Introduction du dossier

Depuis la Renaissance, les naturalistes ont été considérés un peu comme les égaux des physiciens ou des astronomes. Puis sujets et méthodes étant tellement vastes, différenciés qu'il est apparu nécessaire, au XIXe siècle de distinguer les domaines d'étude. Ainsi se sont séparées les sciences du monde vivant de celles du monde minéral. Cette séparation n'est pas sans conséquence. Dans un rapport du Conseil économique et social de 20071, par exemple, les naturalistes sont définis comme « les professionnels (chercheurs, ingénieurs et techniciens) et amateurs (membres d'associations) ayant des compétences scientifiques en biologie et en écologie ». Seul le monde vivant concernerait alors les naturalistes, la nature n'est plus que le vivant. Dans ce même rapport il est dit qu'« ils ont en commun de partager un même corpus de connaissances et d'expériences qui leur font percevoir la complexité de la nature et de la vie ». Ce constat irrite les géoscientifiques par sa vision étriquée. Pourtant force est de constater que c'est un peu la vision générale du citoyen, à tel point qu'il en oublie que la vie doit tout à la Terre. Les associations de protection de la nature, en caricaturant un peu, et jusqu'à il y a peu, ne militaient que pour préserver les stations d'orchidées et autres mares à crapauds, mais ne s'occupaient pas des gîtes fossilifères ni des affleurements montrant de belles failles. La situation est heureusement en train de s'améliorer doucement.

Bien que la nature soit un tout, elle est tellement complexe que pour l'étudier les humains ont trouvé nécessaire d'en fragmenter les approches. Ils distinguent dès lors minéraux, roches, paysages, climat, sols, végétation, animaux, océans, montagnes… Mais en rester à une seule de ces boîtes ne permet pas de comprendre les phénomènes en jeu, seulement d'en entrevoir des fragments. Pour retrouver l'intégrité de la nature, il convient de réassocier ces boîtes. Elle ne peut être comprise qu'avec une approche holistique. Ainsi, il redevient possible de comprendre qu'il n'y a pas l'Homme et la Nature, comme notre civilisation occidentale a tendance à le croire, mais l'Homme dans la Nature comme le vivent encore les peuples d'Amazonie, d'Indonésie ou d'Afrique équatoriale.

Il a donc semblé utile de présenter ici quelques aspects de ces interdépendances regardées avec l'œil du temps profond. L'objectif n'est pas de traiter le sujet, seulement d'en montrer la variété avec quelques facettes.

Les relations entre géodiversité et biodiversité sont nombreuses, nous en illustrerons quelques-unes afin de montrer la palette des possibles. Il a été choisi d'illustrer au maximum le propos pour faciliter une réutilisation possible par les enseignants.

Ici, il ne sera question que des milieux naturels « usuels » (superficiels et facilement accessibles, même à des élèves). Mais il ne faut pas oublier que tous les milieux géologiques où l'Homme n'est pas « à sa place », qu'il appelle, par anthropocentrisme, milieux extrêmes (c'est-à-dire très différents du sien) et qui regorgent d'une biodiversité exceptionnelle.

Première partie
Deuxième partie
Troisième partie

Conclusion du dossier

La géodiversité est la base de l'ensemble des écosystèmes terrestres et marins. Ce fait est de plus en plus reconnu dans le monde scientifique et par de nombreux pays. La gestion de la partie non-vivante de la nature (géodiversité et processus liés) est cruciale pour conserver les espèces et les habitats. La géodiversité a une influence sur la biodiversité à toutes les échelles spatiales, de l'échelle régionale12 à l'échelle locale, celle du géosite3.

Il convient donc aujourd'hui d'intégrer la dimension géodiversité-géopatrimoine aux documents de gestion et aux travaux de génie écologique, de gestion conservatoire ou de restauration, en bref, d'associer la géodiversité à la biodiversité.

Redécouvrir la roue ?

La liaison entre roches et monde vivant semble émerger de travaux récents… et pourtant dès le XIXe siècle, le professeur Stanislas Meunier écrivait dans Nos terrains (1898) [à lire et télécharger sur le site de la BnF] : « La nature intime du sol […] comprend les caractères de son relief et sa manière d'être vis-à-vis des eaux, influe sur les végétaux et sur les animaux de la surface en favorisant les uns, suivant les points, au détriment des autres. »

Remerciements

L'auteur sait gré Olivier Dequincey de lui avoir proposé l'opportunité de mettre ces éléments sur les sites Planet-Terre et Planet-Vie, il le remercie ainsi que Pierre Thomas et Pascal Combemorel pour leur implication, relectures attentives et ajouts.

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