Introduction

Le petit ver de farine ou Tribolium rouge de la farine ou Tribolium castaneum est l’un des animaux que l’on peut facilement utiliser en classe pour plusieurs raisons : l’élevage en est aisé et il n’y a pas de problème légaux, s’agissant d’un invertébré.
Comme son élevage est peu coûteux, peu encombrant, sans danger et sans odeur, il peut être facilement mené dans un établissement d’enseignement
Ce dossier présente quelques aspects de l’utilisation de cet animal, à commencer par la manière d’en faire un élevage, et quelques applications dans le domaine de la génétique.

Élevage du ver de farine Tribolium castaneum

Tribolium castaneum est un insecte coléoptère de la famille des Ténébrionidés, apparenté au ver de farine Tenebrio molitor, mais beaucoup plus petit. Il est élevé dans divers laboratoires comme organisme modèle en génétique.

Les images ci-dessous ont été photographiées à la loupe binoculaire. Un individu adulte de Tribolium castaneum mesure 3 mm de long.

Tribolium castaneum adulte

Vue dorsale de l'adulte du petit ver de farine Tribolium castaneum.
Longueur de l'animal : 3 mm.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Diverses mutations ont été identifiées chez cette espèce. L’élevage très simple de cet animal rend possible l’étude pratique de la transmission des caractères héréditaires. En outre, des mutations homéotiques ont été identifiées. Elles affectent des gènes homéotiques homologues de ceux trouvés chez d’autres espèces.

Matériel

  • Farine complète
  • Levure de boulanger sèche (en billes)
  • Flacons en verre
  • Rouleau de papier essuie-tout
  • Élastiques

Procédure

Flacon d'élevage de Tribolium

A gauche : flacon de verre permettant l'élevage de Tribolium.
A droite : vus de dessus, quelques Tribolium adultes (souche sauvage) à la surface de la farine.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
  • Placer la farine et la levure au congélateur pendant au moins 24 h.
  • Remettre la farine et la levure à température ambiante.
  • Ajouter 5 % de levure à la farine (soit 50 g/kg) et bien mélanger.
  • Verser le mélange dans les récipients sur une hauteur de quelques centimètres.
  • Étiqueter les flacons (type de mutant, date, etc.).
  • Ajouter les animaux.
  • Fermer le flacon avec un couvercle en papier maintenu par un élastique.
  • Placer les flacons dans un endroit chaud (croissance la plus rapide à 34 °C).

Remarques

  • La farine complète provenant de l’agriculture biologique est préférable pour l’élevage en général, car elle ne contient pas de pesticides. Si vous voulez observer les stades du développement ou récolter les pupes pour le sexage, utiliser alors de la farine blanche prétamisée.
  • Placer la farine et la levure au congélateur au moins 24 h à l’avance (2 semaines est préférable) pour détruire les œufs d’autres insectes éventuellement présents. Laisser revenir à température ambiante avant d’y placer les insectes.
  • Mettre un masque en cas d’allergie aux poussières ou à la farine.
  • Les insectes se retournent facilement sur le dos mais ont des difficultés à se redresser seuls. Lorsqu’ils sont nombreux, ils se poussent entre eux avec leurs pattes les uns contre les autres pour se redresser. S’il y a peu d’insectes dans chaque flacon, ils ont du mal à se redresser et peuvent alors mourir de faim. Dans ce cas, ajouter, par-dessus la farine, des grains de blé complets broyés dans un moulin à café.

Levure

  • Utiliser la levure à la concentration de 5 % par rapport à la farine (50 g par kg de farine).
  • L’université du Kansas préconise d’utiliser une levure à croissance rapide qui permet une croissance légèrement meilleure des insectes.

Vacances

Si vous abandonnez les insectes pendant l’été, remplir aux 2/3 ou 3/5 un récipient du type flacon à conserve d’environ 1 litre et y placer les animaux d’une même souche.

Récipients

  • Les récipients en verre sont préférables, car ces insectes ne peuvent escalader le verre.
  • Les récipients à conserve de 0,5 ou 1 litre se prêtent bien à l’élevage.
  • Les récipients en plastique ne sont pas appropriés.
  • Pour réaliser des croisements, un seul couple d’animaux peut être placé dans un tube ou dans un récipient à drosophiles fermé par un papier fixé par un bracelet élastique.
  • Les insectes ont besoin d’oxygène et le papier doit donc être perméables à l’air (serviette en papier, essuie-tout).
  • Si des moisissures se développent, tuer les insectes par congélation et jeter le flacon.
  • On peut placer environ 50 adultes dans un flacon d’un demi-litre et le double dans un flacon d’un litre. S’il y en a moins, ne pas oublier d’ajouter une garniture de grains de blé broyés pour faciliter le retournement des animaux.
  • Pour avoir suffisamment d’insectes pour une classe, maintenir environ 6 flacons d’élevage.

Trucs et astuces

  • Placer du papier blanc sur la paillasse pour toutes les opérations avec les animaux. Ceci vous permettra de repérer les insectes qui essayent de s’enfuir et facilite le nettoyage.
  • Ne travailler qu’avec une souche à la fois pour limiter les risques de contamination entre souches et nettoyer la paillasse avant de passer à une autre souche.
  • Pour séparer les adultes et les larves de la farine, utiliser une passoire à tamis fin (« chinois »).
  • Les insectes adultes peuvent vivre jusqu’à 6 mois à 25 – 30 °C.
Insecte adulte (imago) souche sauvage Ga-1 (Georgia)

De gauche à droite : vue dorsale, latérale et ventrale de l'imago.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
  • Ces insectes peuvent être infectés par des parasites qui ressemblent à de petites marques blanches sur la face ventrale ou sous les ailes. Si cela arrive, tuer les insectes et jeter les flacons.
  • Avant de se débarrasser des animaux, les tuer par congélation.
  • Bien laver les flacons d’élevage avant de les réutiliser.

Souches initiales aimablement fournies par le Dr Harmony Baldwin, University of Utah.

Développement post embryonnaire du ver de farine, Tribolium castaneum

Comme tous les coléoptères, Tribolium castaneum est un insecte à métamorphose complète (holométabole). La larve est mobile et se nourrit.

Deux stades larvaires de Tribolium castaneum
Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

À la fin du dernier stade larvaire, la larve s’immobilise, cesse de se nourrir et se transforme en nymphe immobile.

Nymphes de Tribolium castaneum en vues dorsale et ventrale

Noter la pigmentation plus développée chez la nymphe la plus âgée, notamment au niveau des yeux et de l’extrémité des mandibules.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Pour certains croisements, il faut disposer de femelles vierges. Pour cela, il faut sélectionner les femelles lorsqu’elles sont encore au stade nymphal. En outre, il est plus facile de distinguer les sexes chez les nymphes que chez les adultes.

Les mâles et les femelles se distinguent par la partie terminale de l’abdomen. Dans les deux sexes, l’abdomen se termine par une paire d’appendices pointus (urogomphes) :

Extrémité abdominale de la pupe

Extrémités d'une pupe mâle (à gauche) et femelle (à droite).

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Chez les femelles, les papilles génitales, situées juste en avant des urogomphes, sont nettement plus développées que chez les mâles :

Extrémité abdominale d’une pupe femelle
Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Sur la photo ci-dessous, comparer l’anatomie du mâle (à gauche) avec celle de la femelle (à droite). Une image traitée facilite l’identification des différences :

Urogomphes et papilles génitales de la pupe (mâle à gauche, femelle à droite)

Photo en négatif couleurs.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Génétique de Tribolium castaneum

Mutation sooty

T. castaneum se prête bien aux croisements classiques de la génétique formelle en raison de sa petite taille, de la facilité d’élevage de larges populations, de son bref cycle de vie et de ses mutations, aisément identifiables par les phénotypes correspondants.
Par rapport à la drosophile, l’avantage d’utiliser le tribolium est qu’il ne s’envole pas. En conséquence, il n’est pas nécessaire d’endormir les animaux pour observer les résultats des croisements.

Les mutations les plus pratiques à utiliser à cet effet sont, comme chez la drosophile, celles affectant la couleur des yeux (mutation white : œil blanc) ou la couleur du corps (sooty : couleur brun-noirâtre), car elles sont détectables par une simple observation à la loupe binoculaire.
T. castaneum présente également des mutations homéotiques, notamment Antennapedia, caractérisée par la présence de pattes à la place des antennes.

La mutation sooty est récessive. Elle se traduit par une couleur du corps brun-noirâtre chez les homozygotes (sooty signifie « noir comme de la suie ») détectable à l’œil nu :

Souche sooty et souche sauvage

Noter la différence de couleur du corps visible à l’œil nu sur un grand nombre d’individus (souche sooty à gauche et souche sauvage à droite).

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Mutation white

La mutation white se traduit par une absence de pigmentation des yeux qui apparaissent blancs. À la loupe binoculaire, on les distingue immédiatement des yeux noirs, caractère sauvage.

Mutations homéotiques : mutation antennapedia

Les gènes homéotiques sont des gènes dont les mutations provoquent la transformation d’un segment du corps en un autre segment. La mutation antennapedia se traduit par la formation de pattes à la place des antennes.

Mutations white et antennapedia

A gauche : mutation white pour la couleur des yeux (forme des antennes de caractère sauvage)

A droite : mutation antennapedia pour la forme des antennes (yeux de couleur brune, caractère sauvage)

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
Détails des têtes des mutations white et antennapedia

Les têtes mesurent environ 0,5 mm de long.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Sur la photographie ci-dessous ont été réunis de gauche à droite : le mutant œil blanc, le mutant antennapedia et la souche sauvage.

Mutant white, mutant antennapedia et souche sauvage

Souches initiales aimablement fournies par le Dr H. Baldwin, University of Utah.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Mutation homéotique chez Tribolium castaneum : antennapedia

La mutation homéotique la plus célèbre, identifiée initialement chez la drosophile, est la mutation antennapedia (ap) qui se manifeste par la formation de pattes en lieu et place des antennes (patte ectopique). Elle existe aussi chez Tribolium dont le gène antennapedia est homologue de ceux trouvés chez les autres espèces où on l’a identifié.

Le gène antennapedia régule normalement la formation des structures de la patte dans les segments thoraciques. Sa surexpression dans un autre segment aboutit à la formation d’un appendice de type patte dans ce segment. Ainsi, sa surexpression dans la tête aboutit à la formation de pattes à la place des antennes.

Mutant antennapedia et souche sauvage
Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Les photographies ci-dessous présentent côte à côte l’aspect normal et le phénotype du mutant antennapedia de Tribolium.

Outre l’anomalie morphologique majeure, les mutants ap présentent divers signes de dysfonctionnement moteur (vitesse de déplacement lente, coordination défectueuse des pattes locomotrices).

La patte ectopique présente les mêmes segments qu’une patte normale et se termine également par des griffes, mais elle est plus courte et l’on observe le plus souvent une déformation d’un ou plusieurs segments (voir détails).

Têtes de la souche sauvage et du mutant antennapedia
Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
Détail de l'antenne de la souche sauvage et de l'appendice (patte ectopique) du mutant antennapedia
Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)
Détail de la patte ectopique de Tribolium mutant antennapedia

Vue ventrale à gauche et dorsale à droite. Noter la déformation plus ou moins marquée de certains articles de la patte.

Auteur(s)/Autrice(s) : Didier Pol Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)