Une étude parue dans Nature repousse à deux millions d'années l'âge des plus anciennes molécules d'ADN séquencées.
Ce texte a été initialement publié à cette adresse le 8 décembre 2022 sur Actualités scientifiques Prépas, le blog d'actualités de Patrick Pla, maître de conférences à l'université Paris Saclay.
L’âge des plus vieilles molécules d’ADN séquencées vient de doubler ! Jusqu’à présent, les plus vieux ADN séquencés dataient d’un million d’années environ et provenaient de dents de mammouth extraites du sol arctique sibérien, ou de diatomées du même âge issues de sédiments prélevés en Antarctique. Une équipe de chercheurs anglais et danois, dont les travaux viennent d'être publiés dans Nature, ont pu utiliser des fragments d’ADN datant de 2 millions d’années pour caractériser un paléoécosystème du Groenland 1. Ces fragments ont été retrouvés dans des sédiments préservés dans le pergélisol au nord de l’île. Les chercheurs ont récolté un véritable puzzle de plusieurs millions de fragments, certains pas plus longs que quelques dizaines de paires de bases, qu’il a fallu analyser.
Grâce au séquençage de cet ADN, les chercheurs ont mis en évidence la présence de forêts de peupliers, de bouleaux et de thuyas et une faune composée de limules, de rennes, de lièvres, de cygnes, d’oies et même d’une espèce de mastodonte, Mammut americanum (un Proboscidien qui ressemble à un mammouth, mais qui appartient à une autre famille).
Des données paléoclimatiques indiquent qu’à cette époque, la température du Groenland était plus élevée de 10 °C qu’actuellement. La datation des échantillons a pu être réalisée à la fois grâce au paléomagnétisme des sédiments où ils ont été trouvés et par application du principe de l’horloge moléculaire aux séquences elles-mêmes. Une partie de la flore de cette époque était déjà connue grâce à des grains de pollen. Par contre, la diversité de la faune mise en évidence par le séquençage ouvre une fenêtre inédite sur ce paléoenvironnement. La présence de rennes a surpris les chercheurs car on croyait qu’ils étaient apparus plus tard au cours de l’évolution.
Avec cette avancée, c’est potentiellement une grande partie de l’histoire de la vie du Quaternaire (période de − 2,58 Ma à actuellement) qui va pouvoir être étudiée non seulement avec des fossiles mais aussi par la génétique. Il reste néanmoins que l’ADN a été préservé dans un environnement particulier (très froid pendant une longue période) et qu’une telle étude ne sera sans doute jamais possible dans des climats tropicaux.