Je suis directeur de recherche CNRS au sein de l'équipe Évolution des systèmes d’initiation de la traduction chez les eucaryotes. Au cours des dix dernières années, j’ai mis en place une nouvelle thématique centrée sur l’étude de l’étape d’initiation de la traduction chez les eucaryotes supérieurs. L’objectif principal de cette étape consiste à localiser le codon d’initiation de la traduction et d’assembler les deux sous-unités du ribosome sur ce codon de démarrage. Cette étape est limitante, et par conséquent, détermine véritablement le paysage traductionnel de la cellule en définissant le protéome produit dans chaque cellule. Ce protéome est essentiel pour l’intégrité cellulaire.

Ceci a nécessité la mise en place des outils nécessaires à l’étude des mécanismes moléculaires qui interviennent pendant l’initiation. Nous avons développé des extraits de traduction acellulaires provenant de divers organismes qui sont indispensables pour décortiquer in vitro ces mécanismes moléculaires complexes. Nous avons également développé des approches innovantes qui combinent l’utilisation d’extraits acellulaires et des méthodes de sélection à très haut débit en microfluidique. Ceci a permis une étude exhaustive des interactions codon-anticodon qui a abouti à une découverte majeure expliquant la disparition chez tous les eucaryotes des gènes d'ARNt contenant un G34 (Pernod et al., 2020). Grâce à ces approches, nous avons pu étudier des mécanismes d’initiation de la traduction particuliers comme la traduction de l’histone H4 (Martin et al., 2016), la traduction lors d’infection par des virus d’insectes (Majzoub et al., 2014, Gross et al, 2017) ou encore des ARNm hox (Alghoul et al., 2021).

Ces résultats nous ont valu une reconnaissance internationale de cette expertise et ont engendré des sollicitations pour plusieurs collaborations. En effet, l’initiation de la traduction est déficiente dans de nombreuses pathologies humaines comme les cancers, les maladies métaboliques ou encore dans les maladies neuro-dégénératives. Par exemple, avec Clotilde Lagier-Tourenne (Harvard-USA), nous avons décortiqué le mécanisme moléculaire qui entraine la synthèse aberrante de polydipeptides toxiques à partir de séquences répétées chez les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (Tabet et al., 2018). Ces résultats sont maintenant confirmés dans des modèles de souris et nous avons récemment réussi à réduire cette synthèse toxique par une approche crispR-cas9 dans des cellules provenant de patients (en cours de publication).

Cet important travail séminal sur la sclérose latérale amyotrophique a validé notre protocole expérimental pour l’étude de maladies neurodégénératives et nous a valu une autre sollicitation de Luc Buée (Lille) pour étudier la traduction dans la maladie d’Alzheimer (Da Costa et al., 2024). Cette réorientation thématique vers l’étude de pathologies humaines s’est aussi récemment concrétisée par un effort de recherche exceptionnel pendant la pandémie pour l’étude de la traduction pendant l’infection par le SARS-CoV-2 (Miao et al., 2020, Tidu et al., 2021, Sosnowski et al., 2022, Tardivat et al., 2023). Nous étudions également des aspects fondamentaux de l’initiation de la traduction (Tidu et al., 2024).

- Pernod et al., 2020, Nucleic Acids Research 48, 1-14.
- Martin et al., 2016, Nature Communications 7:12622 doi: 10.1038/ncomms12622.
- Majzoub et al., 2014, Cell 159, 1086-95.
- Gross et al., 2017, Nucleic Acids Research 45, 8993-9004.
- Alghoul et al., 2021 eLife 10:e66369.
- Tabet et al., 2018 Nature Communications doi: 10.1038/s41467-017-02643-5.
- Miao et al., 2020 RNA Biology doi 10.1080/15476286.2020.1814556.
- Tidu et al., 2021 RNA 27, 253-264.
- Sosnowski et al., 2022 RNA 28, 729-741.
- Tardivat et al., 2023 NAR doi.org/10.1093/nar/gkad627.
- Tidu et al., 2024 NAR GAB 6, doi: 10.1093/nargab/lqae065.
- Da Costa et al., 2024 NAR Mol Med (in press)