Luciano Paolozzi est bien connu pour le livre de microbiologie générale dont il a supervisé l’édition et auquel l’auteur de ces lignes a participé [1]. Dans ce nouvel ouvrage, Vivre dans l’impossible, il révèle l’étendue de ses connaissances dans tous les domaines de la biologie, mais également en histoire des sciences, en astronomie, en physique et en géochimie, pour nous présenter en détail dans différents chapitres tous les environnements auxquels les êtres vivants ont réussi à s’adapter : les sols des zones tempérées, les fonds marins, les abysses, les profondeurs terrestres, les biotopes hypersalins, les déserts, le froid au-dessous de zéro degré, les environnements volcaniques et hydrothermaux. Dans chacun de ces chapitres, l’auteur présente une description détaillée des types d’environnements présents sur notre planète avec de nombreux exemples et nous familiarise avec leurs habitants, plantes, animaux, micro-organismes, ainsi qu’avec leurs adaptations leur permettant de vivre dans des conditions à priori hostiles à toute forme de vie. Nous apprenons ainsi que les plantes du désert du Namib en Afrique ou encore du désert australien s’auto-organisent en structures circulaires (appelées cercles de fées) pour optimiser leur capacité d’approvisionnement en eau. On ne peut que regretter l’absence d’illustrations, un point commun à la plupart des publications scientifiques pour le grand public, que l’on peut toutefois compenser en allant voir sur Internet à quoi ressemblent certains des organismes mentionnés dans l’ouvrage. Je pense en particulier aux habitants des abysses, tels le poisson vipère du genre Chauliodus, le requin-lézard Chlamydoselachus anguineus ou encore le poisson-limace qui a été filmé à 8178 mètres de profondeur.

Ce sont toutefois les micro-organismes « extrêmophiles » présents dans ces environnements, archées et bactéries, qui sont devenus les plus populaires ces dernières années, aussi bien parmi les astrobiologistes intéressés par les conditions limites permettant d’imaginer la vie sur d’autres planètes, que parmi les industriels attirés par la possibilité d’exploiter leurs « extrêmenzymes », des enzymes capables de fonctionner dans des conditions extrêmes de température, de pH ou de salinité. Depuis l’épisode Covid, l’application la plus connue du grand public est la PCR, réalisée grâce à une ADN polymérase isolée d’une bactérie découverte dans une source chaude du parc de Yellowstone, aux États-Unis. Les bactéries résistantes à des doses habituellement létales de radioactivité, telles que Deinococcus radiodurans, sont également très populaires – la radiorésistance de ces bactéries étant un effet secondaire de leur résistance à la dessication. On ne peut qu’être fasciné par l’existence de bactéries capables de se diviser (tous les 40-50 jours) à – 16 °C tel Planococcus halocryophilus dans des fissures d’eau salée présentes dans la glace, ou encore capables de vivre à l’intérieur des roches dans les zones désertiques, telle la cyanobactérie Chroococcidiopsis observée dans le désert d’Atacama. Certains de ces microorganismes présentent des adaptations sophistiquées à leur milieu. Ainsi, Ramlibacter tataouinensis, qui se divise la nuit sous la forme d’un bacille, s’enkyste sous l’influence de la lumière du jour pour pouvoir résister aux conditions arides.

Des références aux auteurs et à leurs universités permettent de retrouver les travaux récents qui ont permis de détecter les microbes extrêmophiles dans tous les environnements cités. De nombreux encadrés permettent également d’approfondir certains des aspects discutés dans l’ouvrage, tels que la PCR, évoquée plus haut. Des chapitres permettent aux lecteurs non-biologistes de se familiariser avec la nature et la physiologie des êtres vivants, abordant la description des différents métabolismes et sources d’énergies qui permettent à la vie d’exploiter tous les biotopes possibles et imaginables de notre belle planète. L’auteur n’hésite pas à aborder des questions de fond en les rendant accessibles aux non-spécialistes : Qu’est que la vie ? Comment la définir ? Comment est-elle apparue sur Terre ? Sommes-nous seuls dans l’univers ? Le nombre d’exoplanètes connues est passé d’une seule en 1994 à 6000 en 2022, ce qui laisse espérer l’existence d’un nombre infini de nouveaux mondes tel que l’avait prédit le savant grec Épicure, au troisième siècle avant notre ère. Au passage j’ai découvert l’existence du système planétaire TRAPPIST, situé à 39 années lumières de nous et composé de sept planètes dont trois situées dans une « zone habitable » – une histoire belge à suivre !

Référence

[1] L. Paolozzi et J.-C. Liébart, Microbiologie : biologie des procaryotes et de leurs virus, 2e éd. Dunod, 2021.