Introduction

Avoir un enfant quand on le désire est actuellement considéré comme un droit pour de nombreuses femmes. Ainsi, en l’an 2000, deux femmes françaises sur trois (dans la tranche d’âge 20 – 44 ans) utilisaient un moyen de contraception. Toutefois, de nombreuses grossesses non désirées surviennent encore, ce qui conduit à un nombre important d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) en France.

Statistiques sur l’IVG et le nombre de naissances en France
Année IVG Naissances
1997 205 000 748 000
2000 220 000 730 000

Les grossesses non désirées peuvent être particulièrement traumatisantes chez les adolescentes (10 000 en 1998, la moitié conduisant à une IVG)… Des méthodes de contraception d’urgence, appliquées après un rapport sexuel non protégé, existent depuis longtemps et permettent de limiter ce nombre de grossesses non désirées, en complément des modes de contraception traditionnels.
Il s’agit de méthodes physiques, comme la pose d’un stérilet en urgence, ou, plus fréquemment, de méthodes hormonales.

La principale molécule utilisée aujourd’hui, avec succès, dans cette indication, est le lévonorgestrel, un progestatif de synthèse.
Par ailleurs, un antiprogestatif, la mifépristone (RU-486), utilisée avec succès comme contragestif dans la réalisation des IVG précoces, a fait lui aussi la preuve de son efficacité comme contraceptif d’urgence.

Ce dossier présente et compare ces deux molécules, leurs modes d’actions et leurs utilisations, en France et dans le monde.

Progestérone et molécules proches

Progestérone, RU-486 et lévonorgestrel

La progestérone est une hormone naturelle, sécrétée, chez la femme, essentiellement par le corps jaune (lors de la phase lutéale du cycle) et par le placenta (pendant la grossesse).
Cette molécule, comme les autres stéroïdes sexuels, s’organise autour d’un noyau stérol.

Il existe divers dérivés, naturels ou de synthèse, de la progestérone. En particulier, deux dérivés de synthèse sont utilisés dans la contraception d’urgence : le RU-486 (aussi nommé mifépristone), et le lévonorgestrel. Ces composés possèdent une formule chimique très proche de la progestérone, dont ils diffèrent essentiellement par la nature des groupements chimiques branchés sur le noyau stérol : ce sont des analogues structuraux.

Structures tridimensionnelles de la progestérone, de la mifépristone (RU-486) et du lévonorgestrel

De gauche à droite : molécule de progestérone, molécule de mifépristone et molécule de lévonorgestrel.
Trois schémas du haut: en gris le squelette de carbone, en blanc les atomes d'hydrogène, en rouge les atomes d'oxygène et en bleu les atomes d'azote.
Trois schémas du bas: en gris-bleu le noyau stérol et en rouge les autres groupements.

Auteur(s)/Autrice(s) : David Germanaud, Gilles Furelaud Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Ces trois molécules peuvent être visualisées en trois dimensions.
Les fichiers ci-dessous permettent de visualiser ces molécules et de les manipuler, à l’aide de logiciels tels que Rasmol, RasTop, Protein Explorer, etc. Pour chaque molécule, vous pouvez télécharger une version non compressée (PDB), ou une version compressée (ZIP) au format zip (nécessite winzip ou un utilitaire équivalent).

Fichiers de visualisation 3D des molécules
Molécule Nom du fichier PDB ZIP
  taille   taille
Progestérone jb08prog Télécharger 6 Ko Télécharger 2 Ko
RU-486 jb13mife Télécharger 8 Ko Télécharger 2 Ko
Lévonorgestrel norgestrel Télécharger 4 Ko Télécharger 1 Ko
Récepteur de la progestérone lié à la progestérone 1A28 Télécharger 369 Ko Télécharger 92 Ko

Synthèse et mode d’action de la progestérone

La progestérone est synthétisée à partir du cholestérol (transformé en prégnénolone, puis en progestérone). Cette synthèse est stimulée par la LH (hormone lutéinisante), et augmente considérablement juste avant l’ovulation. Elle se poursuit pendant toute la phase lutéale. En l’absence de fécondation, la progestérone diminue drastiquement à la fin de cette phase, ce qui a pour effet de déclencher les menstruations. En cas de fécondation, suivie de l’implantation d’un embryon dans l’endomètre utérin, le corps jaune persiste : la synthèse de progestérone est ainsi maintenue. Plus tard pendant la grossesse (à partir du troisième mois), c’est le placenta qui remplace l’ovaire comme lieu de synthèse de cette hormone. Le corps jaune involue alors en corps blanc.
La progestérone inhibe les contractions de l’utérus, aussi bien pendant la phase lutéale que pendant la grossesse. La chute du taux de progestérone plasmatique autorise la reprise des contractions, et ainsi les règles (à la fin de la phase lutéale) ou l’accouchement (à la fin de la grossesse).

Hormone stéroïdienne, la progestérone est une molécule lipophile : elle peut ainsi passer passivement à travers les membranes biologiques. Elle se fixe alors sur un récepteur intracellulaire.

Structure tridimensionnelle de la progestérone et de son récepteur
Auteur(s)/Autrice(s) : David Germanaud, Gilles Furelaud Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

En absence de progestérone, ce récepteur est localisé dans le cytoplasme, et est associé à des protéines HSP (Heat Shock Proteins : protéines de choc thermique, une famille de protéines chaperons). La fixation de la progestérone sur son récepteur est concomitante au départ de ces HSP. Le complexe récepteur – ligand pénètre alors dans le noyau de la cellule, où il se dimérise. L’ensemble peut alors se fixer en des points précis du génome (les PRE : Progesterone Responsive Elements, ou éléments de réponse à la progestérone), et activer la transcription de gènes spécifiques.

Schéma du mode d'action de la progestérone
Auteur(s)/Autrice(s) : David Germanaud, Gilles Furelaud Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Documents à télécharger

Mode d'action de la progestérone
Télécharger

Animation Flash (format swf)

Récepteur de la progestérone, RU-486 et lévonorgestrel

Le RU-486 (mifépristone) et le lévonorgestrel, qui sont des analogues structuraux de la progestérone, sont capables de se lier, au niveau du même site de fixation, au récepteur à la progestérone. Toutefois, ces deux molécules n’ont pas alors le même effet :

  • Le lévonorgestrel est un agoniste de la progestérone, ou progestatif : sa fixation sur le récepteur permet de l’activer ; il « mime » ainsi les effets de la progestérone.

  • Le RU-486 est un antagoniste de la progestérone, et a donc des effets antiprogestatifs : sa fixation sur le récepteur ne l’active pas, mais empêche la progestérone endogène de s’y lier. Il inhibe donc les effets de la progestérone. Cependant, cet effet semble dépendant du type cellulaire, et le RU-486 aurait ainsi en fait une activité mixte dite agoniste – antagoniste (voir à ce sujet la page présentant des résultats expérimentaux « RU-486 et récepteur de la progestérone »).

Il est intéressant de remarquer que ces deux molécules, apparemment opposées, peuvent être utilisées dans un même but de contraception d’urgence…

La contraception d’urgence : diverses méthodes hormonales

Définition et objectifs

On définit une contraception d’urgence comme « tout moyen, physique ou par l’intermédiaire de molécules biologiquement actives, utilisé pour prévenir une grossesse après un rapport sexuel non protégé ». Il s’agit donc d’éviter une grossesse qui pourrait survenir, soit parce que les partenaires n’ont pas utilisé de moyens contraceptifs (pilule, stérilet, etc.), soit du fait de la défaillance d’un moyen contraceptif (rupture de préservatif, etc.).
Comme son nom l’indique, la contraception d’urgence est réalisée le plus tôt possible après le rapport sexuel, habituellement dans les 72 heures qui suivent. Son but est d’éviter une éventuelle fécondation, qui pourrait survenir si la femme se trouvait dans sa période de fécondité, voire d’empêcher l’implantation d’un ovule fécondé. Comme nous le verrons par la suite, ces méthodes de contraception d’urgence ne sont jamais efficaces à 100 %…

La période de fertilité

On appelle « période de fertilité » l’ensemble de la durée du cycle menstruel pendant laquelle une femme peut, suite à un rapport sexuel, tomber enceinte. Cette période s’étend au maximum de 6 jours avant l’ovulation (J-6) à 1 jour après l’ovulation (J+1). En effet, les spermatozoïdes émis lors d’un rapport sexuel plus précoce ne peuvent survivre jusqu’à l’ovulation. De même, le cheminement des spermatozoïdes dans les voies génitales est rapidement rendu impossible après l’ovulation, et l’ovule meurt vite s’il n’est pas fécondé.

Attention toutefois : cette période est fixée par rapport au jour réel d’ovulation. En cas d’ovulation précoce ou tardive dans le cycle, il est donc possible à une femme de tomber enceinte suite à un rapport sexuel « éloigné » du 14e jour suivant les règles… (voir aussi les probabilités ci-dessous).

Dans les situations à risque que constituent les rapports sexuels non protégés en période de fertilité, la contraception d’urgence peut donc agir :

  • soit en bloquant l’ovulation si celle-ci n’a pas encore eu lieu ;
  • soit en empêchant la fécondation ;
  • soit en empêchant la nidation (implantation de l’embryon dans la muqueuse utérine).

L’efficacité des méthodes de contraception d’urgence employées de nos jours est prouvée jusqu’à 72 heures après un rapport sexuel non protégé (cette efficacité chute rapidement passée cette limite), c’est-à-dire potentiellement jusqu’à 48 heures (au maximum) après l’ovulation : l’inhibition de l’implantation est donc très probablement un mode d’action effectif de ces méthodes de contraception d’urgence. Statistiquement, cependant, la période de fertilité étant essentiellement pré-ovulatoire, le blocage de l’ovulation est certainement un mécanisme majeur.

Ce blocage de l’ovulation est d’ailleurs le mode d’action le plus facile à mettre en évidence : voir à ce sujet les résultats expérimentaux « Action du lévonorgestrel et du RU-486 comme contraceptifs d’urgence ».

Documents à télécharger

Modes de contraception
Télécharger

Animation Flash (format swf)

Contraception ou avortement ?

L’inhibition très probable de l’implantation est la cause d’un rejet, parfois violent, de la contraception d’urgence par les opposants à l’avortement : ils considèrent en effet qu’empêcher la nidation d’un embryon est un avortement. Cependant les moyens contraceptifs d’urgence agissent essentiellement en bloquant l’ovulation. De plus, l’implantation est un processus complexe, que de nombreux embryons ne surmontent pas : il est donc en général considéré (d’un point de vue biologique) qu’une grossesse ne commence réellement qu’au moment de l’implantation.
Il n’y a donc pas de réelle justification scientifique à parler d’avortement dans le cas d’une prise de pilule contraceptive d’urgence.

Différentes modalités de la contraception d’urgence

Une contraception d’urgence physique peut être réalisée par la pose d’un dispositif intra-utérin (stérilet), dans les heures qui suivent le rapport à risque. Cette méthode reste toutefois très peu utilisée.

Les contraceptions d’urgence actuelles utilisent des composés hormonaux : ces molécules, délivrées en général par l’ingestion de pilules, interfèrent avec les processus hormonaux, et conduisent ainsi à un blocage de l’ovulation, à son retard, ou à une inhibition de l’implantation. Ces méthodes doivent impérativement être employées dans les 72 heures suivant le rapport sexuel à risque pour être efficaces.

Historiquement, la première méthode développée a consisté en l’administration de fortes quantités d’œstradiol. Cette première pilule du lendemain, apparue pendant les années 60, présentait le défaut de provoquer de nombreux effets secondaires… Elle a été abandonnée à la fin des années 70, pour la méthode Yuzpe, qui consiste à administrer à la femme une première pilule comprenant un œstradiol de synthèse (éthinylestradiol) complété par un progestatif de synthèse (le lévonorgestrel), puis une seconde pilule identique 12 heures plus tard.

La « pilule du lendemain » la plus courante en France ne comprend que ce seul progestatif (le lévonorgestrel). Là aussi, l’administration se fait sous la forme de deux pilules, prises à 12 heures d’intervalle. Ces deux dernières méthodes sont efficaces, et avec peu d’effets secondaires (voir le tableau comparatif).

Une autre molécule, le RU-486 (ou mifépristone), a aussi fait la preuve de son efficacité comme contraceptif d’urgence. Cette molécule présenterait l’intérêt de ne nécessiter qu’une unique prise, et d’induire encore moins d’effets secondaires désagréables. Elle n’est cependant pas prescrite à l’heure actuelle dans cette indication.

Effets principaux des molécules utilisées

Les mécanismes d’action présomptifs sont en cours d’exploration : les scientifiques sont encore loin d’avoir complètement élucidé le mode d’action de la contraception d’urgence. On peut cependant retenir les points suivants :

  • Le lévonorgestrel, administré avant l’ovulation, a pour effet d’empêcher celle-ci.
    De même, le RU-486 retarde l’ovulation de quelques jours, empêchant ainsi la rencontre entre les spermatozoïdes et un ovule.

  • Une fois que l’ovulation a eu lieu, le lévonorgestrel semble avoir un effet essentiellement sur le mucus cervical et le fluide utérin : le transport des spermatozoïdes est bloqué, ce qui diminue fortement la probabilité de fécondation. Le lévonorgestrel permettrait aussi une régression du corps jaune : ceci empêcherait toute grossesse de se développer.
    Le RU-486, agirait, après l’ovulation, en inhibant la maturation de l’endomètre.

Pour une étude expérimentale : « Action du lévonorgestrel et du RU-486 comme contraceptifs d’urgence ».

Il est important de préciser que ces méthodes de contraception d’urgence sont sans effet sur une grossesse déjà engagée.

Des questions de probabilité…

Avoir un rapport sexuel non protégé ne veut pas dire tomber enceinte… En effet, la probabilité moyenne de grossesse après un rapport non protégé n’est que d’environ 7 %. Il s’agit là d’une probabilité moyenne, sur l’ensemble du cycle. Elle est plus élevée le jour de l’ovulation, mais n’atteint, là encore, que 33 %. Le lendemain de l’ovulation, la probabilité reste de 12 %. Elle devient négligeable pendant la fin du cycle.

Cette probabilité dépend aussi de l’âge de la femme : à 25 ans, une femme ayant une activité sexuelle non protégée quotidienne pendant un cycle menstruel complet a ainsi 25 % de chances de tomber enceinte. Dans ces conditions, il est difficile de quantifier l’effet des contraceptions d’urgence. Leur efficacité semble être d’environ 85 % : ceci signifie que, au lieu de 7 %, le risque d’une grossesse baisse à 1 % environ, voire moins.

Ces méthodes ne sont pas efficaces à 100 % ! Il est donc important de noter que les grossesses qui se développent malgré une contraception d’urgence ne semblent pas poser de problème particulier. Par mesure de précaution, toutefois, ces contraceptifs d’urgence sont déconseillés aux femmes ayant un risque connu de GEU (grossesse extra-utérine).

Les pilules

Tetragynon®

Commercialisé en France en 1999. Il s’agit de pilules composées de 0,05 mg d’éthynilestradiol et de 0,25 mg de lévonorgestrel. La prescription consiste en la prise de deux comprimés dans les 72 heures qui suivent le rapport non protégé, puis encore deux, 12 heures plus tard. Le Tetragynon® n’est délivré que sur ordonnance, mais est remboursé à 65 %.

Norlevo®

Commercialisé en France en 1999. Il s’agit de pilules composées de 0,75 mg de lévonorgestrel. La prescription consiste en la prise d’un comprimé dans les 72 heures qui suivent le rapport non protégé, puis d’un deuxième 12 heures plus tard. Le Norlevo® peut être délivré sans ordonnance, mais n’est pas remboursé par la sécurité sociale. Toutefois, depuis le 9 janvier 2002, il est délivré gratuitement aux jeunes filles mineures.

Pilule à base de RU-486

Un traitement composé de 3 pilules de RU-486 (dose totale de 600 mg), pris en une seule fois, est utilisé comme contraceptif d’urgence en Chine.

Comparatif des différentes méthodes de contraception d’urgence

Les différentes méthodes de contraception d’urgence
Méthode Principe Taux d’échec
(% de grossesses)
Femmes présentant des effets secondaires indésirables Remarques
Nausées Vomissements
Œstrogènes seuls 50mg de diethylstilbestrol pendant 5 jours, ou 5mg d’éthynil estradiol pendant 5 jours 0,1 à 1% 70% 33% Utilisés dans les années 60 et 70
Yuzpe 0,1mg d’éthynilestradiol et 0,5 mg de lévonorgestrel, pris en 2 fois à 12 heures d’intervalle 1,6% 50% 20% Commercialisé en France sous le nom Tétragynon ®
Lévonorgestrel 1,5mg de lévonorgestrel, pris en 2 fois à 12 heures d’intervalle 1,1% 23% 5,6% Commercialisé en France sous le nom Norlevo®
RU-486 600mg de RU-486 (mifépristone), en une prise Une étude montre 0 échec sur 191 cas.

Faibles

Utilisé en Chine. Utilisable jusqu’à 120 heures (5 jours) après le rapport non protégé. Des études montrent une efficacité semblable avec seulement 10 mg de RU-486
Stérilet Dispositif intra-utérin 1% Risque d’infections chez la femme jeune Utilisé en Angleterre, surtout pour des femmes désirant utiliser ce dispositif ensuite comme contraceptif. Utilisable jusqu’à 5 jours après le rapport non protégé

RU-486 et IVG

Le RU-486 est un analogue structural de la progestérone. Cette molécule, découverte en France en 1980, se fixe avec une grande affinité sur le récepteur de la progestérone.

Le RU-486, aussi appelé mifépristone, est en général incapable d’activer le récepteur de la progestérone : il agit alors comme un antagoniste de la progestérone (anti-progestatif). C’est essentiellement cette action anti-progestative qui permet d’utiliser cette molécule lors des interruptions volontaires de grossesse (IVG), mais aussi lors des interruptions thérapeutiques de grossesse (ITG).

Il est aussi à signaler que cette molécule peut être utilisée dans un but de contraception d’urgence, et que les effets moléculaires précis du RU-486 sont complexes, et dépendent du contexte cellulaire (voir « RU-486 et récepteur de la progestérone »).

Le RU-486, principe actif des pilules « abortives »

Le RU-486 présente une action anti-progestative sur l’utérus gravide. En effet, cette molécule provoque :

  • un ramollissement du col de l’utérus ;
  • une augmentation de la contractibilité du muscle utérin ;
  • un décollement plus facile de l’embryon.

Rappelons que la progestérone est « l’hormone de la gestation » : présente lors de la phase lutéale et lors de la grossesse, elle a, entre autres, pour effet d’inhiber les contractions utérines. Le RU-486 lève cette inhibition.

Dans le même ordre d’idées, l’insuffisance lutéale (insuffisance en progestatifs due à une inactivation du corps jaune) a été invoquée pour expliquer certaines fausses couches spontanées du premier trimestre de grossesse.

Ces propriétés font que le RU-486 peut être utilisé lors d’interruptions de grossesse. On peut distinguer deux types d’utilisation, selon qu’il s’agit d’IVG ou d’ITG.

RU-486 et IVG

Le RU-486 est utilisable pour une IVG (interruption volontaire de grossesse), au terme maximal de 49 jours d’arrêt des règles (aménorrhée). Cette utilisation est réalisée sous contrôle médical, dans un centre habilité. La femme enceinte prend 3 comprimés de Myfégyne® (RU-486). Le RU-486 prépare ainsi l’utérus à l’avortement. Deux jours plus tard, on administre des prostaglandines (comprimés par voie orale ou vaginale) qui induisent des contractions de l’utérus, facilitées en cela par l’action du RU-486. Sous l’effet de ces contractions, l’embryon se décolle, et est évacué par les voies naturelles. L’efficacité de cette méthode est de l’ordre de 95 à 98 %.

RU-486 et ITG

Le RU-486 est aussi utilisé dans le cadre d’une ITG (interruption thérapeutique de grossesse) : 2 jours avant son hospitalisation, on administre de la Myfégyne® à la femme enceinte. Ceci facilite l’action des prostaglandines qui seront utilisées lors de l’intervention.

De même, une administration de RU-486 facilitera aussi l’action des prostaglandines lors de l’expulsion d’un fœtus mort in utero.

RU-486 et IVG, quelques chiffres (1997)

Selon les sources du ministère de la santé, les IVG « médicamenteuses », par RU-486, ne concernent que 18,88 % des IVG pratiquées en France. Ceci est explicable par le fait que ce type d’IVG ne se pratique que très tôt dans la grossesse, et que, en 1997, 17 % des structures publiques et 60 % des structures privées ne proposaient pas aux femmes ce type d’IVG.

Pourtant, ces IVG présentent l’intérêt d’être moins traumatisantes pour l’utérus qu’une manœuvre instrumentale par exemple, et entraînent moins de séquelles.

Chiffres des IVG en France pour l’année 1997 (source : ministère de la santé)
IVG RU-486 38 676 Nombre IVG public 131 576 Nombre accouchements 748 289
IVG totales 204 903 Nombre IVG privé 73 327 Nombre IVG 204 903
IVG RU-486 / IVG totales 18,88 % IVG secteur public / IVG totales 64,2 % IVG totales / accouchements 27,4 %

Mode d’action du lévonorgestrel et du RU-486

Le lévonorgestrel et le RU-486 (mifépristone) sont des molécules efficaces dans le cadre d’une contraception d’urgence. Mais les modalités par lesquelles ces molécules agissent sont encore très mal connues. Ces molécules présentent aussi une action contraceptive, lorsqu’elles sont administrées de manière répétitive à faibles doses pendant tout le cycle menstruel. Les mécanismes d’actions de ces molécules dans la contraception au long court sont souvent mieux compris et s’il est tentant d’extrapoler à la contraception d’urgence, les mécanismes alors proposés restent hypothétiques. Quelques données, parfois encore contradictoires, sont cependant disponibles pour la contraception d’urgence.

Les actions du lévonorgestrel

Le lévonorgestrel est un progestatif, c’est-à-dire une molécule capable de se fixer sur le récepteur à la progestérone, et de l’activer. Ce composé possède une activité contraceptive au long court et d’urgence, explicable par plusieurs effets. Ces effets sont sensiblement différents selon que le lévonorgestrel est administré avant l’ovulation (en phase folliculaire), ou après l’ovulation (en phase lutéale).

Administré à faible dose, tous les jours du cycle, dans le cadre de la contraception microprogestative (pilule Microval®), le lévonorgestrel a essentiellement un effet contraceptif périphérique modifiant en premier lieu la phase folliculaire par les mécanismes suivants.

  • Suppression de l’activité proliférative de l’endomètre utérin, qui est sous contrôle œstrogénique, ce qui participe à l’effet contraceptif en empêchant la nidation. Cette suppression peut conduire à un certain degré d’atrophie utérine.
  • Modification du mucus cervical et du fluide utérin, ce qui participe à l’effet contraceptif en empêchant la migration des spermatozoïdes jusqu’aux trompes.
  • Par ailleurs, une inhibition partielle et aléatoire de l’ovulation n’est observée que dans moins d’un cycle sur deux, ce qui ne peut donc rendre compte de l’effet contraceptif.

Administré à doses plus importante, en période péri-ovulatoire (périodes proches de l’ovulation), le lévonorgestrel a un effet contraceptif d’urgence. On peut formuler plusieurs hypothèses concernant ses modes d’action :

  1. inhibition de l’ovulation ;
  2. action empêchant la rencontre des gamètes ;
  3. action empêchant la nidation.

Il est probable que l’action soit différente suivant que l’administration du produit est faite avant ou après le pic de LH pré-ovulatoire. Les mécanismes d’action proposés restent hypothétiques et les résultats expérimentaux, rares, sont encore souvent contradictoires. Certains mécanismes sont plus probables que d’autres, mais il est raisonnable de penser que l’effet global résulte de l’addition de plusieurs modalités d’action. Ne serait-ce que parce que la contraception d’urgence est efficace sur toute la période de fertilité et jusqu’à 72 h après le rapport à risque.
Retenons que le lévonorgestrel pourrait :

  • Avant l’ovulation :

    • Modifier la maturation endométriale et l’expression de facteurs importants pour la nidation.

    • Modifier le mucus cervical et le fluide utérin et donc empêcher la migration des spermatozoïdes du col de l’utérus aux trompes utérines.

    • Mais aussi assurer un effet anti-gonadotrope non négligeable avec inhibition du pic de LH (absence ou délai de l’ovulation).

  • Après l’ovulation :

    • L’effet anti-gonadotrope n’est plus possible mais les deux autres restent probables.

    • Par ailleurs une altération de la lutéogénèse (formation et persistance du corps jaune) est envisagée, susceptible de générer une insuffisance lutéale et d’empêcher ainsi la nidation.

Les actions du RU-486 : un contraceptif d’urgence et au long cours

Le RU-486 (mifépristone) est un analogue structural de la progestérone, capable de se fixer sur son récepteur. Par des mécanismes moléculaires encore mal connus, cette substance présente des activités contraceptive et contragestive démontrées au cours d’essais cliniques.
Les modes d’action du RU-486 dans le cadre de la contraception d’urgence sont encore très hypothétiques, et n’ont pas été démontrés de manière rigoureuse. Comme pour le lévonorgestrel, il est possible de distinguer les effets dus à une administration de RU-486 avant ou après l’ovulation. Les hypothèses relatives à son mode d’action sont par ailleurs les mêmes.

Donné en une ou deux prises, à des doses assez variables, en péri-ovulatoire (aux périodes proches de l’ovulation), le RU-486 semble :

  • Avant l’ovulation :

    • Bloquer la maturation du follicule dominant.

    • Inhiber le rétrocontrôle positif à l’origine du pic de LH ; avec pour conséquence l’inhibition ou le délai significatif de l’ovulation. La qualité de l’ovocyte éventuellement émis n’est, par contre, pas altérée.

  • Après l’ovulation : interférer avec la maturation de l’endomètre et modifier l’expression de facteurs indispensables à la nidation (des intégrines, des cyclooxygénases, le Leukemia Inhibitory Factor (?), etc.). Cet effet serait possible aussi avec l’administration pré-ovulatoire, car la mifépristone a une longue demi-vie plasmatique.

Le RU-486 est, au niveau moléculaire, un agoniste – antagoniste de la progestérone : ceci signifie que cette molécule peut présenter, selon les cas, des activités anti-progestatives, ou bien des activités progestatives. Ceci rend plus complexe l’interprétation, à l’échelle moléculaire, des phénomènes observés en présence de RU-486…

Les actions du RU-486 : un composé utilisable dans les avortements

Le RU-486 est un analogue structural de la progestérone, qui présente une action anti-progestative sur l’utérus gravide. Or la progestérone a pour effet, pendant la grossesse, d’empêcher toute contraction de l’utérus. En levant cette inhibition, le RU-486 permet l’action, par la suite, des prostaglandines qui induisent alors des contractions de l’utérus.
De plus, on observe une facilitation du décollement de l’embryon sous activité anti-progestative. Ces effets permettent l’utilisation très efficace du RU-486 lors d’IVG précoces, ou comme « aide » lors d’ITG (plus tardives), ou d’éliminations de fœtus morts in utero.

Bilan

Le lévonorgestrel et le RU-486 (mifépristone) sont des analogues structuraux de la progestérone. Ces molécules sont ainsi capables de se fixer sur le récepteur de la progestérone. Ces molécules sont ainsi utilisées (ou utilisables) dans un but de contraception d’urgence, de contraception au long cours, ou dans la réalisation d’IVG précoces.

Mode d’action du lévonorgestrel et du RU-486
Molécule Nom commercial Usage Effets biologiques Remarques
Lévonorgestrel Tétragynon ® Contraception d’urgence Modification du mucus cervical et du fluide utérin (?); diminution du pic de LH ; régression du corps jaune En association avec des œstrogènes. Sous ordonnance.
Lévonorgestrel Norlevo ® Contraception d’urgence 1,5mg, en 2 prises à 12 heures d’intervalle. Sans ordonnance.  
Lévonorgestrel - Contraception au long court Inhibition prolifération de l’endomètre ; modification du mucus cervical et du fluide utérin; diminution du pic de LH; régression du corps jaune. Méthode non utilisée.
RU-486 - Contraception d’urgence Retard du pic de LH (?); inhibition du développement de l’endomètre (?); inhibition de la réceptivité de l’endomètre (?) Méthode utilisée en Chine. Très peu d’effets secondaires à faibles doses.
RU-486 Mifégyne ® IVG Levée de l’inhibition des contractions utérines imposée par la progestérone; autres effets imparfaitement précisés Utilisation en synergie avec des prostaglandines. Pilules prises sous contrôle médical.
RU-486 Mifégyne ® ITG Utilisation en synergie avec des prostaglandines. Administration dans le cadre d’une hospitalisation.  

Les effets de ces molécules restent mal connus pour la plupart, et dépendent fortement des doses administrées, ainsi que de la fréquence (ponctuelle ou répétée) de ces administrations.