Les plantes ne produisent pas de racines secondaires lorsqu'elles traversent une zone sèche du sol. Une équipe de recherche vient de mettre en évidence les fondements moléculaires de ce contrôle du développement.
Ce texte a été initialement publié à cette adresse le 20 décembre 2022 sur Actualités scientifiques Prépas, le blog d'actualités de Patrick Pla, maître de conférences à l'université Paris Saclay. La version proposée ici a été adaptée pour Planet-Vie.
Les plantes ont une vie fixée et doivent s’adapter au mieux à leur habitat « définitif ». Une exploration optimale du sol par les racines est cruciale pour extraire eau et sels minéraux en quantités suffisantes pour la croissance. L’appareil racinaire est issu de l’activité du méristème apical racinaire mais des racines secondaires (ou latérales) peuvent se former à partir de la dédifférenciation des cellules du péricycle sous le contrôle de l’auxine.
Or la distribution de l’eau peut être assez hétérogène dans le sol. Il est connu depuis longtemps que lorsqu’une racine principale traverse une zone du sol pauvre en eau, la production de racines secondaires est inhibée.
Dans un article publié dans Science mi-novembre 2022, des chercheurs anglais ont montré que cette inhibition se faisait sous l’influence de l’acide abscissique qui est produit en cas de stress hydrique 1. En effet, lorsqu’on empêche la production d’acide abscissique, des racines secondaires se forment tout de même lors de la traversée d’une zone sèche. Pour mieux comprendre les mécanismes de cette régulation, les chercheurs ont développé un système de croissance racinaire in vitro où ils pouvaient contrôler tous les paramètres externes aux racines et ont utilisé un système de détection par fluorescence de la présence d’acide abscissique dans la plante (ABACUS2).
Ce dispositif expérimental a montré que lorsque la racine traverse une zone sèche, l’acide abscissique est transporté de manière centrifuge, de la zone centrale vasculaire vers la périphérie. L’acide abscissique augmente la production de callose qui bouche les plasmodesmes entre les cellules qui sont nécessaires au passage de l’auxine (le transport d’auxine par les parois n’est pas suffisant dans ce cas). Cela empêche l’auxine d’être transportée dans le péricycle et d’y induire la formation de racines secondaires. Dans une zone humide, l’acide abscissique est entraîné par l’eau qui rentre dans la racine vers les éléments vasculaires centraux et l’auxine peut accéder au péricycle et y induire des racines secondaires (Figure 1).
En conclusion, cet article nous apporte un nouveau mécanisme reliant le développement des plantes aux conditions de l’environnement via l’antagonisme entre deux hormones végétales : un air connu !
Pour aller plus loin : Comment l’auxine induit la formation de racines secondaires ?