On le savait depuis longtemps, le corps humain contient un grand nombre de bactéries. Le rapport de dix bactéries pour une cellule humaine (10:1) est régulièrement mentionné, sans pour autant être appuyé par des données précises et bien établies. Une étude publiée le mois dernier vient cependant réévaluer ce rapport à environ 1:1, en estimant le nombre de bactéries du corps humain à 3,8.1013, et le nombre de cellules humaines à 3,0.1013 (valeurs pour un homme de 70 kg et de 170 cm).

Dénombrer les bactéries

L’équipe de Ron Milo, du Weizmann Institute of Science, en Israël, a commencé par déterminer le nombre de bactéries dans chaque organe du corps humain. Ce résultat a été obtenu en multipliant la densité de bactérie dans l’organe considéré, par le volume de celui-ci. Par exemple, le côlon contient 0,4 L de selles fraîches dont la concentration en bactéries est de 0,9.1011 par gramme de selles. En supposant que cette concentration mesurée reflète bien la concentration réelle dans le côlon, le produit de la multiplication donne donc le nombre total de bactéries dans cette partie de l’intestin : 3,8.1013. C’est d’ailleurs le côlon qui contient, et de loin, le plus grand nombre de bactéries du corps humain. À tel point que le nombre de bactéries contenues dans les autres organes est négligeable.

Estimation haute du nombre de bactéries dans différents organes, calculé à partir du volume de ces organes et de leur concentration moyenne en bactéries.
Localisation Nombre de bactéries (ordre de grandeur, estimation haute)
Côlon 1014
Plaque dentaire 1012
Iléon (intestin grêle, partie postérieure) 1011
Salive 1011
Peau 1011
Estomac 107
Duodénum et jéjunum (intestin grêle, partie antérieure) 107

Dénombrer les cellules humaines

Il restait à déterminer le nombre de cellules humaines formant le corps. Pour cela, la méthode employée dans les estimations disponibles jusqu’ici consistait à diviser la masse du corps humain par la masse d’une « cellule humaine moyenne ». Or il n’existe pas dans l’organisme de cellule « moyenne », mais au contraire une grande diversité de types cellulaires (neurones, cellules musculaires, globules rouges…). Ces cellules se distinguent les unes des autres par leur forme, leur taille… et donc leur masse.

Pour mieux prendre en compte la diversité cellulaire dans leurs calculs, les chercheurs israéliens se sont appuyés sur les travaux d’une équipe italienne. Celle-ci avait, en 2013, réalisé une revue de littérature sur le sujet, et dénombré les cellules de différents organes et tissus. En reprenant ces résultats et en recalculant certaines données, Ron Milo et ses collègues estiment le nombre de cellules du corps humain à 3,0.1013.

Distribution du nombre de cellules humaines, par types cellulaires

L’aire des polygones est proportionnelle au nombre de cellules.

Auteur(s)/Autrice(s) : Ron Sender, Shai Fuchs, Ron Milo Licence : CC-BY Source : PLOS Biology
Distribution des cellules du corps humain

Distribution de nombre et de la masse des cellules dans le corps humain (pour un homme adulte de 70 kg). La ligne du haut montre la répartition du nombre de cellules dans le corps humain ; la ligne du bas montre la contribution des différents types cellulaires à la masse d’un être humain. La masse prise en compte ne correspond qu’à la masse des cellules. Les masses des éléments extracellulaires (environ 24 kg) n’est pas prise en compte.

Auteur(s)/Autrice(s) : Ron Sender, Shai Fuchs, Ron Milo Licence : CC-BY Source : PLOS Biology

Les globules rouges représentent une écrasante majorité des cellules humaines (84%). Ces cellules sont cependant très légères et ne participent donc que très peu à la masse totale d’un être humain. À l’inverse, les cellules musculaires et les adipocytes sont des cellules peu nombreuses, mais très lourdes et contribuent donc significativement à la masse totale du corps.

Que faut-il retenir de cette étude ? Tout d’abord qu’elle est fondée sur des calculs réalisés en tenant compte de la diversité des types cellulaires, la plupart des estimations précédentes reposant sur des opérations à partir de « cellules moyennes ». Et ensuite qu’elle montre que les bactéries sont un peu moins présentes qu’on ne le pensait jusqu’alors (ratio 1:1), mais restent tout de même des composants majeurs du corps humain.

Référence

Sender R, Fuchs S, Milo R (2016) Revised Estimates for the Number of Human and Bacteria Cells in the Body. PLoS Biol 14(8): e1002533. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.1002533