Malgré les nombreuses campagnes d’information déjà réalisées, beaucoup d’idées fausses continuent à circuler sur les modes de transmission du virus du sida. Cet article se propose donc de faire un point précis sur les modes de transmissions avérés, mais aussi sur les modes de transmission imaginaires qui sont souvent sources de peurs, voir d’exclusion.
Introduction
Les modes de transmission avérés du virus du sida (VIH, Virus de l’Immunodéficience Humaine) sont heureusement beaucoup plus limités que ce que la logique déductive prévoit. Faire la liste des situations à risque (transmission avérée) et celles qui ne le sont pas (transmission jamais décrite) permet de concentrer sa vigilance sur les seules situations vraiment à risque (en particulier par voie sexuelle), et d’éviter les peurs irrationnelles qui peuvent entraîner des comportements d’exclusion injustifiés des personnes séropositives.
Les conditions nécessaires pour la transmission du virus du sida
Il faut dissocier la présence du VIH dans les sécrétions corporelles et le pouvoir infectant de la sécrétion en question. Dans les faits, le VIH est présent dans l’ensemble des sécrétions corporelles, sans exception aucune (sa présence dans la sueur reste néanmoins du domaine de l’anecdotique). Dans la théorie, tout liquide serait donc contaminant, du moins si nous étions dans un univers mathématique et non pas en biologie, où n’est vrai que ce qui se vérifie, et non pas ce qui se déduit.
La transmission du VIH suppose une porte d’entrée, une porte de sortie, un véhicule pour le VIH (qui est le liquide contaminant), mais également une quantité suffisamment importante de virus pour que la contamination soit possible. Il y a 5 liquides biologiques « accessibles » qui sont susceptibles de contenir suffisamment de virus pour permettre une transmission :
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le sang (sang total, plasma, etc.) ;
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les sécrétions sexuelles, soient :
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le sperme ;
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le liquide pré-séminal chez l’homme ;
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les sécrétions vaginales chez la femme.
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le lait maternel.
S’y ajoutent le liquide céphalo-rachidien, le liquide pleural, le liquide amniotique, et l’ensemble des liquides « intracorporels » contenus à l’intérieur des feuillets des mésos (un méso est un double feuillet constitué par le péritoine et dans lequel sont suspendus les organes), mais il est évident qu’ils ne constituent un risque que pour les professionnels de santé pratiquant des actes invasifs. On connaît ainsi des cas de contamination de professionnels par piqûre accidentelle après une ponction lombaire.
Concernant le sperme, la fraction liquide est produite par la prostate, les vésicules séminales, et les glandes de Cowper. Comme toute production corporelle, le sperme est d’abord un filtrat du sang. Il n’est pas censé véhiculer d’infections, mais il est riche en cellules immunocompétentes, comme les lymphocytes CD4+. Voilà pourquoi il y a du VIH dans le sperme. Plus étonnant, il semble y avoir une production « autonome » du VIH au niveau du tractus génital (qui serait selon l’expression consacrée un « sanctuaire » du virus), et il n’est pas rare que, chez des malades traités et chez qui il y a une suppression virale dans le sang (en tout cas une charge virale inférieure au seuil de détection, qui est aujourd’hui extrêmement bas, entre 20 et 50 copies/ml après amplification), la charge virale dans le sperme soit nettement plus élevée (d’où les contaminations à partir de personnes infectées traitées).
Cette question du liquide ne suffit pas à expliquer la contamination. Toutes les portes d’entrée ne permettent pas la pénétration du virus, même lorsqu’il est présent. La transmission est le produit du contact entre une sécrétion infectée et une muqueuse. Dans l’ordre décroissant, les muqueuses perméables sont la muqueuse rectale, la muqueuse vaginale, et la muqueuse buccale. Évidemment, s’il y a des lésions, la porte d’entrée est encore plus ouverte, et c’est ce qui peut se produire lors du viol, ou d’une première expérience de sodomie. Mais c’est une question qui n’intervient qu’en second lieu.
Les situations à risques… et celles qui n’en sont pas
À partir de là, il reste quatre circonstances où la transmission devient possible (et non pas certaine bien entendu, comme pour n’importe quel agent infectieux) :
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La pénétration (soit l’entrée d’un sexe dans un orifice corporel pour être prosaïque, ce qui inclut pénétration anale, vaginale, et, à un moindre degré, buccale). Les cas de transmission par cunnilingus sont rarissimes (2 cas documentés au maximum en 20 ans, ce qui fait douter de leur réalité), alors que les contaminations au cours de la fellation existent bel et bien, même si cela reste exceptionnel. Le risque commence au moment où débute la pénétration (la porte d’entrée est déjà là, et le liquide pré-séminal est contaminant) et reste donc indépendante de l’éjaculation (même si, bien entendu, cela augmente le risque).
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Une piqûre volontaire (usagers de drogue) ou accidentelle (professionnels de santé) avec une seringue qui vient de servir à une injection ou à un prélèvement intravasculaire (veineux ou artériel)
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Transmission de la mère à l’enfant lors de l’accouchement et, beaucoup plus rarement, lors du 3e trimestre de la grossesse
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Transmission de la mère à l’enfant au cours de l’allaitement (la muqueuse buccale du nourrisson est bien moins résistante que celle de l’adulte, et le temps passé à téter est important).
Contrairement à une idée répandue, la piqûre accidentelle avec une seringue qui traîne dans un jardin public ne constitue pas un risque vis-à-vis du VIH mais pour l’hépatite B et le tétanos (heureusement, pour ces deux maladies il y a des vaccins), pas seulement à cause de la durée de vie limitée du virus dans le milieu extérieur, mais également en raison du bref temps de coagulation du sang, qui fait que l’inoculum ne passe pas.
La bonne « vieille histoire » du contact de plaies ne tient pas la route au vu de l’expérience : il n’existe aucun cas de contamination décrit, en dehors de l’utilisation d’un objet (victimes principales : les chirurgiens). Il faudrait en effet un contact intime et prolongé entre 2 plaies fraîches ouvertes et sanglantes, avec un virus capable de progresser à contre-courant puisque le sang sort sous pression. Autant dire que ce genre de situation n’est pas crédible dans la « vraie vie » et de fait, encore une fois, il n’existe aucun cas décrit.
Conclusion
Les situations présentant un risque avéré de transmission du virus du sida sont donc très peu nombreuses : rapport sexuel non protégé, blessure par un objet souillé et transmission mère-enfant. Par ailleurs, il existe généralement des moyens de s’en prémunir : utilisation de seringues neuves pour l’usage de drogue et utilisation d’un préservatif pour les rapports sexuels. La prise en charge du risque de contamination mère-enfant doit-elle être réalisée par le corps médical. Ces messages simples ne sont pas encore ancrés dans toutes les mémoires, raison pour laquelle il faut continuer à les diffuser.
Si vous souhaitez des renseignements complémentaires sur l’infection par le VIH, les IST et la sexualité, n’hésitez pas à utiliser les dispositifs téléphoniques (0 800 840 800, numéro vert) et Internet de Sida Info Service.