Cet article présente les différents types d'études épidémiologiques et explique, à partir d'exemples concrets, les modalités d'expression des résultats de ces études (prévalence, incidence, odds ratio, risque relatif).
Il précise ce qu'on appelle « niveau de preuve » en médecine et hiérarchise ces différentes études en fonction de ce critère.
Selon l’Académie de médecine, l’épidémiologie est « l’étude de la fréquence, de la répartition géographique, du mode de transmission ou d’apparition des maladies ainsi que des facteurs susceptibles de favoriser leur apparition ou de modifier leur évolution » 1.
L’épidémiologie est une science fondamentale qui a contribué fortement à l’amélioration de l’état de santé des populations. Elle est notamment indispensable à l’identification, la cartographie et la lutte contre les maladies émergentes.
Les études réalisées en épidémiologie peuvent être expérimentales (études d'intervention) ou non (études observationnelles).
Les études observationnelles
Les enquêtes d’observation peuvent être de trois types : études descriptives, étude de cohorte et étude cas-témoins2.
Les études descriptives
Le principe
Les études transversales permettent d’observer l’état de santé d’une population à un « instant » donné. Elles permettent d’observer la fréquence de survenue d’un phénomène de santé, dans une population, à un moment précis. Les informations sont recueillies sur une période brève et fournissent un indicateur statique de morbidité : la prévalence.
Les études longitudinales permettent de suivre la fréquence de ce phénomène de santé au cours du temps et fournissent un indicateur dynamique de morbidité : l’incidence.
Expression des résultats
L’état de santé de la population peut se mesurer via la prévalence et l’incidence des cas de morbidité.
La prévalence correspond au nombre de cas d’une maladie dans une population à un instant t rapporté à l’effectif de la population à cet instant t (Tableau 1, 3).
Statut vis-à-vis du tabac et de la cigarette électronique |
Total |
|
N |
% |
|
Fumeurs de tabac |
|
|
Non-utilisateurs de cigarettes électroniques |
2 627 |
10,9 |
Utilisateurs de cigarettes électroniques |
475 |
2,0 |
% d’utilisateurs de cigarettes électroniques parmi les fumeurs |
|
15,3 |
Ex-fumeurs de tabac |
|
|
Non-utilisateurs de cigarettes électroniques |
8 568 |
35,5 |
Utilisateurs de cigarettes électroniques |
251 |
1,0 |
% d’utilisateurs de cigarettes électroniques parmi les ex-fumeurs |
|
2,8 |
Non-fumeurs de tabac |
|
|
Non-utilisateurs de cigarettes électroniques |
10 208 |
42,3 |
Utilisateurs de cigarettes électroniques |
11 |
0,0 |
% d’utilisateurs de cigarettes électroniques parmi les non-fumeurs |
|
0,0 |
Statut inconnu |
2 017 |
8,3 |
Total |
24 157 |
100,0 |
L’incidence correspond, quant à elle, au nombre de nouveaux cas dans la population pendant la période T, rapporté à l’effectif de cette population. Les études d’incidence nécessitent de suivre une population sur une période de temps définie (étude longitudinale).
Les avantages et les limites
Les études descriptives peuvent être réalisées relativement simplement et donnent des informations sur l’état de santé d’une population. Cependant, elles ne permettent pas de suivre les patients et ne fournissent pas d’information sur l’origine de la pathologie.
Pour aller plus loin dans la détermination de l’étiologie d’une maladie, les épidémiologistes peuvent essayer de vérifier des hypothèses de relation entre une maladie et sa ou ses cause(s) supposée(s). La vérification épidémiologique vise à estimer le risque d’une population exposée à un facteur de développer une maladie, par rapport à une population non exposée. Ce sont des études analytiques qui permettent d’évaluer ce risque et d’établir un lien probable entre exposition et pathologie. Il en existe deux types :
- les études de cohortes ;
- les études cas-témoins.
Les études de cohortes de type « exposés / non-exposés »
Les études de cohortes consistent à suivre une population dans le temps. En particulier, les études de type « exposés / non-exposés » visent à observer la survenue ou non d’une pathologie en fonction d’un facteur d’exposition. Elles permettent de définir l’effet de l’exposition, et d’estimer le risque qu’une personne développe la maladie si elle est confrontée à cette exposition.
Le principe
La population étudiée est constituée d’individus exempts de la maladie étudiée. Elle est divisée en deux groupes : celui des individus exposés au facteur de risque étudié et celui des individus non exposés.
Après une certaine durée, pouvant aller jusqu’à plusieurs années, le nombre de malades et de non malades est déterminé dans chacun des deux groupes.
De nombreuses études de cohorte ont également été faites de façon rétrospective, a posteriori, sur des facteurs tels qu’un type d’environnement de travail ou la prise d’un médicament à une époque de la vie (par exemple la prise d'œstrogène chez la mère pendant la vie fœtale).
L’expression du résultat
Le résultat s’exprime sous la forme d’un risque relatif lié à la présence du facteur. C’est le rapport entre la fréquence de la maladie dans le groupe exposé au facteur de risque et la fréquence de la maladie dans le groupe non exposé.
|
Individus malades |
Individus non malades |
Individus exposés au facteur de risque |
a |
b |
Individus non exposés au facteur de risque |
c |
d |
Risque relatif RR = [a/(a+b)] / [c/(c+d)]
Pour donner un exemple concret de calcul de risque relatif, prenons les résultats d’une étude de cohorte portant sur l’effet de l’exposition au tabac sur la mortalité 1. Cet article s’appuie sur les données du National Health Interview Survey. Il s'agit d'une enquête annuelle menée auprès d’un échantillon représentatif de la population américaine. Les participants avaient entre 50 et 74 ans au moment de l’entrée dans l’étude, entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2003. Les décès ont été comptabilisés jusqu’au 31 décembre 2006.
Nombre de décès (pour mille individus) | Hommes 1997-2006 | Femmes 1997-2006 |
---|---|---|
Non fumeurs, taux de mortalité pour 1000 | 12,1 | 9,1 |
Fumeurs, taux de mortalité pour 1000 | 37,7 | 23,0 |
Risque relatif | 3,12 | 2,53 |
Taille de l’échantillon | 23 792 | 30 675 |
Dans le cas des hommes, le risque relatif de mourir si l’on fume est de 3,12 (37,7/12,1). Autrement dit, un homme fumeur âgé de 50 à 74 ans au moment de l'entrée dans l'étude avait 3,12 fois plus de risque de mourir durant la période de dix ans de l'étude qu’un homme qui ne fumait pas.
Les avantages et limites
Contrairement aux études d’incidence, ces suivis de cohortes permettent de tenir compte d’un ou plusieurs facteurs d’exposition et d’établir une relation entre ces derniers et une pathologie donnée. Par ailleurs, il est possible de s’intéresser à plusieurs maladies au sein d’une même cohorte.
Comme les études de cohortes se déroulent sur plusieurs années et nécessitent d’interroger et, éventuellement, de faire réaliser des bilans biologiques (analyse de sang, d’urine…) aux sujets de l’étude, elles sont longues et coûteuses. De plus, il n’est pas possible d’exposer « volontairement » une population à un facteur de risque ; il faut que les individus soient « naturellement » exposés à ce facteur de risque. Si celui-ci touche peu d’individus, il faut alors suivre des populations aux effectifs nombreux pour pouvoir étudier l’influence de ce facteur. Dans le cas de maladies telles que certains cancers rares, cela implique que la population étudiée contienne un nombre suffisamment important d’individus pour que des cas de ces cancers soient détectés dans les populations exposées et non exposées. Par exemple si on considère que l’incidence du cancer étudié est de 1/1000 et que l’on veut compter au moins 5 nouveaux cas de ce cancer dans la population témoin en 1 an, il faudra que celle-ci renferme plus de 5000 individus. Les études de cohortes ne sont donc pas adaptées à la détermination des causes de pathologies très rares.
Les études de cohortes peuvent s’étendre sur plusieurs années afin de déterminer les facteurs de risque de maladies mettant plusieurs années à se déclarer (cancers, maladies cardiovasculaires…). Cependant, cela pose alors le problème des « perdus de vue » (des sujets initialement inclus dans l’étude mais qui deviennent injoignables). Enfin, ces études peuvent présenter, en cas de faible taille de l’échantillon, un « pouvoir statistique faible ».
L'intervalle de confiance associé aux résultats des études épidémiologiques
La plupart des indicateurs épidémiologiques ne sont pas connus à travers leur valeur réelle, mais estimés à partir d’études faites sur un échantillon de population.
Pour reprendre l’exemple présenté dans le tableau ci-dessus, le taux de mortalité de 12,1 pour 1000 pour les hommes non fumeurs sur la période 1997-2006 ne correspond pas au taux de mortalité de l’ensemble des hommes non fumeurs du monde (ni même américains), mais seulement au taux de mortalité calculé pour les 23 792 personnes suivies dans la cohorte. Si d’autres études avaient été réalisées dans les mêmes conditions, mais avec des échantillons de population différents, le taux de mortalité obtenu aurait pu être différent (par exemple 11,5 pour 1000 ou 12,3 pour 1000…). Il est possible de calculer un intervalle de valeurs dans lequel se situe, avec une certitude de 95 %, la valeur réelle (c’est-à-dire pour l’ensemble de la population et non juste pour un échantillon). Il s’agit de l’intervalle de confiance à 95 %1. Les deux valeurs qui définissent l’intervalle s’appellent les limites de confiance. L’intervalle fournit la fourchette de valeurs à l’intérieur de laquelle il est certain à 95 % de trouver la valeur étudiée pour la population considérée.
Reprenons l'exemple de l'étude épidémiologie présentée au tableau 2. L'article d'origine nous informe que l'intervalle de confiance associé au taux de mortalité de 9,1 pour 1000 chez les non fumeuses est [8,5 – 9,7]. Cela signifie que la valeur réelle du taux de mortalité, pour l'ensemble de la population, se situe, avec une probabilité de 95 % (ou, autrement dit, avec un risque d’erreur de 5%), entre 8,5 et 9,7 pour 1000.
Les études cas-témoins
Comme les études de cohortes, les enquêtes cas–témoin cherchent aussi à mettre en évidence un lien entre exposition et pathologie, mais contrairement à celles-ci, plusieurs facteurs d’exposition et une seule pathologie sont étudiés.
Le principe
Dans ce type d’étude, le choix de la population est fait sur la base de la maladie elle-même ; on part d’une population de malades pour étudier un ou plusieurs facteur(s) potentiellement en cause. On apparie donc, à la population de malades, une population témoin ayant les mêmes caractéristiques générales que la population atteinte, à l’exception de la maladie étudiée.
Les deux groupes des malades et des témoins non malades sont étudiés grâce à des questionnaires et des données biologiques. L’objectif est d’analyser un certain nombre de caractéristiques qui ont pu potentiellement influencer la survenue de cette maladie.
Ces études sont adaptées s’il existe déjà des soupçons quant à un facteur de risque, si la maladie est rare ou s’il existe un temps très long entre l’exposition au risque et la survenue de la maladie (ce qui rendrait une étude de cohorte trop longue et coûteuse).
L’expression du résultat
Puisque la population témoin ne renferme pas de malades, il est impossible d’y définir un « taux d’évènements indésirables » et donc impossible de calculer un risque relatif dans ce cas.
La relation entre le facteur (l’exposition) et la maladie peut alors être exprimée par un odds ratio (ou rapport des cotes). L’odd, ou la cote, d’évènements indésirables dans un groupe donné, correspond au nombre de patients qui présentent l’évènement (qui sont malades) par rapport au nombre de patients qui ne le présentent pas (ne sont pas malades). Par exemple un odd de 0,25 correspond au rapport 1/4, c’est-à-dire au cas où une personne présente l’évènement et quatre ne le présentent pas.
L’odd peut aussi être calculé à partir de la fréquence « r » de l’évènement dans le groupe exposé et le non exposé. L’odd correspond alors à r/1-r.
|
Individus malades (cas) |
Individus non malades (témoins) |
Individus exposés au facteur |
a |
b |
Individus non exposés au facteur |
c |
d |
Avec le nombre d’individus dans chaque groupe, exposé ou non, l’odds ratio de l’évènement peut être calculé de deux façons :
-
soit en comparant l’odd d’évènements indésirables (maladie) dans le groupe exposé au facteur à celui du groupe non exposé
Odd du groupe exposé = a/b et odd du groupe non exposé = c/d
Odds ratio d’évènements = (a/b) / (c/d) -
soit en comparant les odds d’exposition au risque dans le groupe évènements (individus malades) et dans le groupe non évènements (individus non malades = témoins).
Odd d’exposition dans le groupe malade = a/c et odd d’exposition dans le groupe non malade = b/d
Odds ratio d’exposition = (a/c) / (b/d)
Les deux méthodes amènent au même résultat, qui sera supérieur à 1 lorsque l’exposition est nocive et inférieure à 1 s’il s’agit d’une exposition bénéfique, qui prévient la maladie…
|
Consommation d’alcool (verres/semaine) |
|
|
Entre 0 et 20 |
Entre 21 et 48 |
Groupe des cas : cancer de la bouche |
|
|
Non fumeurs |
3 |
5 = c |
Fumeurs |
|
|
1-14 cigarettes/jour |
2 |
6 |
15-24 cigarettes/jour |
4 |
28 |
≥ 25 cigarettes/jour |
4 |
12 = a |
Groupe témoin : pas de cancer |
|
|
Non fumeurs |
193 |
119 = d |
Fumeurs |
|
|
1-14 cigarettes/jour |
62 |
49 |
15-24 cigarettes/jour |
78 |
65 |
≥ 25 cigarettes/jour |
41 |
27 = b |
D’après les résultats de l'étude présentée au Tableau 3 1, il est possible, entre autres, de calculer l’odds ratio entre l’exposition au tabac (à raison de plus de 25 cigarettes par jour) et la survenue d’un cancer de la bouche (chez des consommateurs de 21 à 48 verres par semaine). Dans ce cas, et quel que soit le mode de calcul (a/b)/(c/d) ou (a/c)/(b/d), on trouve que le rapport de côtes est de 11. Ce rapport des cotes n’est « que » de 6,3 chez les personnes consommant moins de 20 verres par semaine.
La distinction entre risque relatif et odds ratio
Le risque relatif porte sur un nombre d’individus malades par rapport au nombre total d’individus.
L’odds ratio porte sur un nombre d’individus malades par rapport au nombre d’individus non malades. Il est à noter que lorsque les risques relatifs sont faibles, les odds ratio sont à peu près égaux aux risques relatifs.
Les avantages et limites
Ces études cas-témoin sont moins chères et plus rapides que les études de cohorte. Le nombre de sujets nécessaires pour une étude cas-témoins est bien moindre que pour une étude de cohorte.
Cependant la critique majeure est que les études cas-témoins font appel aux souvenirs des individus pour connaître leurs expositions passées aux facteurs de risque étudiés. Or, cette « remémorisation » est généralement meilleure dans le groupe des individus atteints par la maladie, elle n’est donc pas équivalente dans les deux groupes. Enfin, les réponses des personnes interrogées peuvent être influencées par ce qu’elles savent ou pensent savoir des facteurs de risques étudiés.
Études d’intervention ou expérimentales
Ces études s’apparentent aux études de cohortes mais, contrairement aux études analytiques, le facteur d’exposition est choisi par les épidémiologistes. Ce sont des études d’intervention permettant de tester la validité d’une hypothèse précise, par exemple l’efficacité d’un traitement. Dans les essais randomisés, les populations constituant le groupe expérimental et le groupe témoin sont constituées au hasard.
Le principe
Un essai randomisé est un « essai », car c’est une intervention thérapeutique qui est testée, la plupart du temps, sous forme de traitement. Il est dit « randomisé », car les patients (malades) sont répartis au hasard : un groupe recevra le traitement à tester, l’autre un placebo. Ces essais peuvent être conduits en simple aveugle (ou simple insu) quand seuls les patients ignorent la nature du traitement, ou en double aveugle (ou double insu) quand patients et investigateurs ignorent la nature du traitement (les deux médicaments, traitement et placebo, ont la même apparence). Le tirage au sort permet d’éviter un biais de sélection, comme une inégale répartition de patients plus gravement affectés, entre les deux groupes.
L’expression du résultat
L’expression du résultat d’un essai thérapeutique se fait sous la forme d’un risque relatif (RR). C’est le risque de tomber malade dans le groupe expérimental par rapport au risque de tomber malade dans le groupe témoin (voir plus haut).
Prenons un exemple fictif chiffré, portant sur deux groupes de 30 individus :
|
Individus malades |
Individus sains |
Total |
Groupe expérimental |
2 (= a) |
28 (= b) |
n = 30 |
Groupe témoin |
6 (= c) |
24 (= d) |
n = 30 |
- Le risque de tomber malade dans la population traitée (TEE, ou taux d’évènements dans le groupe expérimental) est de a/(a + b) soit 2/(2+28) soit 0,066.
- Le risque de tomber malade dans la population non traitée (TET, ou taux d’évènements dans le groupe témoin) est de c/(c + d) soit 6/(6+24) soit 0,20.
- Le risque relatif est le rapport entre les deux, TEE/TET, soit 0,066/0,20 soit 0,33 (ou 33 %).
Un risque relatif inférieur à 1 indique que le traitement est efficace, et plus il est faible, plus le traitement est efficace. Si le traitement était nocif, le risque relatif serait supérieur à 1.
L’efficacité du traitement peut être évaluée par la diminution du risque entre le fait de tomber malade dans le groupe témoin et celui de tomber malade dans le groupe traité. La « réduction du risque relatif », ou RRR, correspond à la différence de risque entre le fait de tomber malade dans le groupe témoin et le fait de tomber malade dans le groupe expérimental, rapportée au risque de tomber malade dans le groupe témoin.
RRR = (TET – TEE)/ TET = 1 – (TEE/TET) = 1 – RR
La réduction du risque relatif est donnée en pourcentage. Ici la réduction du risque relatif est égale à 1 – 0,33, soit 76 % : le traitement fait baisser le risque de tomber malade de 76 % par rapport au risque « normal » en dehors de tout traitement.
Exemple de l’étude d’un vaccin contre la Covid-19
Les données ci-dessous sont extraites du tableau 2 d'une publication de Voysey et collaborateurs parue en 2020 1 et qui présente une analyse intermédiaire de l’efficacité du vaccin ChAdOx1 nCoV-19 (encore nommé AZD1222) contre la Covid 19. Cette étude rapporte les résultats d'un essai clinique de phase 3 mené au Brésil en 2020 (COV003, portant sur un total de 4088 personnes). Il s’agit d’un essai mené en simple aveugle, le groupe vacciné recevant deux doses du vaccin AZD1222 et le groupe témoin recevant à la place une solution saline. Les individus dits « malades » sont ceux qui ont présenté un résultat positif au test PCR sur prélèvement par écouvillon.
|
Individus malades |
Individus sains |
Total |
---|---|---|---|
Individus vaccinés |
12 (= a) |
2051 (= b) |
2063 |
Individus non vaccinés |
33 (= c) |
1992 (= d) |
2025 |
Le calcul du risque relatif se fait par comparaison entre le risque d’être malade dans le cas du groupe expérimental (taux d’évènement chez les individus vaccinés = TEE) et celui d’être malade dans le groupe témoin (taux d’évènement chez les individus non vaccinés = TET) :
- Ici TEE groupe vacciné = 12/2063 = 0,005816 (0,6 % dans la publication)
- et TET groupe témoin = 33/2025 = 0,01629 (1,6 % dans la publication).
- Le risque relatif TEE/TET est donc 0,005816/0,01629 = 0,3570.
Inférieur à 1, ce risque relatif indique donc que le vaccin protège l’individu. L’efficacité du vaccin s’exprime par la réduction du risque relatif, c’est-à-dire 1 – 0,3570 = 0,643 ou encore 64,3 %.
Les avantages et limites
L’avantage de ce type d’étude est que toute différence observée entre les deux groupes de patients est attribuée à l’intervention du traitement. Mais cela en fait une étude longue et coûteuse.
Ce type d’étude exige une population de patients la plus homogène possible, c’est-à-dire des patients qui ont une pathologie commune dominante, voire une unique pathologie, afin de mieux tester l’effet du traitement. De fait, ce type d'étude élimine une grande quantité de patients qui présentent une comorbidité ou des facteurs de risque particuliers.
Les méta-analyses
Les méta-analyses correspondent à des revues de synthèses reprenant les résultats de nombreuses études épidémiologiques préalablement publiées. La méta-analyse permet une analyse plus précise des données par l’augmentation du nombre de cas étudiés. Lorsque les études analysées sont de type cas/témoins, les résultats des méta-analyses s’expriment sous forme d’odds ratio.
- Si la proportion entre malades et non malades ne change pas entre le groupe témoin et le groupe exposé, c’est-à-dire si l’odds ratio est égal à 1, alors le facteur d’exposition (le traitement) n’a pas d’effet.
- Si ce rapport est inférieur à 1 alors le traitement a un effet, et plus l’odds ratio est faible plus le traitement est efficace.
- Si l’odds ratio est supérieur à 1, le traitement est néfaste.
Pourquoi utiliser des odds ratio dans les méta-analyses ?
Les odds ratio sont utilisés dans les études cas-témoins pour évaluer les effets indésirables des médicaments ou ceux de l’exposition à un produit nocif. Dans ces études, la prévalence de l’évènement indésirable (le taux d’évènement indésirable dans le groupe témoin) n’est pas connue (le groupe de référence est un groupe de personnes atteintes de la maladie et le groupe témoin est constitué d’une population identique non atteinte). On ne peut donc pas connaître le risque relatif puisqu’on ne connaît pas son dénominateur.
L’odds ratio permet dans ce cas d’évaluer l’impact du produit ou de l’exposition sans avoir à connaître la prévalence de l’évènement indésirable. Cette évaluation a un degré de rigueur d’autant plus grand que la prévalence de l’évènement indésirable est faible, c’est-à-dire que la différence entre le dénominateur de l’odd (c’est-à-dire d) et celui du risque ou TE (c’est-à-dire c+d) est petite, si c est petit.
Pour un évènement rare on peut donc utiliser l’odds ratio à la place du risque relatif, ce qui permet de contourner le problème de la méconnaissance de la prévalence.
Il est à noter que toutes les méta-analyses ne s’appuient pas forcément sur des études cas-témoins. Elles peuvent aussi se fonder sur des essais cliniques randomisés contrôlés, auquel cas le résultat de la méta-analyse peut s’exprimer sous la forme d’un risque relatif.
Le niveau de preuve en épidémiologie
Le terme d’Evidence-Based Medicine (EBM) a été défini au cours des années 1980, au Canada, à l’école de médecine Mc Master à Hamilton (près de Toronto, au Canada). Ce concept nouveau de « médecine fondée sur des faits démontrés » fut précisé dans une publication parue dans le JAMA (Journal of the Americain Medical Association) en 1992 1. Cet article princeps affirmait que l’EBM pouvait s’appliquer non seulement à l’apprentissage mais aussi à la pratique de la médecine.
L’EBM se définit comme « l’utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient ». La finalité de cette médecine est d’essayer de transformer les pratiques subjectives en une médecine « rationnelle » afin de mieux soigner les malades. La mise en place d’une telle médecine nécessite des études épidémiologiques de haut niveau de preuves (comme des essais cliniques multicentriques2 randomisés sur des nombres élevés de patients représentatifs de la pratique quotidienne des médecins).
Toutes les présomptions d’une « preuve médicale » n’ont pas la même valeur. Au-delà des opinions personnelles de médecins, de référents d’une spécialité médicale ou de comités d’experts, se fondant tous sur leurs propres observations, seules les études épidémiologiques permettent d’accéder à un certain niveau de preuve. Elles sont classées ci-dessous par ordre de crédibilité ou niveau de preuve décroissant 3.
Type de données |
Type d’étude épidémiologique |
Niveau de preuve |
Grade des recommandations |
---|---|---|---|
Essais comparatifs randomisées (ECR) de forte puissance |
Étude d’intervention |
1 |
A Preuve scientifique établie |
Méta-analyses d’essais randomisés | Étude d’intervention | ||
Essais comparatifs randomisées (ECR) de faible puissance |
Étude d’intervention |
2 |
B Présomption scientifique |
Essais comparatifs non randomisés | Étude d’intervention | ||
Études de cohortes | Étude d’observation | ||
Études cas-témoins |
Étude d’observation |
3 |
C Faible niveau de preuve scientifique |
Études rétrospectives |
Étude d’observation |
4 |
|
Séries de cas | Étude d’observation | ||
Étude épidémiologiques descriptives | Étude d’observation |
On constate d’après cette hiérarchie de crédibilité des études épidémiologiques que les méta-analyses d’essais randomisés sont les plus crédibles. Leurs résultats constituent des preuves scientifiques établies et fournissent des bases solides à l’évolution des pratiques médicales.
Pour aller plus loin
- Bonita, Ruth, Beaglehole, Robert, Kjellström, Tord & World Health Organization. (2010). Éléments d'épidémiologie, 2e éd. Organisation mondiale de la Santé. https://apps.who.int/iris/handle/10665/44055
- L’épidémiologie, Comité éditorial pédagogique de l'UVMaF, Université Médicale Virtuelle Francophone, 2011-2012 http://campus.cerimes.fr/maieutique/UE-sante-publique/epidemiologie/site/html/cours.pdf
- La chaîne YouTube Risque Alpha : https://www.youtube.com/c/RisqueAlpha/
- Généralités sur la méthodologie des essais cliniques http://www.alainrusterholtz.com/wp-content/uploads/2013/09/m%C3 %A9thodorc.pdf
- Guide méthodologique : Méthodes quantitatives pour évaluer les interventions visant à améliorer les pratiques, HAS (Haute autorité de Santé), 2007 https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/eval_interventions_ameliorer_pratiques_guide.pdf