La consommation de fructose fait aujourd’hui l’objet d’une controverse en ce qui concerne ses effets sur la santé. On trouve ce sucre dans des aliments bruts, comme les fruits (7 g de fructose dans 100 g de pomme, source) ou le miel (39 g de fructose et 31 g de glucose dans 100 g de miel), leurs produits dérivés comme les jus, les confitures ou les sirops, mais aussi sous forme d’ajouts dans les produits alimentaires transformés. Le fructose consommé provient donc du fructose libre (fruits, miel), du saccharose (après hydrolyse en glucose et fructose) ou encore des sirops de glucose-fructose.

Pourquoi utiliser du fructose ?

Le fructose a un pouvoir sucrant relatif d’environ 1,3. Il est supérieur à celui du saccharose, qui compose le sucre en poudre ou en morceaux, et qui correspond au standard de 1. Le glucose, quant à lui, a un pouvoir sucrant plus faible, de 0,7. Le fructose est donc considéré comme « édulcorant intense » et est très utilisé dans la fabrication des sodas, car son pouvoir sucrant est le plus élevé lorsqu’il est en solution acide et à faible température.

Le fructose est également utilisé dans les préparations alimentaires industrielles pour ses propriétés physico-chimiques. Il donne couleur et arôme, contribue à la texture des aliments sucrés (croustillants des biscuits, aération des pâtes à gâteaux, diversité de texture des confiseries), il augmente la durée de vie des confitures, sert de support de cristallisation au beurre de cacao du chocolat, abaisse le point de congélation de l’eau (fabrication de glaces et sorbets), favorise la fermentation des levures en boulangerie…
L’industrie agro-alimentaire utilise essentiellement des sirops de glucose-fructose pour apporter des propriétés particulières aux aliments (maintien de l’hydratation, inhibition du développement microbien, brunissement à la cuisson…), qui dépendent des teneurs relatives du fructose et du glucose.

Ces sirops, ou HFCS (high fructose corn syrup) ont été développés aux États-Unis dans les années 1960. L’amidon extrait du maïs est hydrolysé en glucose par l’α-amylase, qui coupe les chaînes d’amidon en oligosaccharides, et la glucoamylase, qui découpe ces petites chaînes en molécules de glucose. Puis la glucose isomérase convertit une partie de ce glucose en fructose.
Aux États-Unis, les teneurs en fructose des HFCS sont de 42 % (HFCS 42) ou 55 % (HFCS 55). En France, la majorité des sirops de glucose-fructose renferme entre 20 et 30 % de fructose.

La consommation de fructose

C’est le miel, qui, le premier, a été utilisé comme édulcorant. La canne à sucre était connue dès la préhistoire en Asie et a ensuite voyagé avec l’Homme, notamment aux Antilles et en Amérique du Sud, au XVe siècle, lorsque le sucre devint une denrée coloniale à l’origine du commerce triangulaire. À partir du XIXe siècle, la culture de la betterave sucrière se développa en Europe et l’industrialisation permit au sucre raffiné de devenir un produit populaire (voir Alimentarium.org ) .

Initialement utilisé pour sucrer des boissons (café et thé), ce sucre fut introduit dans les préparations culinaires et sa consommation augmenta considérablement (de 1 500 % en Angleterre entre le XVIIIe et XIXe siècle). Aux Etats-Unis elle était de 90 g par jour et par personne en 1970. La consommation de saccharose commença à baisser dans les années 1970, alors que celle des HFCS augmentait. Aux États-Unis la consommation de HFCS était, en 2004, d’environ 20 kg par personne et par an, comme le saccharose.

En France l’apport en fructose moyen par personne est estimé à 42 g par jour. Étant donné qu’il n’existe pas données spécifiques sur les glucides simples ajoutés dans l’alimentation (la moitié des apports totaux en glucides simples), cette consommation de fructose est estimée à partir de la consommation moyenne de sucre.

Estimer la consommation de fructose

À partir d’une consommation moyenne en glucides simples de 100 g par jour, chez l’adulte, de laquelle on déduit 10 g de lactose, on considère que 50 % du sucre, soit 45 g, est naturellement présent dans les aliments et 50 %, soit 45 g également, correspond à des sucres ajoutés. Le sucre naturellement présent est estimé renfermer 50 % de fructose, soit 22 g. Le sucre ajouté est, pour 80 %, du saccharose, dont la moitié est du fructose, soit 18 g, et pour 20 % du sirop de glucose-fructose dont 20 % est du fructose, soit 2 g. Le total de fructose ingéré par jour est donc estimé à 22 g + 18 g +2 g, soit 42 g par jour (source : État des lieux du fructose, 2014 ).

La consommation de fructose se répartit en : 22 g présents dans les fruits et le miel, 18 g provenant du saccharose et 2 g provenant des sirops de glucose-fructose ajoutés industriellement aux aliments. Chez les plus grands consommateurs de glucides simples, la consommation de fructose est estimée à 77 g par jour (source: État des lieux du fructose, 2014).

Le traitement spécifique du fructose par l’organisme

Deux hexoses différents

Fructose et glucose sont deux isomères : ces molécules ont la même formule brute, C6H12O6, mais présentent des configurations spatiales différentes. Le fructose diffère du glucose par la présence d’une fonction cétone (R-CO-R) en position 2, à la place d’une fonction aldéhyde (R-CO-H) en position 1, de la chaîne carbonée (C de droite sur les cycles ci-dessous).

Fructose et glucose

Fructose (à gauche) sous sa forme la plus courante: α-D-fructopyranose, et glucose (à droite) sous sa forme la plus courante : β-D-glucopyranose

Auteur(s)/Autrice(s) : NEUROtiker Licence : Domaine public Source : Wikipédia

Métabolisme spécifique du fructose

Au niveau intestinal

Le fructose présent dans l’intestin, quelle que soit son origine alimentaire, est absorbé selon un processus différent du glucose qui, contrairement à ce dernier, ne fait pas intervenir d’hydrolyse de l’ATP et est indépendant de l’absorption de sodium (voir Transporteurs de glucose au niveau de l’entérocyte ).

Le fructose est transporté dans l’entérocyte par diffusion facilitée à travers la membrane apicale, grâce à un transporteur spécifique du fructose, GLUT5. Une fois dans l’entérocyte, le fructose passe par diffusion facilitée vers les capillaires sanguins grâce à un autre transporteur, GLUT2. Celui-ci, situé au pôle basal de l’entérocyte, présente une plus faible affinité pour le fructose que GLUT5 et est également capable de prendre en charge le glucose (source).

Comparée à celle du glucose, l’absorption intestinale du fructose apparaît relativement limitée, et est influencée par de nombreux facteurs. Il existe notamment des variations individuelles (les personnes absorbant faiblement le fructose sont sujettes à diarrhées et flatulence), des variations liées à l’âge (diminution de cette absorption avec le vieillissement), ou à l’environnement (chez les rats, la synthèse de GLUT5, faible avant le sevrage, peut être augmentée par absorption de fructose ; de plus, une alimentation riche en acides gras saturés augmente l’absorption de fructose).

Une fois dans l’entérocyte, le fructose est en partie converti en lactate qui passe dans le sang portal. Cette conversion représente 12 % du fructose absorbé, contre 2 % du glucose absorbé.

Chez le hamster, une alimentation riche en fructose entraîne, par conversion du fructose en acides gras dans l’entérocyte, une augmentation du taux sanguin de triglycérides (effet connu chez le rat depuis les années 1970), qui circulent sous forme de chylomicrons.

Au niveau hépatique

Après son absorption par l’intestin, le fructose présent dans le sang portal est entièrement prélevé par le foie en un seul passage. Il y est ensuite rapidement converti en fructose-1P grâce à une enzyme spécifique du fructose, la fructokinase.

Les personnes déficientes en cette enzyme présentent du fructose dans les urines (fructosurie), indiquant qu’aucun autre organe que le foie n’intervient de façon notable dans le métabolisme du fructose. Après une ingestion de fructose on ne note qu’une très faible augmentation de sa concentration dans la circulation générale (quelques micromoles par litre). Même si d’autres tissus que le foie, comme le rein et le tissu adipeux, possèdent des transporteurs GLUT5 (dont le rôle, dans ces types cellulaires, n’est pas connu), aucun autre tissu que le foie n’exprime l’enzyme fructokinase.

Si le fructose et le glucose entrent dans l’hépatocyte grâce aux mêmes transporteurs GLUT2, la suite de leur métabolisme diffère totalement, car ils sont alors pris en charge par des enzymes spécifiques différentes. Le métabolisme hépatique du fructose commence par sa phosphorylation en fructose-1-P grâce à la fructokinase, alors que le glucose est phosphorylé en glucose-6-P par la glucokinase (ou hexokinase IV, enzyme spécifique du glucose que l’on trouve aussi dans les îlots de Langerhans).

Le glucose-6-P est ensuite transformé en fructose-6-P, lequel est métabolisé en fructose-1,6-biP (fructose-1,6-biphosphate) par la phosphofructokinase, puis clivé en deux trioses-phosphates, dont l’un, le glycéraldéhyde-3-P, donnera le pyruvate, source d’acétyl-coA (et de citrate) et donc, via le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire, d’ATP. La conversion du glucose en pyruvate (la glycolyse) est une voie métabolique régulée positivement par l’insuline (qui stimule l’expression du gène de la glucokinase) et négativement par le rétrocontôle inhibiteur exercé par le citrate et l’ATP (c’est-à-dire l’état énergétique de l’hépatocyte), sur la phosphofructokinase, l’enzyme qui catalyse la transformation du fructose-6-P en fructose-1,6-biP.

La transformation du fructose en trioses-phosphates se produit indépendamment de l’insuline et se produit rapidement, à la fois grâce à la grande affinité de la fructokinase pour le fructose et à l’absence de rétrocontrôle négatif. En effet le fructose entre dans la glycolyse au niveau des trioses-phosphates (dihydroxyacétone-phosphate et glycéraldéhyde-3-phosphate), « contournant » ainsi le point de contrôle essentiel de la glycolyse, c’est-à-dire l’inhibition exercée par l’ATP et le citrate sur la phosphofructokinase.

Le métabolisme du fructose peut ainsi constituer une source « illimitée », non régulée, de glycérol-3-phosphate et d’acétyl-coA pour la lipogenèse hépatique.

Utilisation du fructose et du glucose dans le foie

Le métabolisme du fructose commence par sa phosphorylation par la fructokinase.
Le carbone du fructose entre dans la glycolyse au niveau des trioses-phosphates.

Auteur(s)/Autrice(s) : Keim, Stern, Teff, Havel Licence : CC-BY-SA Source : Researchgate

Une partie des trioses-phosphates provenant du fructose est transformée en pyruvate et entre dans le cycle de Krebs, une autre partie est transformée en lactate. Mais la majorité des trioses-phosphates issus du fructose est convertie en glucose, qui peut participer à la synthèse de glycogène dans le foie ou être largué dans la circulation générale.

Il est à noter que la forte teneur en fructose-1P dans l’hépatocyte, qui suit une ingestion de fructose, peut agir sur le taux de glucose hépatique. En effet le fructose-1P est un antagoniste d’une protéine régulant la glucokinase, enzyme qui catalyse la transformation du glucose en glucose-6P mais est également impliquée dans l’inhibition du relargage de glucose dans le sang, en cas d’hyperglycémie dans le sang portal. Ainsi activée par cette inhibition de sa protéine inhibitrice, la glucokinase retient davantage de glucose dans l’hépatocyte. L’ajout d’une petite dose de fructose (dose dite « catalytique ») à un plat riche en glucose, peut donc encore augmenter le taux de glucose hépatique.

Devenir du fructose ingéré chez un sujet sain

Chez le sujet sain, après une ingestion de fructose, les taux plasmatiques de glucose et d’insuline ne changent que faiblement et le taux de fructose s’élève de 50 à 500 micromoles par litre de sang. On note cependant une forte élévation de l’oxydation des glucides.

Les études ayant utilisé du fructose marqué avec du 13C indiquent que la quasi-totalité d’une charge orale de fructose (1,33 mmol.kg-1.h-1 pendant 3 h, source) est métabolisée au niveau splanchnique (dans le foie essentiellement mais aussi l’intestin). Environ 50 % passent dans la circulation sanguine sous forme de glucose, 25 % sous forme de lactate et environ 15 % sont stockés sous forme de glycogène hépatique. Les 10 % restant sont utilisés pour la production d’ATP dans les tissus splanchniques ou participent à une lipogenèse hépatique.

Des données in vitro ont montré que le lactate (plutôt que les trioses-phosphates) est un précurseur lipogénique et que l’activation de la pyruvate-deshydrogénase par un régime riche en fructose est une étape essentielle de cette lipogénèse. On note aussi, dans le sang circulant, une disparition des acides gras non estérifiés, ce qui indique une inhibition de la lipolyse dans le tissu adipeux. Celle-ci pourrait être due à la faible élévation du taux d’insuline observée après ingestion de fructose, eu égard à la forte sensibilité des adipocytes à cette hormone, ou au taux important de lactate.

L’administration de fructose, comme de glucose, augmente la dépense énergétique mais l’effet thermique du fructose est plus élevé que celui dû au glucose, qu’il s’agisse de fructose seul ou de fructose ajouté à un repas. Cette augmentation du métabolisme de base s’explique par le fort besoin en ATP demandé par la néoglucogénèse et la néolipogénèse induites par le fructose.

Devenir d'une charge orale de fructose chez le sujet sain au repos

VLDL = Very Low Density Lipoprotein, lipoprotéine de très faible densité
TG = triglycéride

Auteur(s)/Autrice(s) : Tran, Tappy Licence : CC-BY-SA Source : Revue médicale suisse

Utilisation du fructose chez les personnes diabétiques

Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses études ont démontré une relation entre, d’une part, une consommation élevée d’aliments riches en glucides à haut index glycémique (ou IG) ou une forte charge glycémique (CG=IG x quantité de glucides) et, d’autre part, le risque de diabète, d’obésité et de maladies cardiovasculaires (K. Berneis et U. Keller, La signification de l’index glycémique des aliments contenant des hydrates de carbone).

Dans ce contexte, le fructose présente deux caractéristiques qui en font un édulcorant d’intérêt pour les personnes diabétiques :

  • l’index glycémique du fructose est très bas comparé à celui du glucose. Il est de 19 contre 100, par définition, pour le glucose, et ne fait donc pas trop monter le taux de glucose dans le sang après son ingestion.
  • il ne nécessite pas l’intervention de l’insuline, ni pour son transport dans la cellule hépatique, ni pour les étapes initiales de son métabolisme hépatique.

L'index glycémique

L’IG ou index glycémique est une mesure qui évalue le taux d’absorption du glucose contenu dans les aliments. Pour le mesurer on donne à une personne un aliment contenant 50 g de glucides et on mesure sa glycémie toutes les demi-heures pendant 3 h. La courbe de glycémie est alors comparée à celle obtenue avec un aliment de référence, généralement du glucose ou du pain blanc (source). Il existe une forte variabilité individuelle et cet IG dépend également du mode de préparation de l’aliment (cuisson, mise en purée, etc). Enfin, l’association avec des protéines ou/et fibres, notamment, retarde la digestion de l’aliment et fait baisser son index glycémique.

Le fructose, une fois administré à des patients diabétiques, ne produit que de faibles augmentations de la glycémie et du taux d’insuline plasmatique, comparé à ce qu’aurait engendré le glucose, mais l’élévation plasmatique du taux d’insuline est cependant plus marquée que chez des sujets non diabétiques.
L’augmentation de l’oxydation des glucides et de la néoglucogenèse, due à une ingestion de fructose, est, chez des sujets diabétiques, identique à celle de sujets sains.
L’augmentation de la thermogenèse due au fructose chez un sujet diabétique est la même que chez un sujet sain alors que celle qui suit l’ingestion de glucose est affaiblie. Ceci s’explique par le fait que, chez des personnes insulinorésistantes, le métabolisme cellulaire du glucose est amoindri, conduisant à une thermogenèse par apport de glucose plus faible que la normale, alors que le métabolisme hépatique du fructose n’est pas affecté.

Des études sur le long terme, consistant, chez des patients diabétiques, à fournir une partie de l’apport en glucides sous forme de fructose, ont donné des résultats manquant d’homogénéité (notamment à cause de la diversité des protocoles), seule la moitié d’entre elles notent une baisse significative de la glycémie. Ces études ont également montré que le fructose était associé à une élévation significative des triglycérides plasmatiques et une baisse du HDL-cholestérol.

Utilisation du fructose chez le sportif

Les boissons énergétiques ont pour but d’éviter une baisse de glycémie et d’amener un supplément de glucose aux muscles fournissant un effort. Dans le cas d’un apport exogène de glucose seul, administré sous forme de boisson, le métabolisme musculaire du glucose ne dépasse pas 1,1 g/min, vraisemblablement à cause de la saturation des transporteurs au niveau intestinal. Mais si la boisson contient un mélange de glucose et fructose, l’oxydation des glucides par l’organisme peut augmenter de 40 %, ceci étant dû à la mise en jeu de transports et de métabolismes différents pour ces deux oses, hépatique pour le fructose et musculaire pour le glucose. Il a également été signalé que le fructose, à dose modérée, diminuait la sensation de fatigue et permettait une augmentation des performances physiques.

Par ailleurs, si les effets du fructose sur l’appétit restent controversés, celui-ci entraînerait une sensation de satiété inférieure à celle fournie par le glucose, notamment parce qu’il a un faible index glycémique et que l’hyperglycémie joue normalement un effet important dans la sensation de satiété. De plus, après une ingestion de plats contenant du fructose, la diminution du taux de la ghréline, une hormone responsable d’une stimulation de l’appétit, est moins forte qu’après ingestion de glucose. L’élévation du taux de leptine (« hormone de la satiété ») est également moins forte. Le fructose serait donc moins efficace que le glucose pour arrêter la prise d’aliments. Il a même été montré que l’absorption de fortes quantités de fructose chez le rat entraînait une résistance hépatique à la leptine. Or comme cette hormone entraîne normalement un catabolisme des graisses hépatiques, l’ingestion de quantités importantes de fructose favorise la stéatose hépatique (voir plus loin). Un modèle animal de résistance à la leptine montre la présence de dépôts de triglycérides dans le foie mais aussi les muscles, le cœur ou les îlots de Langerhans (source).

Effets à long terme du fructose

Différentes influences délétères du fructose sur le métabolisme ont été expérimentalement démontrées.

Fructose et dyslipidémie

Chez le sujet sain et le sujet diabétique, un régime riche en fructose, pendant plus d’une semaine, entraîne une augmentation du taux de triglycérides totaux et sous forme de VLDL. Cela s’explique par la forte synthèse de trioses-phosphates, précurseurs d’acides gras, qu’induit le fructose. Par ailleurs, ce sucre stimule l’expression du facteur de transcription SREBP-1c, inducteur de l’expression d’enzymes de la lipogénèse dans le foie (effet indépendant de l’insulinémie). Le fructose active également une protéine se liant à des facteurs de transcription (ChREBP), amplifiant ainsi l’expression d’enzymes hépatiques telles que l’acide gras synthase et l’acétyl-CoA carboxylase.
L’effet hyperlipidémiant du fructose est établi, une méta-analyse ayant montré qu’une ingestion de plus de 50 g de fructose par jour (ce qui est proche de la moyenne aux États-Unis) entraîne une augmentation des triglycérides sanguins après les repas, et qu’une prise de plus de 100 g de fructose par jour entraîne une augmentation des triglycérides à jeun.

Fructose et dépôt de lipides dans le foie

Au-delà de ces modifications des taux de lipides sanguins, le fructose provoque le dépôt de graisses ectopiques, c’est-à-dire en dehors des adipocytes, notamment dans le foie (stéatose hépatique) et les muscles. Chez le rat, cet effet d’un régime riche en fructose est visible en une semaine. Chez l’homme sain, l’apport de 1,5 g de fructose par kilogramme et par jour (soit environ 2 litres de soda par jour) ne modifie pas le taux de graisse dans le foie et le muscle, mais l’administration du double de cette dose pendant une semaine provoque une augmentation significative de la quantité de graisse dans ces organes.

Fructose et résistance à l’insuline

Chez les rats nourris avec une alimentation riche en fructose on observe rapidement une augmentation des triglycérides hépatiques, puis une résistance à l’insuline, d’abord hépatique puis, au bout de 5 semaines, de l’organisme entier.

Chez l’homme, depuis les années 1960, on sait que la résistance à l’insuline est liée à une dyslipidémie. Les sujets résistants à l’insuline présentent des dépôts ectopiques de lipides qui peuvent fournir des dérivés métaboliques toxiques (diacyl-glycérol, acides gras-acylCoA, céramides) responsables d’une modification de la signalisation intracellulaire de l’insuline. Par exemple, la phosphorylation de IRS-1, insulin-receptor-substrate-1 diminue la la réponse hépatique à cette hormone.

Il a également été montré que le fructose entraîne, dans l’hépatocyte du rat, une réponse de stress impliquant l’activation de la kinase JNK. Le fait de fournir le fructose sous forme de miel, riche en anti-oxydants, prévient à la fois l’apparition de ce stress et la diminution de la sensibilité à l’insuline.

Fructose et acide urique

Une hyperuricémie est directement liée à l’apparition de maladies comme la goutte ou les calculs rénaux. Il a souvent été noté, dans des études portant sur des régimes riches en fructose, une élévation du taux d’acide urique dans le sang. Une charge en fructose entraîne, en effet, dans le foie, une forte consommation d’ATP lors de sa transformation en fructose-1P et donc une forte augmentation en AMP, conduisant à la synthèse d’acide urique.

Fructose et hypertension

Des études chez l’animal ont montré qu’un régime riche en fructose entraîne le développement d’une hypertension. Différents mécanismes ont été invoqués pour l’expliquer : l’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie qui s’ensuit, une augmentation de l’activité du système nerveux orthosympathique possiblement lié à une hyperinsulinémie, tout comme une augmentation de la réabsorption de sodium par le rein (chez le rat une alimentation riche en fructose augmente la production des transporteurs du sodium et du chlore, voir V. Klein et H. Kiat, The mechanisms underlying fructose-induced hypertension : a review). Enfin les trioses-phosphates dérivant du fructose peuvent être convertis en méthylglyoxal, un aldéhyde très réactif qui peut notamment modifier le fonctionnement des canaux calciques de type L, augmentant ainsi la concentration intracellulaire de calcium dans les muscles lisses, et donc leur tonus.

Une analyse portant sur 4500 personnes consommant spontanément une quantité importante de fructose (de l’ordre de 75 g de fructose par jour, équivalent à deux canettes et demi de soda) a montré une relation avec une valeur moyenne élevée de la pression sanguine (voir D. I. Jalal, G. Smits, R. J. Johnson et M. Chondrol, Increased Fructose Associates with Elevated Blood Pressure). Cependant, dans une étude interventionnelle consistant, chez l’homme sain, en une suralimentation de 30 % des apports énergétiques sous forme de fructose, il n’a pas été observé d’hypertension. D’autres données doivent donc être acquises dans ce domaine.

Comparaison effets du fructose/ effets du glucose

Une supplémentation de 30 % des besoins énergétiques, apportée sous forme de glucose ou fructose, à des femmes en surpoids, a abouti à la même prise de poids. Cependant, le fructose a entraîné une plus forte élévation postprandiale des triglycérides et des LDL, une élévation de la lipogénèse hépatique et une diminution de la sensibilité à l’insuline.

Influence de la forme alimentaire du fructose

Le fructose total mesuré dans les études épidémiologiques peut avoir différentes origines : fructose simple ajouté à l’alimentation, fructose simple consommé avec du glucose (ratio proche de 1) sous forme de sirops de glucose-fructose (HFCS), ou fructose associé au glucose sous forme d’un diose, le saccharose, dans le sucre.

Les effets des HFCS semblent similaires à ceux du fructose seul ; même réponse des hépatocytes, même élévation des triglycérides plasmatiques.

Chez des femmes saines et volontaires, les HFCS et le saccharose (comparaison entre glucose-fructose liés et glucose fructose libres) produisent les mêmes effets sur les taux de glucose, d’insuline, de ghréline et de leptine.

En l’état actuel des connaissances, les effets du fructose semblent identiques quelle que soit la forme moléculaire sous laquelle il se trouve dans l’alimentation.

Implication du fructose dans les maladies métaboliques

Dès 2007, l’étude épidémiologique « Framingham Heart Study », réalisée sur plus de 6000 personnes, montrait que la consommation de plus d’une canette de boisson sucrée par jour était significativement associée à la prévalence (nombre de cas existants) du syndrome métabolique. De plus, chez des sujets sains, cette consommation de boisson sucrée augmente le risque de voir ce syndrome se développer (augmentation du nombre de nouveaux cas ou incidence).

Le syndrome métabolique

Le syndrome métabolique est défini par la présence d’au moins trois caractéristiques cliniques parmi les suivantes : une hypertension artérielle, un tour de taille supérieur à 35 inches (89 cm) pour les femmes et 40 inches pour les hommes (101,5 cm), une hyperglycémie à jeun (>100 mg.dl-1) ainsi qu’un taux élevé de triglycérides (> 150 mg.dl-1) et faible de cholestérol-HDL à jeun (<40 mg.dl -1 pour les hommes et <50 mg.dl-1 pour les femmes), source.

Dans une étude suisse effectuée sur 74 enfants âgés de 6 à 14 ans, il a été montré que les enfants en surpoids avait un apport en fructose similaire à celui d’enfants de poids normal mais consommaient un pourcentage plus élevé de bonbons et de boisson sucrées. Dans cette population la prise de fructose était associée à une augmentation de la concentration en lipoprotéines de faible densité (LDL, connues pour être liées à un fort risque d’athérosclérose).

La relation entre prise de boissons sucrées et maladies coronaires a finalement été démontrée par l’étude Nurse Health Study portant sur 88 520 femmes, une grande partie de la relation reposant sur l’influence de la masse corporelle. L’hypothèse de l’influence de la surcharge pondérale elle-même sur l’incidence du risque cardiovasculaire a donc été envisagée, mais cette association reste significative après ajustement des résultats en fonction du poids, et peut avoir pour origine : soit le fort index glycémique soit la teneur élevée en fructose de ces boissons sucrées.

Perspectives dans le domaine de la santé publique

À ce jour les études épidémiologiques ne donnent que des résultats incomplets et parfois discordants, sur les relations entre l’apport de fructose et les maladies métaboliques et cardiovasculaires, du fait notamment de l’imprécision des données sur les différentes formes de glucides consommées.

Des études interventionnelles à court terme suggèrent néanmoins que des apports importants de fructose, sous forme de boissons sucrées, de jus ou de pâtisseries peuvent augmenter le risque de développer ce type de maladie. Le fructose, à dose élevée, entraîne trois effets principaux, pouvant tous conduire, in fine, à des maladies cardiovasculaires (hypertension, athérosclérose…)

  • augmentation de l’apport en calories pouvant conduire à l’obésité, puis à l’insulinorésistance, au diabète et enfin aux maladies cardiovasculaires
  • insulinorésistance
  • dyslipidémie

Au vu des connaissances actuelles, même si rien ne montre qu’un apport modéré de fructose, libre ou sous forme de fruits (dont les fibres limitent l’absorption intestinale) ou de miel, puisse avoir des effets nocifs, il semble cependant important :

  • de veiller à ce que l’apport de fructose dans les aliments, notamment sous forme de sirops de glucose-fructose, n’augmente pas par rapport aux valeurs actuelles (voir les Recommandations de l’AFSSA , Agence française de sécurité sanitaire des aliments).
  • de tenir compte des apports de fructose dans le suivi médical de patients diabétiques ou en surpoids
  • d’informer les consommateurs, en particulier le jeune public, sur le risque encouru par une consommation excessive de fructose, notamment sous forme de boissons sucrées (en visant une consommation maximale de 50 g par jour).
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