S’ils font partie des animaux les mieux connus du grand public, les Mammifères ne représentent pourtant qu’une fraction infime de la biomasse totale des êtres vivants. Qui plus est, au sein des Mammifères, l’essentiel de la biomasse se concentre chez les êtres humains et les animaux domestiqués, en particulier le bœuf et la vache domestiques. La contribution des espèces sauvages à la biomasse des Mammifères est minime.
Ce texte a été initialement publié à cette adresse le 2 mars 2023 sur Actualités scientifiques Prépas, le blog d'actualités de Patrick Pla, maître de conférences à l'université Paris Saclay. La version proposée ici a été adaptée pour Planet-Vie.
La biomasse correspond à la masse totale des organismes vivants (tous ou un groupe donné) dans un biotope défini. Complémentaire à la biodiversité, ce paramètre est lié aux flux d’énergie et de matière à travers les écosystèmes et également à la taille des populations. La biomasse comportant une part importante de carbone, son évaluation permet de mieux estimer les stocks de carbone dans les écosystèmes. La connaissance de ces stocks et de leur évolution dans le temps est essentielle pour mieux caractériser l’actuelle 7e extinction de masse (et non la 6e).
Des chercheurs israéliens viennent de publier dans PNAS un article qui réévalue la biomasse de chacun des principaux groupes de Mammifères par rapport aux études précédentes 1. Les auteurs ont compilé les études populationnelles concernant 392 espèces de Mammifères et établit un modèle pour extrapoler les données aux plus de 5000 espèces connues de Mammifères.
Les estimations des chercheurs aboutissent au poids de 1080 millions de tonnes (Mt) pour tous les Mammifères (en poids « humide », ce qui est équivalent à 343 Mt en poids sec et équivalent à 140 Mt de carbone) (Figure 1).
Cette étude confirme que l’écrasante majorité de la biomasse des Mammifères est composée des humains eux-mêmes… et des Mammifères qu’ils ont domestiqués. La biomasse des mammifères d’élevage est environ 32 fois plus élevée que celle des mammifères terrestres sauvages. Par ailleurs, pour chaque kilogramme d’être humain, il y a 1,6 kg de mammifères d’élevage. Parmi les mammifères domestiqués, les bovins sont de très loin les plus gros contributeurs (les 2/3 de la biomasse des mammifères d’élevage), suivis par les porcs (qui à eux seuls, avec 40 Mt, représentent une biomasse deux fois plus grande que tous les mammifères terrestres sauvages).
La comparaison entre la biodiversité (à l’échelle des espèces), le nombre d’individus et la biomasse amène des enseignements intéressants (Figure 2).
La biomasse des Artiodactyles (cerfs, gazelles…) est énorme par rapport au nombre d’individus et à leur relativement faible diversité en espèces, ce qui leur donne un poids très important dans les flux de matière et d’énergie dans les écosystèmes où ils se trouvent. Les Rongeurs ont le profil inverse : une très grande diversité, une quantité d’individus moyenne et une biomasse faible eu égard à leur diversité. Les Chiroptères (chauve-souris) sont caractérisés par une diversité assez importante et une quantité d’individus écrasante mais leur très faible poids individuel explique leur contribution modeste à la biomasse.
Signalons que 40 % de la biomasse de tous les mammifères sauvages terrestres sont concentrés dans seulement 10 espèces (avec en tête le cerf de Virginie, le sanglier et l’éléphant d’Afrique).
Ces données montrent le profond impact que les activités humaines exercent sur les flux de matière et d’énergie dans les écosystèmes, même si la biomasse des Mammifères est à relativiser. Elle ne représente qu’une toute petite fraction de la biomasse des animaux, entre 6 et 7 %, quand les Arthropodes et les Téléostéens comptent pour 85 % de la biomasse animale. Enfin, la biomasse des animaux n’est elle-même qu’une petite fraction de la biomasse totale des êtres vivants (0,37 %).