Difficile de tenir à jour ses connaissances sur la lignée humaine tant les éléments à retenir sont nombreux (espèces, lieux, dates, caractères anatomiques et culturels…) et tant les découvertes se succèdent à un rythme soutenu. Difficile mais pas impossible, notamment grâce à cet ouvrage de Silvana Condemi, paléoanthropologue et directrice de recherche au CNRS, et François Savatier, journaliste scientifique.

Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre, il n’est pas uniquement question, au moins dans la première moitié du livre, d’Homo sapiens mais plus largement de la lignée humaine (ardipithèques, australopithèques, et autres représentants du genre Homo). Le récit présente notamment des découvertes récentes, remettant en cause certaines conceptions. Ainsi, alors que l’on pensait que les premiers Sapiens étaient apparus il y a 200 000 ans, plusieurs spécimens fossiles ont été retrouvés au Maroc et, étant datés à 315 000 ans, reculent de plus de 100 000 ans la naissance présumée de notre espèce !

Ce résultat remet également en cause la géographie de l’émergence de Sapiens. Jusqu’ici, de nombreux fossiles avaient été retrouvés dans la vallée du rift, plaidant pour une origine est-africaine d’Homo sapiens. L’exhumation des fossiles marocains ainsi que d’autres spécimens en Afrique du Sud est plutôt en faveur d’une origine panafricaine de l’espèce. Selon cette hypothèse, diverses formes de pré-Sapiens seraient apparues à partir de populations ancestrales en différents points d’Afrique. Ces populations se seraient ensuite mélangées pour donner l’homme actuel.

Autre découverte d’importance : celle des plus vieux ossements d’homme moderne hors d’Afrique, datés à 180 000 ans et retrouvés en Israël. Un bond dans le temps important lorsque l’on sait qu’encore récemment les premières sorties d’Afrique étaient estimées à 60 000 ans seulement…

Ces sorties d’Afrique ont été l’occasion pour Sapiens de croiser les populations de Neandertal et de Denisoviens déjà présentes en Eurasie. Ces rencontres ont donné lieu à des hybridations entre ces trois types d’êtres humains, mises en évidence par des méthodes paléogénomiques.

Tous ces éléments et bien d’autres sont à découvrir dans ce petit livre où les auteurs tentent de reconstituer une histoire cohérente de la lignée humaine. Une telle entreprise nécessite de bien distinguer (i) les faits : fossiles, productions humaines (vêtements, bijoux…) et traces d’activités humaines (feu, agriculture…), (ii) les interprétations de ces faits : il est par exemple possible de déduire de l’anatomie des squelettes la possibilité ou non d’une bipédie permanente et (iii) les liens réalisés entre ces éléments pour imaginer une histoire vraisemblable de la lignée humaine. Sur ce dernier point, si le conditionnel est souvent employé, certaines affirmations sont un peu trop lapidaires (par exemple : « L’accroissement du cerveau s’est poursuivi […] grâce au raccourcissement de l’intestin » p48 ; « Courir nous a fait perdre nos poils » p53).

Riche en informations et bien illustré, ce court ouvrage saura intéresser les enseignants et étudiants souhaitant découvrir ou mettre à jour leurs connaissances sur la lignée humaine.