, que les chercheurs ne disposent pas encore d’une image d’ensemble de l’impact mutationnel et épimutationnel des éléments transposables. Par exemple, peut-on toujours considérer, comme on le fait classiquement, que le taux de mutation est constant ou, au contraire, faut-il envisager que celui-ci peut varier en fonction de l’état d’activité des séquences mobiles du génome ? De la même manière, doit-on reconsidérer le caractère essentiellement aléatoire des mutations ? La réponse à ces questions, et à d’autres portant sur le caractère épigénétique ou non de certaines variations héritables de caractères, pourrait changer notre compréhension des modalités de l’adaptation des espèces aux changements de l’environnement.

Conférence donnée par Vincent Colot et enregistrée le 21 octobre 2019 lors des journées 2019 de l'UPA (Union des professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles agronomiques, biologiques, géologiques et vétérinaires) organisées à l'École normale supérieure (Paris).