Cet article présente les différences structurales et fonctionnelles existant entre deux types de muscle strié des Mammifères : le muscle squelettique et le muscle cardiaque.
Les muscles sont les principaux organes chargés du mouvement chez les animaux. Leur origine évolutive est très ancienne puisqu’on retrouve des cellules musculaires chez les Cœlentérés.
Il existe plusieurs types de muscle ayant des fonctions différentes. Ainsi on distingue les muscles striés des muscles lisses, dont l’organisation ultra structurale est assez différente. Les muscles striés se subdivisent eux-mêmes en muscle squelettique et muscle cardiaque. Ce document se propose de résumer les principales différences entre les deux types de muscles striés chez les Mammifères.
Généralités sur l’organisation d’un muscle strié
Un muscle strié est constitué de cellules musculaires comportant un important matériel contractile. Celui-ci se compose de nombreuses myofibrilles, structures tubulaires allongées d’un diamètre de 1 à 2 μm, constituées de myofilaments (filaments fins constitués d’actine associée à de la tropomyosine et de la troponine, et filaments épais constitués de myosine). Ces myofilaments sont disposés selon une organisation géométrique en trois dimensions extrêmement rigoureuse.
La base de l’organisation des myofibrilles est le sarcomère. Vus en coupe longitudinale des filaments fins sont attachés de part et d’autre d’un matériel protéique (le disque Z) comprenant en particulier de l’α-actinine, probable protéine d’ancrage des filaments d’actine. Ils sont tous alignés parallèlement, faisant face, sans les toucher, à d’autres filaments fins, eux-mêmes attachés à un autre disque Z. Entre deux disques Z, et dans les espaces laissés entre les filaments fins, on trouve les filaments épais constitués par de nombreuses molécules de myosine attachées. L’espace entre deux disques Z est appelé sarcomère. Vue en coupe transversale, l’organisation se révèle extrêmement régulière, avec une disposition pentagonale. De nombreux sarcomères sont alignés les uns à la suite des autres pour former une myofibrille.
Chaque myofibrille est entourée par du reticulum sarcoplasmique (reticulum endoplasmique musculaire), selon une organisation rigoureuse. A intervalles plus ou moins réguliers, le reticulum sarcoplasmique émet des protubérances appelées citernes terminales. A ces niveaux se trouvent également des invaginations de la membrane cytoplasmique appelées tubules transverses. On trouve donc un tubule transverse en étroite association avec deux citernes terminales, formant ce que l’on appelle une triade. Cette organisation joue un rôle important dans le couplage excitation-contraction (voir l'article La contraction musculaire).
De nombreuses myofibrilles disposées parallèlement remplissent l’essentiel du volume cellulaire, ne laissant que peu de place au sarcoplasme (cytoplasme d’une cellule musculaire). De façon remarquable, les sarcomères des différentes myofibrilles sont situés au même niveau selon l’axe longitudinal. Ainsi, vue en microscopie photonique, une cellule musculaire apparaît régulièrement zébrée transversalement, sur toute sa longueur, d’où le nom de muscle strié. Notons que les bandes sombres ne correspondent pas aux disques Z mais aux filaments épais et les bandes claires correspondent aux zones ne comportant que des filaments fins (donc à cheval sur deux sarcomères). Vue en microscopie électronique, on peut préciser cette striation au niveau ultra structural, avec la visualisation des disques Z, bandes A (zone des filaments épais, bandes sombres visibles en microscopie photonique), bandes I (zone ne présentant que des filaments fins, bandes claires visibles en microscopie photonique), zone H (zone centrale du sarcomère sans filaments fins) et strie M (zone d’attachement des myosines, tête-bêche).
Les différences structurales muscle squelettique - muscle cardiaque
L’organisation ultra structurale du muscle strié squelettique et cardiaque n’est pas très différente. Néanmoins, on peut distinguer quelques spécificités.
Première différence : les cellules musculaires squelettiques sont des cellules syncitiales polynucléées pouvant atteindre plusieurs centimètres de long. Au contraire, les cellules musculaires cardiaques ne sont pas issues de la fusion de plusieurs cellules souches musculaires et sont donc uninucléées.
Leur taille est donc généralement sans commune mesure avec celle de leurs homologues squelettiques. L’unité mécanique est obtenue grâce à un attachement des cellules, disposées selon l’axe longitudinal, par l’intermédiaire de disques intercalaires riches en desmosomes. Par ailleurs, les cytoplasmes des cellules cardiaques sont en communication directe via de nombreuses jonctions communicantes.
Deuxième différence : si l’organisation structurale du matériel contractile est globalement similaire dans les deux cas, les cellules cardiaques sont souvent ramifiées et les myofibrilles sont plus courtes que dans les cellules musculaires squelettiques.
Enfin, troisième différence : le reticulum sarcoplasmique est considérablement moins développé dans les cellules musculaires cardiaques par rapport à la situation observée dans les cellules musculaires squelettiques, cette observation laissant entrevoir des différences fonctionnelles.
Les différences fonctionnelles muscle squelettique – muscle cardiaque
Il existe principalement trois différences fonctionnelles entre muscle squelettique et muscle cardiaque.
La première est extérieure aux cellules musculaires elles-mêmes : la commande nerveuse des muscles squelettiques est assurée par les nerfs moteurs, ce qui correspond à une commande volontaire (hors mouvement réflexe). A l’inverse, la régulation nerveuse du muscle cardiaque est assurée par les nerfs issus du système sympathique cardioaccélérateur et parasympathique cardiomodérateur (nerf vague ou pneumogastrique X) du système nerveux autonome, ce qui correspond à une commande involontaire. Sans oublier que les cellules cardiaques se contractent rythmiquement en absence de toute influence nerveuse sous l’impulsion des cellules pace-maker.
La seconde correspond à une différence dans le couplage excitation-contraction (voir l'article La contraction musculaire). Dans le muscle squelettique, l’augmentation de la concentration intracellulaire en calcium (responsable de la contraction) est non seulement le résultat d’un influx de calcium extracellulaire mais surtout d’un efflux de calcium provenant du reticulum sarcoplasmique. Dans le muscle cardiaque, cette augmentation de calcium intracellulaire est essentiellement due à un influx de calcium extracellulaire, le reticulum sarcoplasmique étant moins développé.
Enfin, troisièmement, le muscle cardiaque n’est pas tétanisable. La tétanie se caractérise par un plateau de contraction de puissance maximum par suite d’une stimulation à une fréquence ne permettant pas au muscle de se relâcher entre deux contractions. Or, la période réfractaire absolue (période durant laquelle une cellule excitable qui vient d’être stimulée n’est pas en mesure de répondre à une nouvelle stimulation) est beaucoup plus importante pour les cellules cardiaques que pour les cellules musculaires squelettiques. La cellule musculaire cardiaque a le temps de se relâcher avant d’être en mesure d’être à nouveau stimulée. Il est donc impossible d’obtenir une sommation des contractions. Il en résulte que le muscle cardiaque n’est pas tétanisable au contraire du muscle squelettique.
Conclusion
À la lumière de la comparaison entre muscle squelettique et muscle cardiaque, il apparaît que leurs points communs permettent de les classer dans une même catégorie, celle des muscles striés, mais que leurs différences, aussi bien structurales que fonctionnelles, imposent de les séparer en deux sous-catégories.
Il est ainsi classique de les différencier en parlant de muscles squelettiques volontaires et de muscle cardiaque involontaire. Pourtant, si elle est essentielle, cette différence n’est pas le fait des cellules musculaires elles-mêmes, mais des mécanismes de commande (présence ou non de cellules pace-maker et origine de l’innervation afférente). Il est donc important que cette différence physiologique ne masque pas les autres différences qui, elles, sont directement liées à la structure et au fonctionnement des cellules musculaires.