Cette année, le prix Nobel de physiologie ou médecine récompense des travaux portant sur la reprogrammation de cellules différenciées en cellules pluripotentes.
Si une cellule œuf a la capacité de donner tous les types cellulaires, la différenciation cellulaire entraîne la perte de cette capacité pour la majorité des cellules trouvées chez l'adulte ; seul un petit nombre de cellules souches restent indifférenciées (cellules souches musculaires, cellules souches à l'origine des gamètes, etc.). Pourtant, on imagine aisément l'intérêt que présentent de telles cellules pouvant se différencier en divers types cellulaires, notamment dans le traitement de certaines pathologies ou séquelles d'accidents. De fait, de nombreux travaux cherchent à mieux comprendre et maîtriser les cellules souches embryonnaires ou adultes en vue d'une utilisation thérapeutique (voir Les cellules souches du tissu adipeux : un espoir pour la régénération tissulaire ? et Cellules souches embryonnaires et adultes : rêve ou réalité ?). Si ces techniques ouvrent des perspectives très prometteuses, elles sont aussi porteuses de nombreuses questions éthiques qui pourraient en limiter les usages.
Les deux lauréats du prix Nobel 2012 de physiologie ou médecine, le Britannique John B. Gurdon et le Japonais Shinya Yamanaka, ont suivi des approches différentes pour obtenir des cellules pluripotentes, c'est-à-dire capables de se différencier en un certain nombre de types cellulaires, à partir de cellules adultes différenciées. Dit autrement, ils ont réussi à obtenir des cellules souches à partir de cellules différenciées, soit le chemin inverse de celui suivi lors de la différenciation d'une cellule. Ces cellules, qu'on appelle cellules souches pluripotentes induites (CSPi ou iPS ou iPSC pour induced pluripotent stem cells), présentent le même intérêt que les cellules souches embryonnaires ou adultes, et elles ont l'avantage de poser moins de problèmes éthiques.
Mais avant d'obtenir de telles cellules, il fallait commencer par prouver que cela était possible. C'est John Gurdon qui, le premier, l'a démontré en transférant le noyau d'une cellule intestinale dans un ovocyte de grenouille et en obtenant un têtard à partir de cet ovocyte. Il a ainsi prouvé qu'une cellule différenciée conserve toute l'information génétique nécessaire pour produire tous les types cellulaires.
L'étape suivante a consisté à réussir à déprogrammer une cellule différenciée, puisqu'un type cellulaire particulier est le résultat de l'expression d'un programme génétique spécifique, pour lui faire retrouver un état de cellule souche. C'est Shynia Yamanaka qui a réussi cette performance, en déprogrammant des fibroblastes de peau de souris en 2006, puis des fibroblastes humains en 2007. Pour cela, il a transfecté ces fibroblastes avec quatre gènes (Oct-3/4, SOX2, c-Myc et Klf4) dont l'expression est associée aux cellules souches embryonnaires.
Il reste encore du chemin à parcourir pour une éventuelle utilisation de cellules souches pluripotentes induites à des fins thérapeutiques (les cellules obtenues ayant par exemple une tendance marquée à devenir cancéreuses). Ce prix Nobel récompense en tout cas une superbe avancée dans la connaissance des mécanismes de la différenciation cellulaire.