Un article sur ce sujet est paru dans le magazine Espèces, n°24 de juin-août 2017. Il a été co-écrit avec Thibault Lorin, dont les judicieuses remarques ont permis de grandement améliorer la base ayant servi à la version magazine pour aboutir à un article repensé et étoffé pour Planet-Terre, et publié également sur Planet-Vie.

Introduction

Tortue géante des Galápagos

Les individus ne sont matures sexuellement qu'à l'âge de 20 à 25 ans. La vitesse de reproduction de ces animaux est donc très lente, ce qui fragilise ces populations. Toutes les espèces de tortues géantes sont d'ailleurs sur la liste rouge de l'UICN.

Auteur(s)/Autrice(s) : Ferme aux crocodiles Licence : CC-BY-SA Source : Wikimedia

Les îles Galápagos (galápago = tortue terrestre en espagnol d’Amérique latine) sont considérées comme un véritable laboratoire naturel de l’évolution. De nombreuses espèces endémiques bien connues du grand public ont depuis longtemps attiré l’attention des scientifiques.

Un pinson de Darwin aux Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

C’est ainsi qu’au nom des Galápagos résonne celui de Charles Darwin, le co-découvreur de la sélection naturelle, l’un des mécanismes de l’évolution. C’est après avoir observé les pinsons des Galápagos, lors de son voyage sur le HMS Beagle en 1835, que Darwin élabora sa théorie (cf. Sélection naturelle, VIH, pinsons : ce que Darwin ne pouvait pas savoir). Pourtant, si on revient à ses écrits et plus particulièrement aux notes qu’il a prises pendant son séjour aux Galápagos, on se rend compte que les pinsons n’étaient alors pas du tout son sujet d’observation favori : il leur consacre à peine une page ! Sa curiosité est alors tournée vers d’autres insulaires, bien plus « hideux » et « stupides » de ses propres mots, les iguanes des Galápagos.

Darwin leur consacrera plus de six pages dans les notes qu’il publiera à son retour, il ne peut alors s’empêcher de montrer toute sa fascination et sa curiosité pour ces animaux qui font, selon lui, parti d’un « genre remarquable de lézards (sic) […] particulier à cet archipel ». Ainsi il écrivait : « Il est fort intéressant, en somme, de trouver un genre bien caractérisé possédant une espèce marine et une espèce terrestre, et confiné dans une si petite partie du monde ».

Darwin parlait bien sûr des iguanes des Galápagos qu’on classe aujourd’hui dans deux genres bien distincts : les iguanes terrestres (Conolophus, trois espèces) et les iguanes marins (Amblyrhynchus, une espèce et 11 sous-espèces). Ce dernier genre était d’ailleurs pour lui « de loin l’espèce (sic) la plus remarquable ». Malgré toutes les observations qu’il consignera sur ces iguanes, il ne semble pas qu’il ait cherché à savoir comment ces deux genres se sont retrouvés dans cette « si petite partie du monde ». Une question qui a le mérite de se poser dans le contexte de la théorie de l’évolution qu’il développera bien des années après.

Un iguane marin aux Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Ce sont donc des travaux récents, poursuivant des recherches initiées dans les années 1980, qui nous éclairent sur ce sujet. Nous proposons de les mettre en lien avec la géologie et la géographie des Galápagos, donc ses contraintes environnementales, pour mieux comprendre l’origine évolutive de ces passionnants iguanes. Et c’est en comprenant leur histoire que nous pourrons appliquer des programmes de conservation qui protégeront efficacement leur diversité.

Géographie et géologie des îles Galápagos

Les Galápagos, un archipel d’îles équatoriales dans le Pacifique

Les Galápagos forment un ensemble d’une centaine d’îles et d’îlots du Pacifique. Elles s’étalent du Nord-Ouest au Sud-Est sur près de 400 km. L’île la plus orientale, San Cristobal, est à 960 km des côtes de l’Équateur, pays auquel cet archipel est rattaché sous le nom de « province des Galápagos ».

Localisation des Galápagos dans l’océan Pacifique
Auteur(s)/Autrice(s) : D'après Google Earth Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
Localisation des Galápagos au large des côtes équatoriennes

Les îles Galápagos se situent à près de 1 000 km de la côte équatorienne. La ride de Carnegie, « trace » du point chaud des Galápagos, se suit à l’Est de l’archipel jusqu’à la fosse de subduction.

Auteur(s)/Autrice(s) : D'après Google Earth Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
Géographie et topographie des îles Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Eric Gaba Licence : CC-BY-SA Source : Wikimedia

Les Galápagos, la manifestation en surface d’un point chaud

La vingtaine d’îles majeures des Galápagos est formée de plusieurs centaines de volcans, dont certains sont actifs aujourd’hui et entrent régulièrement en éruption. La topographie de chaque île nous renseigne sur son activité volcanique et donc, indirectement, sur son âge. Les îles Isabela et Fernandina, à l’Ouest, possèdent des reliefs qui culminent à 1707 et 1476 m respectivement, alors que San Cristobal, à l’Est, culmine à 730 m. Cette dernière île n’est plus active depuis plusieurs siècles (Geist et al., 1986 [6]). Les laves émises aux Galápagos et les roches correspondantes sont majoritairement basaltiques. Ces volcans majeurs sont de type volcan bouclier (cf. Exemples de volcans boucliers : Galápagos, La Réunion, Islande, Sicîle, Tahiti ).

Ces observations s’expliquent bien par un modèle de plaque superficielle mobîle “percée” par un point chaud “fixe”. Les Galápagos sont, comme la Réunion ou Hawaii, issues du fonctionnement d’un point chaud enraciné profondément dans le manteau terrestre et sans doute jusque vers l’interface manteau/noyau. Celui-ci se situe en dessous d’une des plaques du Pacifique, la plaque de Nazca. Cette plaque se forme depuis une dorsale à l’Ouest et plonge dans le manteau à l’Est au niveau de la cordillère des Andes. Elle se déplace ainsi de plus de 6 cm par an vers l’Est. Le point chaud étant supposé fixe, son volcanisme itératif, mais régulier depuis une dizaine de millions d’années, permet alors de former des îles qui se déplacent vers l’Est au fur et à mesure qu’elles vieillissent. La datation des différentes îles (en particulier par radiochronologie sur les basaltes) conforte ce modèle (tableau de données ci-dessous, Geist et al., 2014 [7]). À l’Est de la dernière île, cette activité ancienne se manifeste par une ride asismique, la ride de Carnegie, équivalent “Galápagosien” de la ride asismique de l’Empereur vis-à-vis du point chaud d’Hawaii. La situation est en fait plus complexe à cause de la naissance récente de la dorsale Sud-Coco qui a sans doute séparé la trace du point chaud en deux rides asismiques (Carnegie et Coco).

Les Galápagos, des îles volcaniques issues du fonctionnement d’un point chaud

La plupart des volcans des Galápagos sont en activités, les plus orientaux sont endormis. Les îles les plus anciennes se situent à l’Est, les plus récentes à l’Ouest.

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Vue d’avion sur le Cerro Brujo, un cratère de « tuf », et sur des coulées de lave de la côte Ouest de l’île San Cristobal

Ce que les géologues locaux ont d’abord appelé « tuf » correspond en fait à des dépôts phréatomagmatiques de type surtseyien. Les cratères de tuf se sont formés sous l’eau lors du contact brutal entre les cendres chaudes et l’eau froide. Ceci souligne bien l’origine marine de ces îles.

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Cônes de cendres de l’île Floreana colonisés par une végétation dense lors de la saison humide
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Le cratère de « tuf » surtseyien de l’île Daphne Major

Daphne Major est un laboratoire naturel de l’évolution. Le couple de chercheurs Grant y a plus particulièrement étudié l’évolution des populations de pinsons de Darwin pendant plus de 30 ans.

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Des spatter cones, des laves cordées et un tunnel de lave sur l’île Bartolome
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L’immense caldeira et le toit de lave du volcan Sierra Negra au sud de l’île Isabela

Ce cratère fait plus de 100 km2 et sa dernière éruption remonte à 2005.

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Cônes adventifs et coulées pahoehoe sur l’île Santiago
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Los tuneles, tunnels de lave côtiers effondrés et en partie immergés au sud de l’île Isabela
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Îles (d’Ouest en Est) Date d’émergence (en millions d’années) Point culminant (en mètres)
Fernandina

0,032 – 0,06 Ma

1476 m (Volcan La Cumbre)
Isabela 0,5 – 0,8 Ma 1707 m (Volcan Wolf)
Santa Cruz 1,1 – 2,3 Ma 864 m (Volcan Cerro Crocker)
Española 3,0 – 3,5 Ma 206 m
San Cristobal 2,4 – 4,0 Ma 730 m (Volcan Cerro San Joaquin)

L’une des prédictions de ce modèle est que nous devrions retrouver des îles immergées ou a minima des laves basaltiques issues du fonctionnement du point chaud il y a plus de 4 Ma. Des études récentes montrent effectivement qu’il existe un plancher basaltique à l’Est de San Cristobal ; on peut d’ailleurs le voir sur des cartes bathymétriques et topographiques. C’est ce qu’on appelle les Galápagos Seamount (les montagnes sous-marines des Galápagos) avec des reliefs faisant penser à d’anciennes îles. Elles sont aujourd’hui immergées à cause de l’érosion et de la subsidence thermique de la lithosphère océanique qui s’éloigne de la dorsale. Ces vestiges d’îles ont pu être datés et remontent à près de 11 Ma (Merlen, 2014 [12]). La ride asismique de Carnegie prolonge ce dispositif vers l’Est comme la ride de l’Empereur prolonge l’archipel hawaiien.

Le climat des Galápagos

Alors que les Galápagos sont à cheval sur l’équateur, le climat y est plutôt sec. La station de la Fondation Charles Darwin sur Santa Cruz enregistre des précipitations annuelles moyennes autour de 300 mm. Cette sécheresse inhabituelle sous l’équateur est due au fait que les îles Galápagos sont baignées par un bras Nord du célèbre courant froid de Humbolt (également appelé courant du Pérou). Ces eaux froides ne sont sans doute pas étrangères à l’abondance de pinnipèdes et de manchots sur ces plages équatoriales. À l’inverse, lors des épisodes El Niño, ces précipitations atteignent près de 3000 mm à l’année ! Étant loin de la côte, donc préservées de toute influence continentale, le climat des îles Galápagos est directement dépendant des courants marins, d’où l’importance des phénomènes El Niño.

Le climat et la végétation d’une île des Galápagos varient en fonction de sa topographie et de son activité volcanique. Une même île, selon la position de son point culminant (effet de fœhn) et la date de sa dernière éruption, peut arborer une côte à la végétation luxuriante et une côte à l’environnement désertique. Cette dynamique temporelle et spatiale du climat, que nous détaillons dans les paragraphes suivants, a de profondes implications pour l’évolution des êtres vivants qui l’habitent.

Les écosystèmes des îles anciennes

Comme on l’a vu précédemment, lorsqu’une île est ancienne, son climat et sa végétation sont très dépendantes de sa géographie et de sa géomorphologie.

Vue satellite de l'île San Cristobal et de sa végétation, Galápagos

Cette vue satellite montre bien la différence de végétation entre le côté Nord et le côté Sud des îles des Galápagos. Le Sud est beaucoup plus humide, et donc verdoyant, que le Nord. De plus, le relief arrête les nuages et favorise donc les précipitations sur ce même côté de l’île.

Auteur(s)/Autrice(s) : D'après Google Earth Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Prenons l’exemple de San Cristobal. Cette île âgée de 2,4 à 4 Ma est globalement découpée en deux zones de végétations très différentes : le Sud et le Nord. La côte Sud est baignée par des courants marins et des vents qui amènent de l’humidité et donc des précipitations. Une végétation de type intertropicale s’y développe alors. Pour ce qui est de la partie Nord de l’île, que les coulées basaltiques soient plus ou moins récentes, les quelques massifs volcaniques culminant à 700 m (Cerro San Joaquin, la lagune El Junco…) suffisent pour arrêter les masses d’airs humides et ainsi empêcher les précipitations d’atteindre le Nord de l’île. Le climat y est beaucoup plus sec, et la végétation est dominée par des plantes grasses et des herbes.

Cet exemple s’inscrit dans le modèle des zones de végétation des îles Galápagos. Nous ne traiterons pas de chaque zone, mais les zones les plus humides (écozones à Scalesia, Astéracée arboresente endémique, et à Miconia, Mélastomatavée arborescente) ne peuvent se mettre en place que sur des reliefs hauts et humides. Les zones restantes sont beaucoup plus sèches.

Le modèle d’étagement des zones de végétation sur une île des Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA
Passage de la zone costale à la zone aride sur l’île San Cristobal

L’écozone costale est la première bande végétale visible sur cette photo. Elle est principalement constituée de plantes grasses résistantes à la dessiccation et aux hautes teneurs en sels, et parfois de mangroves. La zone aride se situe sur les pentes en arrière-plan. Celle-ci est moins dense en végétaux.

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Passage des zones arides et/ou de transition à la zone à Scalesia sur l’île San Cristobal

On reconnaît en arrière-plan la zone aride peu végétalisée. Une transition se fait alors vers une végétation plus dense et verdoyante au premier plan, la zone à Scalesia.

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Zone à Scalesia sur l’île Santa Cruz

Dans cette zone à la végétation dense, pas d’iguanes, mais de nombreuses espèces d’oiseaux, des tortues terrestres, etc.

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Zone à Miconia sur l’île San Cristobal

Cette zone est particulièrement importante pour la nidification des pétrels, des oiseaux marins qui vont se nourrir à la surface des mers à plusieurs kilomètres des côtes. La zone à Miconia est particulièrement menacée par des plantes introduites et invasives, telle que la ronce.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA
Plantes pionnières du genre Tiquilia colonisant les cendres et tufs de l’île Bartolome

Ces végétaux sont les premiers à coloniser une île ou une nouvelle région d’une île suite à une éruption volcanique. Leur faible densité et le fait qu’ils ne soient pas une nourriture de choix pour les iguanes (qui les disperseraient alors) ne permet pas à des populations importantes de s’y installer de manière durable. Voir ou revoir à ce propos La colonisation des coulées de lave par des cactus en climat chaud et sec, îles de Fernandina et de Bartolomé, archipel des Galápagos (Équateur).

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Les écosystèmes des îles récentes

Pour les îles plus récentes, le contrôle des écosystèmes se fait beaucoup plus par l’activité volcanique que par des effets climatologiques (le volcan Sierra Negra fait exception avec ses pentes Sud très humides et arborées et ses pentes Nord quasi désertiques). Selon la lithologie, seules quelques plantes bien spécifiques arrivent à se développer. Dans le cas de l’île Bartolome, les cendres et « tufs » sont colonisées par les espèces pionnières Tiquilla (Boraginacée) et Chamaesyce (Euphorbiacée), alors que les laves le sont par le cactus Brachycereus.

Plantes pionnières des genres Tiquilia et Chamaesyce colonisant les cendres et pyroclastites de l’île Bartolome
Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA
Brachycereus nesioticus, un cactus pionnier des champs de lave de l’île Bartolome
Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Connaître le climat, et donc la végétation, d’une île est important si on veut comprendre comment les iguanes des Galápagos ont évolué en les formes que nous connaissons actuellement. En effet, une île selon son âge, son altitude, son activité volcanique… imposera des contraintes à la végétation qui y pousse et donc in fine aux iguanes qui la coloniseront.

Les iguanes des Galápagos : des espèces endémiques aux modes de vie variés

Les iguanes terrestres

Tous les iguanes vivent dans la région de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale. Mis à part les iguanes marins des Galápagos, ils sont tous herbivores et insectivores. Trois espèces endémiques d’iguanes terrestres sont présentes aux Galápagos : Conolophus subcristatus, C. pallidus (de l’île Santa Fe) et C. marthae (l’iguane rose découvert en 1986 et nommé seulement en 2009 !). Les individus de ces trois espèces se distinguent principalement par la couleur de leurs écailles. L’archipel compte jusqu’à 10 000 individus d’iguanes terrestres avec une très large majorité de C. subcristatus.

Conolophus subcristatus, l'iguane terrestre le plus abondant des Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Haplochromis Licence : CC-BY-SA Source : Wikimedia
Conolophus pallidus, iguane terrestre de Santa Fé
Auteur(s)/Autrice(s) : Benjamint444 Licence : GFDL 1.2 Source : Wikimedia
Conolophus marthae, iguane rose du volcan Wolf de l'ile Isabela, représenté sur un timbre d’Équateur
Auteur(s)/Autrice(s) : Post of Ecuador Licence : Domaine public Source : Wikimedia
Un individu de l’espèce Conolophus subcristatus en train de se nourrir de la chair d’une « raquette » d’un cactus du genre Opuntia
Auteur(s)/Autrice(s) : Benjamint444 Licence : GFDL 1.2 Source : Wikimedia

Ces iguanes peuvent mesurer jusqu’à 1 m et peser près de 13 kg. Les adultes sont majoritairement herbivores ; ils se nourrissent des cactus du genre Opuntia en mangeant aussi bien les parties végétatives (les pads ou raquettes) que les fruits. Les juvéniles sont insectivores (tout comme les lézards des laves, un autre groupe d’espèces endémiques de ces îles) ; ils deviennent phytophages en grandissant. On retrouve ces iguanes dans les terres, où ils nidifient en creusant des terriers, jamais sur les côtes.

L’iguane marin

Bien que moins connu que les pinsons de Darwin ou les tortues géantes des Galápagos, l’iguane marin (Amblyrhynchus cristatus) est une espèce emblématique de ces îles à plusieurs titres. Elle est non seulement unique parce qu’elle est endémique de ces îles, mais surtout elle est la seule représentante de son groupe à avoir un mode de vie amphibien (ou semi-aquatique) ! Son alimentation, à l’âge adulte, est uniquement composée d’algues rouges et vertes qu’elle trouve sur les fonds marins et dans les zones intertidales. Elle est donc inféodée aux côtes, que ce soit des plages ou des falaises. Les mâles vont plus souvent se nourrir en s’éloignant de quelques mètres des côtes et en plongeant à plusieurs mètres de profondeur. Les femelles et les juvéniles se nourrissent plus souvent sur les rochers battus par l’eau et dans les zones intertidales.

Mâle d’iguane marin (Amblyrhynchus cristatus) faisant du basking sur une plage de l’île San Cristobal

Le basking est un comportement permettant à l’animal de se réchauffer après être allé plonger pour se nourrir.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Si une seule espèce semble exister, elle se subdivise en plusieurs sous-espèces selon les îles. On en compte aujourd’hui 11 (Miralles et al., 2017 [11]). Ces sous-espèces varient principalement par leur taille (de 0,75 à 1,3 m) et leur couleur (du noir profond au noir tacheté de rouge et de vert).

Mâle d’iguane marin (Amblyrhynchus cristatus) faisant face au soleil sur une plage de sable noir de l’île Floreana

La différence de couleur de ce mâle par rapport à celui de la photo précédente est due à la saison de reproduction. Les iguanes mâles arborent alors une livrée jaune-rouge qui pourrait attirer les femelles.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

L’iguane marin possède diverses adaptations en lien avec son mode de vie original (voir tableau ci-dessous).

Type d’adaptation Adaptation Avantage conférée en milieu marin
Morphologique Pattes légèrement palmées Augmentation de la vitesse de nage
Morphologique Doigts griffus longs et puissants Meilleure accroche aux roches
Morphologique Face aplatie Permet de brouter les algues fixées aux rochers
Morphologique Queue aplatie latéralement Stabilisation de la nage
Morphologique Corps sombre Diminution de l’albédo permettant un réchauffement plus rapide par absorption des rayons lumineux (les iguanes perdent jusqu’à 10 °C pendant la plongée)
Physiologique Diminution drastique de la fréquence cardiaque en plongée Optimisation de l’oxygénation en plongée
Physiologique Excrétion de sels de chlorure et de potassium par les narines Accommodation de la teneur élevée en sel de l’eau de mer et des algues ingérées
Comportementale Comportement grégaire Profiter de la chaleur des congénères
Comportementale Position de basking Optimisation du réchauffement du corps en variant l’inclinaison de la tête par rapport aux rayons du soleil et au substrat rocheux brulant (atteignant jusqu’à 60 °C !) ; la température corporelle doit atteindre la température critique de 35 °C.
Comportementale Commensalisme / Mutualisme avec le crabe Sally-pied-léger Nettoyage des tiques accrochées aux iguanes et diminution de la pression parasitaire

Comment un iguane devient-il “marin” ?

Cette question est d’autant plus troublante que les iguanes marins n’ont pas de véritables « innovations évolutives » leur permettant de survivre dans l’eau. En effet, ils partagent la même endurance à survivre sans respirer que leurs cousins, ils excrètent du sel comme d’autres iguanes (qui, comme les oiseaux, excrètent ainsi l’azote sous forme d’acide urique ce qui permet de limiter les pertes en eau sous forme d’urine) et certains, comme l’iguane bleu, ont des pattes palmées ! Puisque l’ancêtre de l’iguane marin devait aussi avoir ces caractéristiques, on parle plus volontiers de pré-adaptation plutôt que d’adaptation au milieu aquatique dans le cas de l’iguane marin ; mais cela devrait aller dans le sens d’une répartition plus grande des iguanes marins dans le monde. Une question légitime se pose donc : pourquoi seuls les iguanes des Galápagos ont acquis un mode de vie semi-aquatique ?

Ce sont le hasard et la nécessité, si chers à Jacques Monod, qui nous donnent des éléments de réponse. Être capable de vivre dans un milieu ne signifie pas qu’on doit y vivre. Si les ressources sont en plus grande quantité et de meilleure qualité en milieu terrestre, il n’y a aucune raison pour que des iguanes aillent se nourrir en milieu marin, ou en tout cas qu’ils en obtiennent un quelconque avantage évolutif. Les iguanes vivent dans des milieux tropicaux et équatoriaux où les ressources terrestres en insectes et en plantes sont largement abondantes. Par contre, aux Galápagos, les insectes ne sont pas aussi présents et surtout, comme nous l’avons vu plus haut, les ressources végétales sont à la fois très dépendantes du climat, de la côte et de l’âge de l’île. Il est donc très probable qu’elles viennent à se raréfier là où iguanes terrestres, tortues et autres animaux des Galápagos se les partagent. On pense ainsi que les iguanes marins proviennent d’une population d’iguanes terrestres des Galápagos qui sont allés, par hasard et/ou par nécessité, chercher de la nourriture sur le front de mer. Leur capacité à excréter le sel leur a tout d’abord permis de ne pas souffrir de l’excès de sel des algues, puis leurs capacités pulmonaires leur ont permis de s’aventurer un peu plus loin dans la mer. Ayant trouvé une ressource inexploitée par d’autres animaux, ils ont pu s’isoler des populations d’iguanes terrestres et ont ensuite évolué en la forme que nous connaissons aujourd’hui.

En résumé, les iguanes marins sont le produit de leur histoire évolutive et de conditions particulières aux Galápagos. Il n’est pas certain qu’une évolution semblable se fasse à nouveau autre part dans le monde, mais si c’était le cas, il est fort à parier que ce soit une espèce « pré-adaptée » aux contraintes du milieu marin comme les iguanes.

L’ensemble des données concernant ces deux genres d’iguanes aux modes vies opposés pose la question de leur histoire évolutive et donc de leur origine. Sont-ils très apparentés ? Proviennent-ils d’une même population d’iguanes qui ont colonisé les Galápagos ? Comment cette population a-t-elle pu atteindre des îles si éloignées ? Quand et combien de fois cela s’est-il produit ?

L’origine des iguanes des Galápagos

Comment coloniser des îles si lointaines ?

Le problème de la possibilité de coloniser de telles îles se pose à partir des observations suivantes :

  • les Galápagos sont à près de 1000 km des côtes Sud-américaines ;
  • le fait que le point chaud ne fonctionne que depuis quelques dizaines de millions d’années implique que ces îles n’ont pas pu être en contact avec les continents dans le passé ;
  • la profondeur de l’océan entre les îles et la côte ne permet pas d’envisager un « pont émergé » pendant de grandes phases de régression marines (la connexion entre les îles est par contre très probable) ;
  • la faune et la flore terrestres de ces îles sont très différentes, en termes de groupes de taxons présents et même abondants, de la faune et de la flore terrestre continentale (tableau ci-dessous) ; on ne prendra pas en compte les espèces introduites par l’homme qui ont pu bénéficier de leurs moyens de transports depuis la découverte des îles en 1535.
Groupes de taxons terrestres Abondance aux Galápagos par rapport à l’abondance mondiale (ne prend pas en compte les espèces introduites par l’homme)
Mammifères non volants Non présents
Iguanes et lézards Sur-représentés
Amphibiens Non présents
Orchidées (plantes à fleurs en général) Sous-représentées
Fougères Sur-représentées

La colonisation par des plantes s’envisage très bien avec le transport par le vent (pour les espèces anémophiles), l’eau (espèces hydrophiles) ou les oiseaux (espèces zoophiles). Le maintien ou non des populations colonisatrices selon leur type de reproduction est facilement compréhensible quand on compare des orchidées, hautement dépendantes de leurs pollinisateurs, avec des fougères dont les semences sont résistantes et légères.

Par contre la colonisation par des animaux aussi particuliers que les iguanes qui, mis à part les iguanes marins, ne nagent pas et qui n’ont aucune chance de profiter d’un voyage aérien nécessite de solides arguments. Le premier d’entre eux est qu’il faut considérer l’étendue de la durée pendant laquelle ces animaux ont eu la possibilité de coloniser ces îles ; c’est-à-dire depuis leur émergence il y a au moins 10 Ma pour les plus anciennes. Si la probabilité d’un unique événement de colonisation à un instant donné est quasi nulle, celle qu’une colonisation arrive au moins une fois en 10 Ma est déjà beaucoup plus grande. D’autre part, des cas similaires de colonisation insulaire ont été étudiés dans le monde (par exemple, la colonisation de Madagascar par des rats et souris aujourd’hui endémiques) et font ressortir trois hypothèses majeures :

  1. l’existence dans le passé de « ponts émergés », comme les ponts continentaux évoqués du temps de Wegener ;
  2. l’existence d’anciennes îles plus proches de la côte qui auraient servi de relais à la colonisation des îles les plus éloignées ;
  3. le transport d’espèces animales et végétales sur des radeaux de fortunes à la suite de violentes tempêtes continentales.

Les deux premières hypothèses peuvent être écartées d’emblée car, comme nous l’avons vu précédemment, la géologie et la géographie de cette partie du Pacifique ne vont pas dans leur sens. La dernière hypothèse, bien que farfelue de prime abord, est soutenue par plusieurs observations :

  • en 1911, une île végétale de 30 m², avec des arbres de près de 9 m de haut et des animaux, a dérivé sur plusieurs centaines de kilomètres dans l’Atlantique du Nord ;
  • de tels radeaux ont été vus dériver sur l’Amazone suite à de violentes tempêtes et inondations ;
  • les courants marins et les vents sont tels qu’un radeau dérivant depuis la côté Sud-américaine aurait de grandes chances d’atteindre les Galápagos en deux semaines à peine.

Un tel modèle s’accorde bien avec les observations faites sur la faune des Galápagos : seuls des animaux assez résistants face au manque d’eau et de nourriture survivraient à un tel voyage. Alors que des grenouilles se dessécheraient très rapidement et que des rats et souris mourraient de soif, des iguanes pourraient eux en sortir vivant et accoster sur une plage. En prenant, de plus, en compte le temps imparti, il est tout à fait probable qu’une seule expédition d’infortune de quelques couples d’iguanes, voire d’une unique femelle gravide, ait pu aboutir.

Courants marins superficiels baignant les Galápagos dans le Pacifique Est
Auteur(s)/Autrice(s) : D'après Google Earth Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

La situation géographique des Galápagos permet aux îles d’être baignées par des courants marins de surface convergents. Ainsi, il n’est pas inenvisageable qu’un radeau puisse atteindre « rapidement » les îles à la seule faveur des courants marins. Le terme de « courant El Niño », tout comme le phénomène El Niño, est lié à sa saisonnalité ; ce courant fonctionne principalement pendant la période de Noël, or, en espagnol, El Niño désigne « l’enfant Jésus ».

L’hypothèse du radeau de fortune : l’expédition du Kon-Tiki revisitée ?

En 1947, l’expédition maritime du Kon-Tiki fut menée par l’anthropologue norvégien Thor Heyerdahl. Cette aventure était unique en son genre car elle devait prouver que le peuplement originel de la Polynésie avait pu se faire depuis le Pérou. Pour cela, Heyerdhal reproduisit une embarcation avec les technologies et les connaissances de l’époque inca. Bien que propulsé par une voile, le radeau a aussi profité du fort courant de Humboldt. Résultat : l’équipage arriva sain et sauf en Polynésie au bout de 3 mois de périples sur les eaux du Pacifique. La mission était donc un véritable succès ! Mais on peut noter que si l’expédition a montré la possibilité d’un peuplement polynésien d’origine américaine, cela n’en a pas démontré la réalité. Et les études génétiques menées quelques décennies plus tard ont montré que ce peuplement était d’origine asiatique (via l’Indonésie).

Si l’homme n’a encore jamais envisagé de mettre des iguanes sur un radeau végétal et de leur faire traverser le Pacifique, la nature s’en est chargée il n’y a pas si longtemps que ça. Ainsi, en 1998, les ouragans Luis et Marylin ont frappé la Guadeloupe ; la force des vents et des courants ont alors “propulsé” des radeaux végétaux sur lesquels 15 iguanes verts ont vogué. Ces iguanes verts ont été observés sur l’île d’Anguilla dans les Caraïbes, une île où ils ont toujours été absents auparavant. Ils ont donc parcouru plus de 200 km sur leur radeau !

Tout comme pour la Polynésie et le Kon-Tiki, atteindre les côtes des Galápagos sur un radeau de fortune devient ainsi une éventualité tout à fait possible, en comptant tout de même sur un bon coup de chance.

Des hypothèses sur l’origine des iguanes : une ou plusieurs phases de colonisation ?

Sachant que le processus de colonisation est possible, il nous faut expliquer la présence de 4 espèces différentes d’iguanes, et surtout de deux genres aux modes de vies très différents. En 1961, sur la base de caractères morphologiques, une première hypothèse impliquant une évolution indépendante de ces deux genres a été proposée (Eibl-Eibesfeldt, 1961).

Deux phases de colonisation

Eibl-Eibesfeldt proposa que les iguanes marins et les iguanes terrestres ont divergé indépendamment de leurs ancêtres continentaux, alors supposés ressembler à l’iguane vert (Iguana iguana).

Un iguane vert, Iguana iguana, potentielle espèce continentale pouvant se rapprocher de l’ancêtre commun aux iguanes des Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Paul Asman et Jill Lenoble Licence : CC-BY Source : Wikimedia
Aire de répartition actuelle de l’iguane vert en Amérique centrale et en Amérique du Sud

La répartition de l’iguane vert est compatible avec l’hypothèse d’un départ en radeau depuis les côtes Sud-américaines.

Auteur(s)/Autrice(s) : Ron Jeremy Licence : CC-BY Source : Wikimedia
Deux modèles de relation de parentés possibles dans le cas d’une colonisation en deux temps des îles Galápagos par des iguanes continentaux du genre Iguana

Le scénario proposant l’arrivée en deux temps des iguanes aux Galápagos se traduit par deux histoires évolutives possibles. La première (A) aurait vu la divergence des iguanes terrestres des Galápagos à partir d’une population d’Iguana. Ensuite, une autre population d’Iguana serait arrivée et aurait donné naissance aux iguanes marins. À l’inverse, on peut imaginer que les iguanes marins aient divergé en premier, puis les iguanes terrestres ensuite (B). Quel que soit l’ordre de divergence, chaque genre d’iguanes des Galápagos est plus proche du genre continental Iguana que de l’autre genre des Galápagos. Cela se traduirait alors par l’un des deux arbres phylogénétiques, A ou B.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Ce modèle peut s’expliquer de deux façons. D’un côté, les iguanes marins et terrestres des Galápagos auraient évolué indépendamment sur le continent depuis deux populations d’iguanes verts. Ils auraient ensuite colonisé en deux temps les Galápagos. Seules les populations insulaires auraient alors survécu. Problème : aucun fossîle ressemblant à des iguanes des Galápagos n’a été retrouvé en Amérique du Sud.

L’autre solution, proposée par Wyles et Sarich en 1983 [24], est que des iguanes verts ont vogué jusqu’aux îles Galápagos au début du fonctionnement du point chaud. Puisque les îles étaient récentes, la végétation était peu développée et donc défavorable aux iguanes. Par hasard ou par nécessité, quelques iguanes ont commencé à se nourrir d’algues, d’abord dans la zone intertidale. Certains auraient ensuite réussi à survivre en allant chercher des algues plus en profondeur, leur permettant de laisser plus de descendants que leurs confrères terrestres, et ainsi de suite. Le temps passant et les îles vieillissant, la végétation s’est développée et une nouvelle colonisation par des iguanes verts a comblé une niche écologique vide, celle des gros lézards terrestres herbivores. Les deux espèces endémiques des Galápagos ont alors continué à diverger sur l’île. Wyles et Sarich (1983 [24]), sur la base de données immunologiques, proposent une date de divergence autour de 15-20 Ma (date qui pose question puisque les îles Galápagos semblent n’être âgées que de 4 à 5 Ma pour les plus anciennes voire 10 Ma pour les des îles aujourd’hui immergées, problème de datation géologique ou biologique ?).

Une unique phase de colonisation

Aire de répartition actuelle du genre Ctenosaura en Amérique centrale et en Amérique du Sud

De même que l’iguane vert, cet iguane aurait très bien pu traverser l’océan Pacifique vers les Galápagos depuis l’une des régions qu’il occupe actuellement.

Auteur(s)/Autrice(s) : rbausse Licence : CC-BY-SA Source : Wikimedia

Un autre modèle, développé en même temps que le précédent, propose que la colonisation ne se soit faite qu’en une seule fois. Nous ne traiterons que de l’hypothèse où il y a eu spéciation et divergence sur les Galápagos car ce même scénario sur le continent puis colonisation en même temps par les deux espèces paraît hautement improbable.

Indépendamment du nombre de colonisations, nous ferons l’hypothèse que l’espèce sœur des iguanes des Galápagos fait partie du genre Ctenosaura qui était un autre prétendant à ce titre dans les modèles de spéciation.

Iguane du genre Ctenosaura, potentiel iguane continental se rapprochant de l'ancêtre commun aux iguanes des Galápagos
Auteur(s)/Autrice(s) : Jackhynes Licence : Domaine public Source : Wikimedia

Dans ce modèle, une unique population d’iguanes du genre Ctenosaura aurait colonisé les îles Galápagos. Le fait que ces iguanes aient été uniquement terrestres et qu’ils aient donné des espèces encore inféodées à ce milieu (le genre Conolophus) implique qu’il y avait des ressources exploitables sur l’île où ils sont arrivés, autres que les algues. Cela signifie que la partie de l’île où ils ont accosté devait être suffisamment âgée et humide (donc vraisemblablement au Sud) pour qu’il y ait une végétation développée. À partir de là, le manque de ressources végétales et la compétition possible avec d’autres herbivores (comme les tortues des Galápagos) et d’autres insectivores (comme les lézards des Galápagos) ont pu être le moteur d’une différenciation comportementale, puis physiologique et morphologique, de deux populations d’iguanes qui ont chacune donné les deux genres actuels, terrestre et marin.

Le modèle de relation de parenté entre les iguanes des Galápagos dans le cas d’un unique événement de colonisation des Galápagos par des iguanes continentaux du genre Ctenosaura

Dans le cas d’un unique événement de colonisation, il n’y a qu’une seule histoire évolutive possible qui est représentée par cet arbre phylogénétique. Puisque les deux genres d’iguanes des Galápagos ont divergé depuis une même population d’iguanes continentaux (proche du genre Ctenosaura), ils sont plus apparentés entre eux qu’avec n’importe quel autre genre d’iguanes.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Faits et observations

Avant de regarder en détail les faits et observations accumulées depuis plus de 30 ans, faisons un point sur les différentes hypothèses et prédictions de chaque modèle.

  Plusieurs événements de colonisation Unique événement de colonisation
Parenté entre les iguanes marins Amblyrhynchus et Conolophus ne sont pas des groupes frères Amblyrhynchus et Conolophus sont des groupes frères
Ancêtre commun Iguana ou Ctenosaura Iguana ou Ctenosaura
Lieu de spéciation Les îles Galápagos et/ou le continent Les îles Galápagos
Nombre de spéciations Deux spéciations Une seule spéciation
Type d’îles colonisé en premier îles âgées et/ou récentes îles âgées
Fossiles des deux genres Sur le continent et/ou les îles Galápagos Sur les îles Galápagos uniquement

Si on considère uniquement le critère de parcimonie, le modèle avec un seul événement de colonisation devrait être privilégié. La comparaison avec d’autres espèces endémiques à faible dispersion nuance cependant cette première conclusion :

  • espèces issues d’une unique phase de colonisation : les tortues des Galápagos il y a au moins 3,2 Ma (Parent et al. 2008, Poulakakis et al. 2012) ;
  • espèces issues de plusieurs phases de colonisation : les geckos des Galápagos avec une première colonisation il y 13 Ma (âge un peu plus ancien que l’âge estimé des îles aujourd’hui immergées et étudiées) et une seconde il y a 3 Ma (Torres-Carvajal et al., 2014 [19]), et les lézards des Galápagos avec deux événements contemporains de colonisation sur deux îles différentes, autour de 2-3 Ma (Benavides et al., 2009 [2]).

La paléontologie nous apporte peu de preuves en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses ; la plupart des fossiles trouvés aux Galápagos sont trop récents ou pas assez équivoques pour être assignés à un des deux genres (Rassman, 1997 [16]).

Les éléments les plus intéressants sont à regarder du côté des arbres phylogénétiques basés sur des critères moléculaires. Si ces études ont soulevé de nombreux doutes et critiques (cf. la « Guerre des Iguanes » due à l’effet d’attraction des longues branches en phylogénie moléculaire ; Wiens et Hollingworth, 2000 [21]), il est dorénavant bien établi que les iguanes les plus apparentés aux iguanes des Galápagos sont du genre Ctenosaura (MacLeod et al., 2015 [10]).

Là où les études phylogénétiques peuvent vraiment permettre de départager les deux modèles de colonisation, c’est en regardant les liens de parenté entre Conolophus et Amblyrhynchus. Et les résultats sont éloquents : ces deux genres sont plus proches l’un de l’autre qu’avec le genre Ctenosaura ! Des cas d’individus hybrides entre Amblyrhynchus et Conolophus (sans qu’on sache s’ils étaient fertiles) ont même été plusieurs fois observés (Rassmann et al., 1997 [17], MacLeod et al., 2015 [10]). Cela souligne leur proximité génétique et confirme donc leur proche parenté.

Des méthodes de datation évolutive (horloge moléculaire) appliquées à cette hypothèse ont longtemps suggéré un âge de divergence autour de 10 Ma (Rassmann, 1997 [16]), soit peu après l’émergence de la plus ancienne île observée (maintenant sous-marine). Une étude récente propose un âge autour de 4,5 Ma (MacLeod et al., 2015 [10]) ce qui coïnciderait avec l’émergence des actuelles îles les plus anciennes (Española et San Cristobal). À cette époque, il devait donc y avoir des îles plus âgées possédant une végétation suffisante qui ont permis le maintien et l’évolution d’iguanes terrestres.

Conclusion : une histoire évolutive qui se complète au fur et à mesure

L’ensemble des résultats précédents privilégie l’hypothèse d’une unique phase de colonisation par des iguanes terrestres apparentés au genre Ctenosaura. La divergence entre Conolophus et Amblyrhynchus se serait alors produite sur une île déjà âgée, mais à une époque à laquelle San Cristobal et Española étaient probablement déjà émergées.

Ce modèle n’exclut pas de possibles événements d’arrivées d’iguanes continentaux par la suite, mais cela le complexifie en ne faisant que retarder le moment de la divergence (par des flux génétiques depuis le continent vers les îles).

Si nous avons parlé des événements les plus précoces de l’évolution des iguanes des Galápagos, de nombreuses études se penchent sur les migrations et les spéciations / différenciations à l’intérieur des deux genres. Auparavant datée à plus de 5,7 Ma (Gentile et al., 2009 [8]), l’apparition de l’espèce basale du genre Conolophus (l’iguane rose, C. marthae) a été revisitée à 1,5 Ma (MacLeod et al., 2015 [10]) ; un résultat qui est en accord avec le modèle décrit dans cet article. Des problématiques telles que l’absence de spéciation dans le genre Amblyrhynchus, mais la présence de nombreuses sous-espèces récemment différenciées, sont largement discutées. L’importance de la géologie dans l’évolution des espèces est envisagée dans la récente divergence des deux autres espèces d’iguanes terrestres et la différenciation génétique des sous-espèces d’iguanes marins, toutes deux estimées autour de 0,05 Ma (cf. explication sur le conundrum (énigme) dans MacLeod et al., 2015 [10]).

Phylogénie simplifiée la plus récente permettant d’expliquer l’origine évolutive des iguanes des Galápagos

Les données les plus récentes de la phylogénie moléculaire ont permis d’obtenir l’arbre évolutif ci-dessus. Ces données suggèrent que le genre continental le plus apparenté aux iguanes des Galápagos est Ctenosaura, ils auraient divergé il y a près de 8 Ma. De plus, les iguanes marins et terrestres des Galápagos auraient divergé il y a 4,5 Ma. On sait alors que l’événement de colonisation s’est produit au plus vers 8 Ma, mais forcément avant 4,5 Ma. Le clade Ctenosaura et iguanes des Galápagos se serait quant à lui séparé du genre Iguana il y a 14 Ma. Ces datations par la méthode de l’horloge moléculaire sont tout à fait cohérentes avec les âges des îles émergées et immergées.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

La découverte de l’iguane rose sur une île récente : un véritable conundrum ?

En 2009, c’est une annonce qui a fait beaucoup d’émules dans le domaine de ceux qui s’intéressent, positivement ou négativement, à l’évolution. La plus ancienne des espèces d’iguane terrestre, C. marthae, n’est présente que sur l’un des volcans les plus récents des Galápagos, le volcan Wolf de l’île Isabella.

Cet apparent conundrum (ou énigme) a rapidement été saisi par les créationnistes qui y ont vu un bel exemple réfutant toutes les théories évolutives actuelles. Comment une espèce aurait-elle pu apparaître avant même que les plus anciennes îles des Galápagos se soient formées (à l’époque on pensait que San Cristobal était âgée de 2,35 Ma) ? Pour eux c’était clair, les millions d’années nécessaires à l’évolution n’existaient pas. Les Galápagos n’avaient que 4000 ans et toutes les espèces y avaient toujours été présentes…

Mais les recherches récentes démontrent clairement que ce conundrum n’en était un que par manque de données et par excès de mauvaises fois, en voici les raisons :

  • C. marthae a divergé des autres iguanes terrestres il y a 1,5 Ma alors que les plus anciennes îles (encore émergées !) sont âgées de 2,4 à 4 Ma ;
  • la géographie des îles, même des plus récentes, n’a pas toujours été celle que l’on connaît. Les baisses du niveau marin ont permis aux iguanes terrestres de coloniser petit à petit toutes les îles et volcans. Il suffit que sur un seul volcan une espèce d’iguane terrestre soit seule pour qu’elle évite la compétition avec les autres espèces. C’est ainsi que l’iguane rose, qu’on pense moins compétitive par rapport aux autres espèces, a dû atteindre la première le volcan Wolf, ce qui lui a permis d’y être préservée alors que les populations des autres régions des Galápagos disparaissaient au contact des deux autres espèces d’iguanes terrestres. La paléogéographie est donc un élément clé pour comprendre la répartition actuelle des espèces, surtout quand elle semble être un véritable casse-tête !

Quelles mesures de conservations pour les iguanes des Galápagos ?

La conservation et la protection des écosystèmes sont des problématiques majeures aux Galápagos. Ces îles sont depuis 1936 un immense parc national ; il est géré par le Parc National des Galápagos et représente 97 % de la surface émergée de l’archipel. L’écosystème marin fait, lui, partie de la réserve marine des Galápagos depuis 1986. L’archipel des Galápagos est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1978.

Avec l’aide la Fondation Charles Darwin, créée en 1959 (100 ans après la publication de l’œuvre majeure de Darwin), ces entités promeuvent la protection des écosystèmes uniques de ces îles, tout en permettant une croissance contrôlée des habitations, un accès raisonné aux touristes et le travail des scientifiques.

Le statut de conservation des iguanes des Galápagos

La protection des iguanes des Galápagos se heurte à plusieurs problèmes : une structure génétique encore mal comprise (en particulier chez les iguanes marins, puisqu’ils sont à la fois les représentants d’une unique espèce et présents sur toutes les îles), une aire de distribution fragmentée pour chaque sous-espèce ou espèce, et un statut de conservation variable pour chacune d’entre elles. La consultation du site de l’UICN rend compte de la complexité du statut de conservation qu’il faut appliquer pour protéger convenablement ces populations uniques.

Espèce / sous-espèce

Aire de répartition

Statut de conservation

Historique du statut de conservation

Iguane terrestre

C. subcristatus

Toutes les îles, absent uniquement sur l’île San Cristobal ?

Vulnérable

“Rare” jusqu’en 1994, “vulnérable” depuis 1996

Pas de mise à jour depuis

Iguane terrestre

C. pallidus

île Santa Fé

Vulnérable

“Vulnérable” depuis 1986. Pas de mise à jour depuis

Iguane terrestre

C. marthae

Volcan Wolf sur l’île Isabela

En danger critique d’extinction

Première et unique évaluation en 2012

Iguane marin

A. cristatus

Toutes les îles, avec une répartition insulaire pour chaque sous-espèce

Quatre sous-espèces vulnérables, deux en danger d’extinction et cinq non-répertoriées

Pas de mise à jour depuis 2004

Les statuts actuels de l’UICN, bien que peu mis à jour, montrent que les iguanes des Galápagos sont aujourd’hui en danger, ou a minima menacés et vulnérables. Pour mieux les préserver, il nous faut donc comprendre les dangers auxquelles ils peuvent être soumis.

Les menaces environnementales

Si les Galápagos sont connues pour avoir aidé Darwin à développer sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle (cf. Sélection naturelle, VIH, pinsons : ce que Darwin ne pouvait pas savoir), elles ont aussi permis à un autre grand naturaliste, Wallace, contemporain de Darwin et co-découvreur de la sélection naturelle (cf. L’autre découvreur de la sélection naturelle : Alfred R. Wallace), d’exprimer ses craintes à propos de l’extinction des espèces, en particulier face à la menace de l’homme. Alfred Russel Wallace expliquait ainsi comment les perturbations provoquées par l’homme pouvait affecter et détruire des populations animales insulaires, tel que l’iguane marin des Galápagos (Kutschera et Kleinhans, 2013 [9]).

Le phénomène El Niño

Ce phénomène climatique, d’une récurrence d’environ 7 ans, est bien connu des pêcheurs péruviens. Pendant la situation “normale”, en dehors des phénomène El Niño ou La Niña, le déplacement des eaux chaudes de surface vers l’Ouest du Pacifique provoque une remontée des eaux froides (upwelling) sur les côtes péruviennes. Cet apport de nutriments provoque une augmentation du nombre de poissons, donc une pêche plus favorable. Lors d’un phénomène El Niño, les eaux chaudes superficielles normalement cantonnées à l’Ouest se dirigent vers l’Est, envahissent les côtes Sud-américaines, y provoquent précipitations et inondations, et limitent le développement des poissons en bloquant l'upwelling côtier.

Mais ce phénomène El Niño n’a pas d’effets négatifs que sur le continent car le déplacement des eaux chaudes, et donc des zones de précipitations équatoriales, modifie rapidement le climat des Galápagos. Sur Santa Cruz, il peut y pleuvoir dix fois plus que la normale. Cette brusque augmentation des précipitations, mais aussi de la température des eaux, de la modification des courants marins, etc. modifie les écosystèmes et leur fonctionnement (Vinueza et al., 2006 [20]).

Exemple d’iguanes amaigris sur l’île San Cristobal

Des individus dans une telle condition d’amaigrissement peuvent être vus aux Galápagos soit à la suite d’un événement climatique tel qu’El Niño, mais aussi lors d’épisodes plus locaux d’appauvrissement en nourriture ou lorsque des mâles et des jeunes se retrouvent isolés du reste des iguanes sur une petite île.

Auteur(s)/Autrice(s) : Florent Figon Licence : CC-BY-SA

Les effets d’El Niño sur les populations d’iguanes marins sont multiples :

  • un remplacement des algues rouges et vertes par des algues brunes, non comestibles pour les iguanes, à cause du réchauffement des eaux de surface et la baisse de l’apport en nutriments par les eaux froides (Vinueza et al., 2006 [20]) ;
  • une mortalité au sein des populations d’iguanes marins pouvant atteindre 90 % (Vinueza et al., 2006 [20]) ;
  • une régression de la taille des individus au cours de ces épisodes, les anglo-saxons parlent de shrinking : des individus déjà adultes peuvent réduire leur taille en modifiant non seulement leur cartilage, mais aussi leurs os en les déminéralisant (Wikelski et Thom, 2000 [22]).

Si les populations d’iguanes marins ont toujours connu ces épisodes climatiques extrêmes, leur amplitude et leurs effets ont augmenté ces dernières années. Il devient donc de plus en plus difficile pour une population de revenir à un niveau normal.

Contrairement aux iguanes marins, les iguanes terrestres sont supposés profiter des événements El Niño (l’augmentation des précipitations favorisant le développement des végétaux terrestres). C’est alors l’événement inverse, La Niña, avec une sécheresse plus importante que la normale, qui pourrait menacer les populations. Il manque encore des études et des données sur cet effet potentiel.

Le volcanisme et la faune endémique locale

Si le volcanisme de grande intensité (comme les trapps) a un rôle bien connu dans la modification de la biodiversité (cf. Le volcanisme paroxysmal et ses interactions avec la biosphère), on sait aussi que le volcanisme local, surtout quand il est effusif et non pas explosif, a peu d’impact majeur sur la biodiversité, sauf si celle-ci est inféodée au volcan en éruption et qu’elle vit dans une très petite zone sur ses flancs.

Ce type de menace a été abondamment mis en avant par les médias lors de l’éruption de 2009 du volcan La Cumbre sur l’île Fernandina. Celle-ci menaçait alors une population endémique de tortues terrestres de ce volcan. Le même type de raisonnement est applicable à l’espèce C. marthae dont la centaine d’individus ne vit que sur les flancs du volcan Wolf de l’île Isabela. Celui-ci étant en éruption depuis mai 2015, cette espèce reste en danger. De plus, celle-ci revêt une importance évolutive et phylogénétique particulière car elle est l’espèce « basale » du genre Conolophus ; elle est donc la plus à même de nous donner des informations sur l’ancêtre commun de tous les iguanes terrestres, qui lui-même a divergé de l’espèce d’iguane marin.

Les effets des menaces anthropiques

Aujourd’hui, on considère que l’élément le plus important dans l’évolution, mais aussi l’extinction, des iguanes est l’activité anthropique : introduction de prédateurs tels que les rats et les chiens, augmentation du stress des individus, modification du système immunitaire et endocrinien, modification de l’habitat côtier, etc.

Une cause avérée menaçant fortement des iguanes marins est l’épanchement d’huile et de gasoil suite au chavirage de bateaux. On se souvient de l’importance de celui du tanker Jessica en janvier 2001 qui coula au large de l’île San Cristobal. Les courants marins ont emporté la pollution plus à l’Ouest vers Santa Fé ce qui a provoqué la mort de 62 % de la population d’iguanes marins de l’île (Wikelski et al. 2002). On comprend alors que les effets coup sur coup d’un tel épanchement d’huile et d’un El Niño peuvent mener la population d’une île à disparaître.

Des stratégies de conservation

Pour établir une stratégie de conservation d’une espèce, il faut réfléchir à au moins trois questions.

  1. L’espèce, ou la population, en question est-elle actuellement en danger ? Ce qui est manifestement le cas pour les iguanes des Galápagos, bien qu’il faille mettre à jour les statuts de l’UICN qui commencent à dater.
  2. Pourquoi faudrait-il investir du temps et de l’argent dans la protection de cette espèce plutôt qu’une autre ? Dans le cas de C. marthae, l’importance phylogénétique et évolutive est un élément de réponse. L’endémisme et la particularité des iguanes marins en est une autre.
  3. Sur quelles menaces pouvons-nous agir pour réduire sa probabilité d’extinction ? En d’autres termes, quelles menaces pouvons-nous véritablement contrôler ?

Cette dernière question est la plus importante dans un programme de conservation. Les spécialistes proposent de se centrer sur les menaces pour lesquelles nous sommes la cause. Celles sur lesquelles nous pouvons agir rapidement, efficacement et durablement sont donc :

  • la gestion d’espèces introduites, comme le chien, le chat, les rats… qui s’attaquent soit aux œufs (rats), soit aux jeunes iguanes (chats et chiens), et contre lesquels les iguanes n’ont pas de systèmes de défense (car ils n’ont quasiment pas de prédateurs terrestres sur ces îles, mis à part la buse des Galápagos ; Berger et al., 2007 [3]) ;
  • les épanchement d’huile issus du fonctionnement des bateaux et du tourisme ;
  • la pression touristique ;
  • et, enfin, l’aménagement du territoire.

La gestion des populations de rats aux Galápagos : une nécessité pour protéger la faune endémique

Rats et souris sont connus pour s’inviter sur les bateaux en même temps que les cargaisons de denrées sont chargées. Ces animaux profitent alors des débarquements et colonisent de nouveaux habitats, dont les îles Galápagos au XVIe siècle.

En 1965, un programme de conservation des tortues des Galápagos est lancé sur l’île Pinzon car plus aucun œuf n’arrive à y éclore : ils sont tous mangés par les rats. En 1988, une première tentative d’éradication des rats échoue alors que cela fonctionne sur d’autres îles. Pendant ce temps, il s’avère que de nombreux animaux endémiques souffrent de la présence des rats (pétrels des Galápagos, pinsons de Darwin…). En 2009, il est estimé que 90 % de l’archipel est colonisé par des rats.

Ce n’est qu’en 2012 qu’une campagne d’éradication arrive enfin à supprimer les rats de l’île Pinzon (Nicholls 2013). En 2014, les premiers œufs de tortues des Galápagos éclosent naturellement sur l’île (Aguîlera et al., 2015 [1]). La campagne a donc été un véritable succès, et il y a fort à parier que les iguanes marins de l’île en tireront aussi des avantages.

Les iguanes terrestres ont aussi pu profiter de tels programmes : l’île de Santa Cruz a pu être repeuplée d’iguanes terrestres grâce à un programme de reproduction ; ce programme fit suite à une attaque de chiens errants ayant tué pas moins de 500 iguanes, ils sont habituellement à l’origine d’une mortalité de 27 % par an !

En jouant sur tous ces leviers, nous devrions pouvoir faire disparaître les pressions anthropiques qui s’ajoutent à celles qui sont environnementales et naturelles (El Niño et volcanisme). Pour des dernières, soit nous ne pouvons pas agir sur le court terme (changement global et augmentation des fréquences et de l’intensité des événements El Niño), soit les iguanes ont pu s’adapter puisqu’ils les rencontrent depuis les débuts de leur arrivée sur l’archipel (par exemple, diminution de la taille par shrinking des adultes lors d’un évènement El Niño). Dans le cas de la néo-prédation par des espèces introduites par l’homme, des adaptations comportementales apparaissent (fuite face à un animal étranger), mais leur réponse n’est pas assez forte pour leur permettre d’y échapper (Berger et al., 2007 [3]).

Ainsi des éléments de sauvegarde des iguanes des Galápagos existent et nous montrent qu’il n’est pas vain de vouloir sauver ces animaux aussi emblématiques que fascinants d’un point de vue évolutif.

Bibliographie et sitographie

Livres et thèses

  • C. Darwin, 1875. Voyage d'un naturaliste autour du monde , La Découverte / Poches (2006), 574p., ISBN: 978-2707151018 (autres éditions disponibles)
  • I. Eibl-Eibesfeldt, 1961. Galapagos: the Noah's ark of the Pacific ,
  • J. Fitter, D., Fitter, D. Hosking, 2016. Wildlife of the Galápagos , Princeton University Press, 272p., ISBN: 978-0691170428
  • M.H. Jackson, 1993. Galápagos: A Natural History , University of Calgary Press (version revue et augmentée, 2016, 336p., ISBN: 978-1895176407
  • A.R. Wallace, 1880. Island Life, The Phenomena and Causes of Insular Faunas and Floras , Macmillan, versions en ligne via le Projet Gutenberg

Sites internet

Pages sur la dératisation sur le site Galápagos Conservancy [consulté le 23/10/2017]

Articles scientifiques

  1. W.T. Aguilera, J. Málaga, J.P. Gibbs, 2015. Conservation: Giant tortoises hatch on Galápagos island , Nature, 517, 271–271
  2. E. Benavides, R. Baum, H.M. Snell, H.L. Snell, J.W. Jr. Sites, 2009. Island biogeography of Galápagos lava lizards (Tropiduridae: Microlophus): species diversity and colonization of the archipelago , Evolution, 63, 1606–1626 [ pdf ]
  3. S. Berger, M. Wikelski, L.M. Romero, E.K.V. Kalko, T. Rödl, 2007. Behavioral and physiological adjustments to new predators in an endemic island species, the Galápagos marine iguana , Hormones and Behavior, 52, 653–663
  4. I. Eibl-Eibesfeldt, 1962. Neue Unterarten der Meerechse, Amblyrhynchus cristatus , nebst weiteren Angaben zur Biologie der Art , Senckenbergiana Biologica, 43, 177-199
  5. I. Eibl-Eibesfeldt, 1966. Marine iguanas , Animals, 9, 150-153
  6. D.J. Geist, A.R. McBirney, R.A. Duncan, 1986. Geology and petrogenesis of lavas from San Cristobal Island, Galápagos Archipelago , Geological Society of America Bulletin, 97, 555
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