Une bactérie infectant naturellement les végétaux supérieurs

La transgenèse consiste à ajouter un nouveau gène dans un organisme. Chez les végétaux, plusieurs techniques de transgénèse ont été développées. La possibilité de régénérer une plante entière à partir de quelques cellules végétales est d’un grand intérêt lors de ces transgenèses. Une des techniques les plus utilisées en transgenèse végétale est l’utilisation d’une bactérie du sol, Agrobacterium tumefaciens.

Agrobacterium tumefaciens est une bactérie en forme de bâtonnet, de la famille des Rhizobiacées. Elle se développe dans le sol.

Elle est attirée par des composés phénoliques dégagés par les plantes dicotylédones lorsqu’elles sont blessées. Au niveau de cette blessure, Agrobacterium est capable de se fixer sur les cellules du végétal. À la suite de ce contact, ces cellules végétales se multiplient de manière importante, donnant naissance à une formation tumorale. Elle est en général située au niveau du collet, d’où le nom de cette formation : la galle du collet (crown gall).

Les cellules de la galle libèrent des composés chimiques particuliers dans le milieu : les opines, molécules formées de deux acides aminés couplés. Les bactéries Agrobacterium présentes près de la galle, dans le sol, sont capables d’utiliser alors ces opines comme source d’azote, mais aussi de carbone et d’énergie.

L’infection de la plante par Agrobacterium induit le développement d’une galle

Les échelles ne sont pas respectées.

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Agrobacterium tumefaciens est donc capable d’induire, chez une plante dicotylédone, la formation d’une galle lui fournissant un substrat. Depuis 1974, on sait que cette induction est due au transfert d’un petit ADN plasmidique depuis la bactérie jusque dans le génome des cellules de la plante.

Agrobacterium transfère un fragment d’ADN (l’ADN-T) dans le génome de la plante

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Une bactérie potentiellement utilisable en transgénèse

Agrobacterium tumefaciens (tout comme, d’ailleurs, d’autres bactéries de la famille des Rhizobiacées) est donc capable d’injecter un ADN dans une cellule végétale où il s’insère dans le génome chromosomique. Cet ADN, qui peut circuler ainsi d’un organisme à un autre, est un fragment de plasmide (ADN circulaire bactérien de petite taille) : le plasmide pTi.

Agrobacterium réalise donc, naturellement, une transgenèse d’une partie de ses gènes (grâce à pTi) dans un organisme végétal. L’ADN qui est ainsi transféré est nommé ADN-T. Il a donc été rapidement proposé, une fois ce mécanisme connu, de le détourner dans un but de transgenèse. Pour cela, il « suffit » de remplacer l’ADN-T par un autre ADN portant un gène d’intérêt, par exemple.

Le remplacement de l’ADN-T par un gène d’intérêt permet d’envisager une technique de transgenèse
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Le plasmide pTi

Le plasmide pTi est un petit plasmide, de 215 000 paires de bases. Ce plasmide comporte plusieurs régions :

Les différentes régions du plasmide pTi
  ADN-T

Région transférée de la bactérie à la cellule végétale.

  • Cette région est flanquée de deux zones de bordures (FD à droite et FG à gauche), importantes pour la réalisation du transfert.
  • L'ADN-T comporte une région permettant le développement de la tumeur (galle) chez la plante infectée.
  • L'ADN-T comporte aussi les gènes permettant la synthèse et la libération des opines par les cellules végétales.
    VIR

Région de virulence.

Cette région comporte une série de gènes, qui permettent la fixation de la bactérie aux cellules végétales et le transfert de l'ADN-T.

   OCC

Région de catabolisme des opines.

Cette région permet à la bactérie d'utiliser les opines libérées par le végétal suite à son infection par l'ADN-T.

   ORI

Région de réplication.

Cette région permet au plasmide de se multiplier dans la bactérie.

Le plasmide pTi
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Un exemple de vecteur pour la transgénèse

La réalisation d’un vecteur de transgenèse par Agrobacterium tumefaciens implique donc de remplacer l’ADN-T, qui sera transféré, par le gène que l’on souhaite introduire dans le végétal. Il existe de nombreuses stratégies dans ce but. Les méthodes les plus complexes permettent désormais d’obtenir des plantes où le transgène se limite au seul gène d’intérêt, sans aucune séquence supplémentaire.

Le vecteur le plus simple à obtenir est un vecteur où l’ADN-T a été remplacé par un ADN comportant en particulier le gène d’intérêt (GI) accompagné d’un gène de sélection (GS) :

Un vecteur simple utilisable en transgenèse par Agrobacterium tumefaciens

L’ADN-T est remplacé par un transgène, porteur d’un gène d’intérêt (GI) associé à un gène de sélection (GS).
Du fait des techniques utilisées, certaines séquences bactériennes sont encore présentes dans cette construction simple ; elles sont notées sur la figure (les constructions plus récentes ne possèdent plus ou presque plus de séquences bactériennes).
Ce vecteur est en fait obtenu après recombinaison entre un plasmide pTi modifié et un plasmide portant la construction transgénique.

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Le gène de sélection permet de repérer facilement les cellules ou amas de cellules qui ont intégré l’ADN transgénique à leur génome. Il s’agit en général d’un gène permettant la survie de ces cellules dans certaines conditions particulières, ou bien d’un gène aboutissant à la présence d’une molécule repérable facilement.

Conclusion : un outil de transgenèse végétale

Grâce à un plasmide pTi modifié, porteur d’un transgène à la place de l’ADN-T, on peut donc réaliser des plantes transgéniques.

Dans un premier temps, des bactéries Agrobacterium tumefaciens porteuses du vecteur sont mises au contact de la plante (une blessure a été réalisée sur la plante afin de permettre l’infection). Les amas de cellules tumorales sont cultivés, sur un milieu sélectif (permettant de mettre en évidence la présence ou l’absence du gène de sélection). Ils forment des cals.

Les cals qui ont reçu le transgène sont alors cultivés dans des conditions permettant la régénération d’une plante complète : la plante transgénique a été obtenue.

Résumé des étapes de la réalisation d’une plante transgénique grâce à Agrobacterium tumefaciens
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Une bactérie très proche d’Agrobacterium tumefaciens, la bactérie Agrobacterium rhizogenes est utilisable de la même manière. L’ADN transféré est alors porté par un plasmide nommé pRi.