Pour une comparaison de cet ouvrage avec deux autres livres traitant de génomique humaine, Le peuple des humains (Lluis Quintana-Murci, Odile Jacob, 2021) et Comment nous sommes devenus ce que nous sommes (David Reich, Quanto, 2019), voir l'article La génomique humaine, une discipline qui se fait connaître.

La reconstitution de l’histoire des populations humaines s’est longtemps fondée sur l’étude des ossements et des traces d’occupation de nos ancêtres. Cependant, depuis quelques années, les études génétiques apportent tout aussi bien des confirmations que des remises en cause des reconstructions basées sur les données archéologiques et paléontologiques1. Pour retracer l’histoire de l’humanité, l’anthropologie génétique utilise tout aussi bien les informations tirées du séquençage d’individus fossiles que d’individus actuels. En effet, nous portons en nous la trace de nos ancêtres. C’est ainsi qu’en séquençant un grand nombre de génomes actuels, il est possible, à l’aide de modèles d’évolution, de reconstituer l’histoire évolutive des populations humaines, et en particulier de leurs migrations.

La dissémination de l’espèce humaine à travers le globe fait l’objet des deux premières parties de l’ouvrage d’Evelyne Heyer. Tout d’abord, la chercheuse en paléoanthropologie génétique explique que l’origine africaine d’Homo sapiens, en plus d’être attestée par des caractères morphoanatomiques, est validée par les caractères moléculaires. En effet, les séquençages réalisés sur des individus actuels montrent que la diversité génétique est élevée dans les populations africaines alors qu’elle est d’autant plus faible que l’on s’éloigne de ce continent. Cette baisse de la diversité génétique à mesure que l’on s’écarte de l’Afrique s’explique par le goulot d’étranglement qu’a constituée la sortie d’Afrique, réalisée par seulement quelques milliers de Sapiens il y a environ 70 000 ans.

Les séquençages du génome de Neandertal et, plus récemment, de celui de Denisova, ont révélé que toutes les populations non africaines possèdent des séquences d’origine néandertalienne tandis les génomes des populations d’Asie du Sud-Est et d’Océanie portent des traces d’ADN dénisovien. Ainsi les Sapiens, arrivés plus tardivement sur des territoires déjà occupés par Neandertal et Denisova, se sont métissés avec ces populations autochtones.

Dans les trois dernières parties de l’ouvrage, Evelyne Heyer se concentre sur des épisodes de l’histoire humaine plus locaux et récents (de − 10 000 ans à nos jours) : développement de l’agriculture en Europe, évolution de la tolérance au lactose à l’âge adulte, influence de l’expansion mongole sur les populations eurasiatiques, peuplement du Québec… Ces parties auraient probablement pu être plus synthétiques, en préférant un regroupement par thématiques et idées communes, plutôt qu’une approche chronologique.

Autant d’exemples démonstratifs des déductions qu’il est possible de faire des analyses génétiques et paléogénétiques. En effet, ces études permettent, entre autres, d’établir l’histoire des migrations humaines en déterminant la taille des groupes impliqués ainsi que la nature des métissages entre ces groupes2, mais aussi de reconstituer certaines caractéristiques de l’apparence physique de nos ancêtres. C’est ainsi que l’on apprend qu’avant l’arrivée des agriculteurs à la peau claire venant d’Anatolie, les chasseurs-cueilleurs de l’Europe de l’Ouest avaient la peau sombre et les yeux bleus !

Au final, L’odyssée des gènes est un ouvrage très accessible qui permet de cerner tout aussi bien les apports que les limitations des analyses génétiques à la reconstitution de l’histoire des populations de Sapiens3.

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