Les scientifiques étudient les cyanobactéries pour améliorer la production des cultures agricoles.
L’agriculture moderne utilise de nombreuses méthodes pour augmenter le rendement des cultures destinées à l’alimentation et à la production de biocarburants 1. Les améliorations agricoles comprennent des méthodes visant la bonne nutrition des plantes, la lutte contre les parasites et les maladies, et la garantie d’un apport d’eau en quantité suffisante. Toutefois, pour faire face à la croissance de la population mondiale et lutter contre l’accumulation de dioxyde de carbone atmosphérique à l’origine du changement climatique, d’autres moyens d’augmenter la production agricole sont recherchés. Les scientifiques se penchent sur les mécanismes fondamentaux de la photosynthèse pour voir s’il est possible de les améliorer. L’un des moyens de stimuler la photosynthèse est de veiller à ce que le dioxyde de carbone soit disponible en abondance.
Experts en carbone
Les cyanobactéries sont des expertes dans la capture du dioxyde de carbone ainsi que dans son utilisation lors de la photosynthèse. Ces bactéries photosynthétiques sont apparues très tôt dans l’évolution de la vie et ont vécu en présence de sources de dioxyde de carbone de plus en plus rares à mesure que l’environnement de la Terre se modifiait. Aujourd’hui, les cyanobactéries et le phytoplancton fixent environ la moitié du dioxyde de carbone utilisé sur Terre, avec une efficacité remarquable. Elles y parviennent notamment en transportant de manière sélective le dioxyde de carbone vers la Rubisco, l’enzyme qui fixe le carbone, à l’aide de plusieurs mécanismes moléculaires complémentaires. Ces derniers peuvent multiplier par mille la concentration de dioxyde de carbone autour du site actif de la Rubisco. Les chercheurs travaillent actuellement à l’ajout de ces mêmes mécanismes aux plantes cultivées afin d’améliorer la production.
Transport des ions hydrogénocarbonates HCO3−
Le premier mécanisme de capture du carbone utilisé par les cyanobactéries est simple : les ions hydrogénocarbonates HCO3− sont transportés directement dans la cellule. Dans les lacs et les océans, une grande partie du dioxyde de carbone réagit avec les molécules d’eau et forme des ions hydrogénocarbonates solubles. Les transporteurs des ions hydrogénocarbonates transfèrent ceux-ci dans le cytoplasme, où ils sont ensuite retransformés en dioxyde de carbone 2. Les cyanobactéries utilisent plusieurs types de transporteurs des ions hydrogénocarbonates. BicA, représenté sur la figure 1, à partir des entrées 6ki1 et 6ki2 de la banque de données sur les protéines (PDB), et SbtA, représenté sur la figure 4, réalisent tous les deux ce transport grâce à des ions sodium3 4.
Enfermer le carbone
Les cyanobactéries utilisent les carboxysomes qui concentrent le dioxyde de carbone près des enzymes qui l’utilisent. Les carboxysomes sont de grandes enveloppes protéiques semblables aux capsides des virus, comme le montre la tomographie électronique de la banque de données de microscopie électronique (EMDB, entrée 14377), représentée sur la figure 2. L’intérieur contient de nombreuses molécules de Rubisco (entrée PDB 7yyo), d’anhydrase carbonique (entrée PDB 8thm) et de plusieurs autres enzymes permettant le bon fonctionnement de l’ensemble 1. Lorsque les ions hydrogénocarbonates pénètrent dans le carboxysome, ils sont rapidement convertis en dioxyde de carbone par l’anhydrase carbonique. La Rubisco est positionnée à proximité, prête à fixer le dioxyde de carbone avant qu’il ne diffuse hors du carboxysome.
Capture du carbone
Les cyanobactéries utilisent également une version modifiée du complexe respiratoire NDH-1 pour piéger le carbone à l’intérieur de la cellule 1. Le complexe NDH-1MS (entrée PDB 6tjv) possède un module de concentration du CO2 qui agit comme une anhydrase carbonique, convertissant le dioxyde de carbone en ion hydrogénocarbonate 2. Le dioxyde de carbone traverse librement les membranes cellulaires par diffusion simple, au contraire des ions hydrogénocarbonates. Le complexe NDH-1MS transforme le dioxyde de carbone en ion hydrogénocarbonate, le piégeant à l’intérieur de la cellule. Les ions hydrogénocarbonates peuvent alors diffuser dans les carboxysomes et être reconvertis en dioxyde de carbone utilisé dans la photosynthèse.
Le transporteur des ions hydrogénocarbonates
Les transporteurs des ions hydrogénocarbonates sont contrôlés et fournissent la quantité de carbone correspondant au fonctionnement de la machinerie photosynthétique. Le transporteur SbtA de cyanobactérie est contrôlé par la protéine associée SbtB. Comme cela est représenté sur la figure 4 en haut (entrée PDB 7egl), lorsque l’ion hydrogénocarbonate est nécessaire, une boucle de SbtB est désordonnée, laissant le canal de transport de SbtA ouvert et permettant le passage des ions 1. Cependant, lorsque l’AMP se lie à la SbtB, comme représenté sur la figure 4 en bas (entrées PDB 7cyf ou 7egk), cette boucle en T se lie à la protéine SbtA et bloque l’action du canal 2. Pour visualiser ces deux structures plus en détail, vous pouvez utiliser par exemple le logiciel de visualisation de molécules disponible sur le site PDB-101.
Pour aller plus loin
- La structure atomique complète des carboxysomes est encore à l’étude, mais vous pouvez consulter la structure d’un sommet d’un carboxysome sur le site PDB-101, à l’entrée PDB 8wxb et d’un mini-carboxysome avec l’entrée PDB 8b12.
- Les plantes trachéophytes, comme les Angiospermes, ne disposent pas de ces mécanismes de capture du carbone, mais les algues vertes en ont. Par exemple, l’entrée PDB 6bhp montre un canal probablement impliqué dans le transport du dioxyde de carbone chez l'algue verte Chlamydomonas reinhardtii.
Ce texte correspond à la traduction par Cédric Bordi de l’article Molecule of the Month : Carbon Capture Mechanisms 1 écrit par David S. Goodsell et paru en septembre 2024 sur le site PDB-101, le portail éducatif de la base de données sur les protéines (PDB). La note de bas de page est un ajout du traducteur.