Découvert par deux paléontologues amateurs, le site fossilifère de Cabrières, dans l'Hérault, offre un formidable aperçu de la biodiversité de l'Ordovicien inférieur.
Ce texte a été initialement publié à cette adresse le 19 mars 2024 sur Actualités scientifiques Prépas, le blog d'actualités de Patrick Pla, maître de conférences à l'université Paris Saclay. La version proposée ici a été adaptée pour Planet-Vie.
Cabrières, un village de l’Hérault, situés sur les contreforts sud de la Montagne Noire va peut-être devenir l’un des sites mondialement connus en paléontologie, tout comme les fameux schistes de Burgess du Canada. Les fossiles découverts sur le site offrent une vision inédite de la biodiversité du Floien, un étage de l’Ordovicien inférieur allant de 478 à 470 millions d’années. Ce site a été découvert par deux paléontologues amateurs en 2018 et fait maintenant l’objet d’une publication dans Nature Ecology & Evolution 1.
La présence concomitante de fossiles de tissus durs (coquilles, carapaces) et de tissus mous représente le principal atout du site. Cette caractéristique s’explique par des conditions de fossilisation particulièrement rapides, ce qui a pu être déduit de l’observation des minéraux par microscopie électronique à balayage et d’une analyse en profondeur des fossiles par le synchrotron Soleil sur le plateau de Saclay. Ces fossiles livrent ainsi une vision d’ensemble d’une communauté d’espèces, ce qui est exceptionnel pour l’Ordovicien inférieur.
À l’époque, le site de Cabrières se trouvait en marge du continent Gondwana, tout près du pôle Sud. La planète traversait alors une époque particulièrement chaude entamée à la fin de la période précédente, le Cambrien. Les mers des zones tropicales et tempérées étaient particulièrement chaudes (jusqu’à 15 °C au-dessus de nos températures actuelles !) et de nombreuses extinctions ont été enregistrées dans les sites de fossiles correspondant. Ce n’est pas le cas à Cabrières, ce qui montre que les zones polaires ont sans doute fait office de refuge, évitant une extinction de masse plus généralisée.
Comme certains écosystèmes polaires actuels, le site de Cabrières présente une importante quantité d’éponges de grande taille et d’algues ramifiées (représentant 26 % des fossiles observés). Le site va continuer à être exploité et une nouvelle campagne de fouilles est prévue en avril.