Introduction

De nombreux gènes de prédisposition au diabète de type II ont été mis en évidence. Parmi ceux-ci se trouve en particulier le gène de la glycogène synthase. Ce gène code en effet une enzyme-clé dans le métabolisme du glucose : c’est elle qui permet l’ajout de nouveaux résidus glucidiques à une molécule de glycogène.
Or il a été montré, dans de nombreuses populations diabétiques, une baisse d’activité de cette enzyme liée à la résistance à l’insuline des sujets diabétiques de type II.

Plusieurs polymorphismes ont été mis en évidence dans le gène de la glycogène synthase (GYS). Ces polymorphismes ont été corrélés au diabète de type II, ou pas, selon les cas et les populations (voir la conclusion). Nous nous limiterons ici au premier de ces polymorphismes décrits.

Un polymorphisme de restriction

Le gène de la glycogène synthase (GYS) est situé sur le chromosome 19, chez l’Homme. La première découverte d’un polymorphisme (c’est-à-dire de l’existence de plusieurs allèles dans la population, chacun comptant pour 1 % au moins de la-dite population), pour le gène GYS, a été réalisée grâce aux enzymes de restriction.

Les enzymes de restriction sont capables de reconnaître un fragment d’ADN présentant une séquence nucléotidique donnée, puis de couper les deux brins d’ADN au niveau de cette séquence. L’emplacement de la séquence reconnue sur l’ADN est nommé « site de restriction », et les fragments d’ADN obtenus des « fragments de restriction ». Chaque enzyme de restriction reconnaît une séquence d’ADN qui lui est spécifique.

Il est possible d’isoler l’ADN du gène GYS, puis de le digérer par diverses enzymes de restriction, dont l’enzyme Xba I. Cette enzyme coupe l’ADN au niveau des séquences TCTAGA. Lorsque l’on digère un fragment d’ADN de 35,1 kb (kb = kilobase ; 35,1 kb = fragment de 35 100 nucléotides), on obtient plusieurs fragments dont toujours deux de 23 kb et 5,3 kb. Selon les cas, les autres fragments peuvent être différents : un unique fragment de 6,8 kb dans le cas de l’allèle A1, mais deux fragments de 5,1 kb et 1,7 kb dans le cas de l’allèle A2 (voir figure ci-dessous).

Fragments de restrictions obtenus à partir de la digestion d'un fragment d'ADN de 35,1 kb par Xba I

A1 : allèle A1, A2 : allèle A2
kb : taille des fragments en kilobases, nd : non digéré

Auteur(s)/Autrice(s) : Gilles Furelaud Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
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Allèles A1, A2 et diabète de type II

L’observation de ces fragments permet de conclure que l’allèle A1 possède deux sites de restriction Xba I, alors que l’allèle A2 en possède trois. En fait, par rapport à l’allèle A1, l’allèle A2 possède un site Xba I supplémentaire, situé dans le fragment de 6,8 kb de l’allèle A1 (voir figure ci-dessous).

Fragments de restriction du gène GYS

Les différents fragments de restriction observés pour l'ADN du gène GYS s'expliquent par l'existence d'un site Xba I supplémentaire dans l'allèle A2.

Auteur(s)/Autrice(s) : Gilles Furelaud Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Ce site supplémentaire est dû à une différence d’un seul nucléotide entre ces deux allèles :

Allèle Séquence  
A1 ...CCTAGA... pas de site Xba I
A2 ...TCTAGA... site Xba I

Il existe donc trois génotypes différents, par rapport à ce polymorphisme : A1A1, A1A2 et A2A2.
Dans une population finlandaise, on a retrouvé ces trois génotypes dans les proportions suivantes :

Génotype Fréquence chez les individus
non diabétiques
Fréquence chez les individus diabétiques de type II
A1A1 92 % 70 %
A1A2 ou A2A2 8 % 30 %

Il apparaît ainsi que l’allèle A2 est quatre fois plus présent chez les individus diabétiques que chez les non diabétiques.

Conclusion

La présence de l’allèle A2 semble donc corrélée au développement d’un diabète : il est plus probable, pour un individu possédant cet allèle, de développer la maladie que pour un individu ne le possédant pas.
De même, il a été montré que les individus possédant l’allèle A2 (à l’état homozygote ou hétérozygote) ont une glycogène synthase moins active que celle des individus A1A1.

Néanmoins, le diabète de type II reste une maladie aux causes génétiques multiples, et dans laquelle l’environnement joue un rôle important. Ainsi, les données exposées ci-dessus montrent que la présence de l’allèle A2 n’implique pas obligatoirement le développement d’un diabète.
De même, de nombreux individus diabétiques ne possèdent pas l’allèle A2 : il n’est donc pas indispensable de posséder cet allèle pour développer un diabète de type II.
D’autres facteurs génétiques entrent très probablement en compte, mais sont encore majoritairement inconnus.

Ainsi, la présence de l’allèle A2 a été reliée au diabète de type II dans des populations finlandaises et danoises.
De plus, dans une population canadienne d’origine française, les individus non diabétiques portant l’allèle A2 présentent des défauts dans la modulation de l’expression de la glycogène synthase dans les muscles.

Mais, dans d’autres populations, au contraire, il a été montré que la présence de l’allèle A2 n’était en rien reliée au développement d’un diabète de type II… Il s’agit en particulier de populations chinoises et russes.
Il est probable que ces différences sont liées à des allèles d’autres gènes présents dans ces populations.

Ainsi, le gène de la glycogène synthase, malgré ces limitations, a été mis en relation avec le développement d’un diabète non insulino-dépendant dans de nombreuses populations. La nature du polymorphisme mis en cause varie selon les populations.

Précisions : pour les puristes, signalons que l’ordre des fragments de restriction présenté ici a été choisi au hasard, et ne correspond pas forcément à la réalité. Le polymorphisme présenté ici se trouve dans une partie non codante du gène (intron 14), et les mécanismes précis par lesquels cette mutation peut aboutir aux altérations observés restent encore inconnus.

Les données présentées ici s’appuient essentiellement sur l’article de LC Groop et al., « Association between polymorphism of the glycogen synthase gene and non-insulin-dependant diabetes mellitus », N. Engl. J. Med. (1993) 328(1) :10-4, ainsi que sur les conclusions d’articles plus récents.
Ce document s’appuie sur les connaissances publiées à la date du 20 décembre 2001 ; des découvertes supplémentaires peuvent avoir été réalisées depuis.