Les mangroves sont des écosystèmes forestiers présents dans les régions tropicales, subtropicales et tempérées chaudes du monde. Elles se développent dans les zones côtières, dès lors que l’eau est calme et qu’il y a suffisamment de sédiments pour y ancrer des racines 1 (Figure 1).

Racines-échasses de palétuviers, ancrées dans des sédiments en eau calme, Bahia de Rincon, Porto Rico
Auteur(s)/Autrice(s) : damian entwistle Licence : CC-BY-NC Source : Flickr

Les données satellitaires les plus récentes estiment la superficie totale des mangroves à environ 147 000 km² 1, ce qui représente « seulement » un quart de la superficie de la France métropolitaine. Bien que cette superficie soit relativement restreinte, les mangroves s’étendent sur près de 75 % des rivages des régions tropicales et subtropicales de la planète, formant une fine interface entre les écosystèmes terrestres et marins (Figure 2), généralement de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres de largeur 2.

Distribution des mangroves dans le monde

Les mangroves, représentées en noir sur la carte, occupent les espaces côtiers de la zone intertropicale. L’absence de mangroves au sud du Pérou, en Angola et en Namibie est due à la présence de courants froids (respectivement le courant de Humboldt pour le Pérou et le courant du Benguela pour l’Angola et la Namibie) qui empêchent le développement de mangroves. En Oman et au Yémen, les mangroves sont limitées dans leur extension par l’aridité du climat, et aussi réduites par les destructions anthropiques.
Crédits : Giri C, Ochieng E, Tieszen LL, Zhu Z, Singh A, Loveland T, Masek J, Duke N (2011). Status and distribution of mangrove forests of the world using earth observation satellite data (version 1.4, updated by UNEP-WCMC). Global Ecology and Biogeography 20: 154-159. Document disponible sous licence consultable sur le site de l'UNEP-WCMC.

Auteur(s)/Autrice(s) : Voir légende Licence : Voir légende Source : UNEP-WCMC

Cet environnement pourrait sembler peu propice au développement d’une forêt, puisque les submersions récurrentes et les fortes teneurs en sel sont toxiques pour la plupart des végétaux. Les arbres qui composent les mangroves, appelés palétuviers, présentent ainsi des adaptations très particulières afin de pouvoir vivre dans ces milieux. Les mangroves constituent également l’habitat de nombreuses espèces, et de nouvelles y sont encore parfois découvertes. Si la biodiversité végétale reste relativement faible, du fait des contraintes particulières de ces milieux, la biodiversité animale est quant à elle plus importante. Pourtant, malgré leur importance écologique et les bénéfices cruciaux qu’elles apportent aux populations locales, les mangroves ont perdu jusqu’à 75 % de leur superficie dans certaines régions 1, menaçant d’extinction de nombreuses espèces et rendant les populations côtières plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Aux causes anthropiques directes comme la déforestation, premier facteur de ce déclin 23, s’ajoutent aujourd’hui les conséquences du changement climatique s’exerçant de façon particulièrement intense sur les mangroves.

Une biodiversité remarquable

Les palétuviers, des arbres adaptés à la vie en eaux saumâtres

Les quelques 70 espèces d’arbres retrouvées au niveau des mangroves 4, très tolérantes au sel, sont regroupées sous le terme de palétuviers. Ce mot désigne en réalité un groupe polyphylétique puisque les adaptations morphologiques, anatomiques, physiologiques et moléculaires permettant à ces espèces de survivre dans un environnement fréquemment submergé par l’eau salée de la mer sont apparues au moins 27 fois indépendamment au cours de l’évolution 4.

La vie en eau saumâtre représente une forte contrainte pour les plantes. En effet, le faible potentiel hydrique5 de l’eau salée constitue un obstacle à l’absorption d’eau au niveau des racines. En abaissant leur potentiel hydrique grâce à la production d’osmolytes (mannitol, proline, glycine bétaïne…), les palétuviers peuvent absorber de l’eau même dans un sol salé 6.

Par ailleurs, l’observation des feuilles de certaines espèces de palétuviers révèle la présence de cristaux de sel à leur surface (Figure 3). Ces cristaux résultent de l’excrétion du sel par l’arbre via des glandes présentes au niveau de ses feuilles 78. C’est un des multiples mécanismes qui permettent aux palétuviers de vivre malgré la richesse en sel du milieu, toxique pour la plupart des végétaux en raison du stress osmotique qu’il induit au niveau des cellules 9.

Cristaux de sel sur une feuille de Avicennia officinalis, une espèce de palétuvier d’Asie
Auteur(s)/Autrice(s) : wan_hong Licence : CC-BY-NC-SA Source : Flickr

De plus, on observe une grande variété de structures racinaires permettant de pallier le manque de dioxygène des sols lié aux inondations fréquentes, qui empêche la respiration cellulaire au niveau des racines.

Par exemple, chez les espèces des genres Avicennia et Sonneratia, des racines aériennes appelées pneumatophores émergent verticalement des racines souterraines horizontales (Figure 4). Grâce à des pores appelés lenticelles qui en couvrent la surface (Figure 5) et où se produisent les échanges de dioxygène 12, les pneumatophores agissent comme des organes respiratoires. Les « racines-échasses » de certaines espèces (Figure 1), présentent également des lenticelles et sont un autre exemple d’adaptation à l’anoxie des sols et à l’ennoiement cyclique par les marées.

Photographie d’un palétuvier avec des pneumatophores, Floride, États-Unis
Auteur(s)/Autrice(s) : Kimon Berlin Licence : CC-BY-SA Source : Flickr
L’observation des pneumatophores montre la présence de lenticelles où se produisent les échanges gazeux
Auteur(s)/Autrice(s) : Bradley Huchteman Licence : CC-BY-NC-ND Source : Flickr

Les mangroves, des habitats pour une grande diversité d’espèces animales

En raison de leurs spécificités, les mangroves constituent l’habitat d’une grande diversité d’espèces animales, dont beaucoup sont endémiques, c’est-à-dire spécifiques aux mangroves d’une région donnée 1. La faune terrestre, dont une multitude d’insectes, d’oiseaux et de mammifères, vit dans les parties les plus sèches de l’habitat, tandis que les racines des palétuviers abritent de nombreuses espèces d’amphibiens, de reptiles, de poissons, de mollusques et de crustacés 2. À ces espèces de grande taille s’ajoute une importante diversité de petits animaux : annélides, nématodes, crustacés, mollusques… dont les rôles fonctionnels – remaniement des sédiments, réseaux trophiques – sont essentiels pour la mangrove.

Souvent difficiles d’accès, les mangroves sont également l’habitat d’espèces méconnues, dont de nouvelles sont encore découvertes aujourd’hui. Parmi les plus récentes et les plus remarquables, une nouvelle espèce de tarentule, Chilobrachys natanicharum, endémique de Thaïlande, a été décrite en septembre 2023 (Figure 6) 3. Son habitat s’étend sur certaines mangroves ainsi que sur certaines forêts à l’intérieur des terres de la Thaïlande.

Chilobrachys natanicharum, une espèce de tarentule de Thaïlande, découverte en 2023
Auteur(s)/Autrice(s) : Chomphuphuang et coll., 2023 Licence : CC-BY-SA Source : ZooKeys

Arborant une teinte d’un bleu électrique, qui résulte de nanostructures présentes sur ses poils provoquant des interférences 1, cette espèce nourrit les questionnements liés à l’origine évolutive d’une telle coloration chez les tarentules. Première espèce de tarentule identifiée dans les mangroves thaïlandaises, sa découverte souligne nos connaissances encore parcellaires de certains habitats. Elle met également en lumière les menaces qui pèsent sur ces écosystèmes, puisque l’habitat de cette espèce est déjà en partie détruit par l’agriculture 21.

Des écosystèmes aux bénéfices multiples pour les sociétés humaines

Les mangroves fournissent d’importants services écosystémiques, c’est-à-dire qu’elles contribuent de multiples manières au bien-être des sociétés humaines (Figure 7). En effet, non seulement elles fournissent des ressources économiques aux populations locales, mais elles les protègent également contre les événements climatiques extrêmes en servant de barrière naturelle aux tempêtes et aux inondations. Les mangroves sont également des écosystèmes particulièrement riches en carbone, qui pourraient contribuer aux stratégies d’atténuation du réchauffement climatique.

Les services écosystémiques fournis par les mangroves
Auteur(s)/Autrice(s) : Lai et coll., 2022, traduit par Marc Nassivera Licence : CC-BY Source : Forests

Des écosystèmes importants pour les populations locales

Le Programme des Nations unies pour l’environnement estime qu’environ 100 millions de personnes à travers le monde vivent à moins de 10 kilomètres d’une mangrove 1, bénéficiant ainsi des multiples biens et services qu’elle pourvoit. Les mangroves sont entre autres importantes pour la pêche. De nombreuses études montrent en effet qu’elles favorisent la pêche en augmentant les stocks de poissons dans les zones marines situées près des mangroves 2. Cet effet semble être la conséquence de plusieurs facteurs. La grande productivité primaire de ces milieux semble soutenir un réseau trophique important, et les racines denses abritent les poissons de la prédation 3. Enfin, les mangroves servent de lieux de reproduction et de développement de nombreuses espèces aquatiques 3, y compris certaines espèces inféodées à d’autres écosystèmes, comme les écosystèmes coralliens 4, ce qui contribue également à maintenir les stocks de pêche.

D’une manière tout aussi cruciale, les mangroves, agissent comme des barrières naturelles contre les événements climatiques extrêmes, atténuant l’énergie des vagues, limitant l’érosion et protégeant des ouragans grâce à leurs systèmes racinaires complexes 53, un service écosystémique dont la valeur est estimée à plus de 65 milliards de dollars chaque année à travers le monde 6. Avec le changement climatique, l’intensité et la fréquence des événements climatiques extrêmes augmentent : la protection offerte par les mangroves devient d’autant plus importante.

Enfin, la beauté et la biodiversité de ces écosystèmes attireraient des dizaines, voire des centaines de millions de visiteurs chaque année, ce qui représenterait une industrie de plusieurs milliards de dollars 7, créant des opportunités économiques importantes dans de nombreux pays. Consistant souvent à longer la mangrove en bateau, l’impact sur les écosystèmes de ce tourisme est a priori assez limité.

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Le rôle des mangroves dans le stockage de carbone

Les mangroves jouent un rôle important dans la séquestration et le stockage de carbone, ce qui revêt d’une grande importance dans le contexte des initiatives visant à atténuer le changement climatique. En effet, elles contribuent de façon importante au « carbone bleu », nom donné au carbone stocké par les océans et les écosystèmes côtiers. Les mangroves peuvent en effet stocker plus de 1 000 tonnes de carbone par hectare 1, une quantité importante qui résulte du carbone présent à la fois dans la biomasse et dans les sols. Ce chiffre, 3 à 4 fois supérieur aux forêts tropicales ou tempérées 1, fait des mangroves l’un des écosystèmes forestiers les plus riches en carbone de la planète 12. Cette particularité est en grande partie due aux quantités de carbone que les mangroves stockent dans leurs sols, qui représentent entre 50 et 98 % des stocks de carbone de cet écosystème 1. Cela s’explique par les conditions de submersion des sols qui conduisent à de faibles teneurs en dioxygène. La décomposition de la matière organique est alors ralentie, empêchant les émissions de CO2 et favorisant l’enfouissement du carbone contenu dans les sédiments. En plus du carbone organique produit sur place, les mangroves emprisonnent du carbone allochtone, issus des bassins versants situés en amont et piégé par les sédiments et le système racinaire dense des palétuviers.

Cependant, il convient de noter que ces chiffres sont donnés par hectare. La superficie des mangroves étant faible comparativement aux autres écosystèmes forestiers de la planète, leur contribution au stockage mondial de carbone reste limitée. Ainsi, en multipliant la valeur moyenne estimée de la quantité de carbone stockée dans les mangroves (1,23.10-6 GtC/ha 1) par la surface totale des mangroves (1,47.107 ha), on obtient une valeur totale d’environ 18 GtC, soit 0,84 % de la quantité de carbone stockée par les sols et la biomasse de la planète 1. Toutefois, la déforestation des mangroves contribue à 10 % des émissions annuelles liées à la déforestation, malgré le fait qu’elles ne représentent que 0,7 % de la superficie totale des forêts tropicales 1.

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Des écosystèmes très dégradés par les activités humaines

Les mangroves ont vu leur superficie fortement décliner au cours des dernières décennies. Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément l’étendue initiale des mangroves, on estime qu’entre 30 et 50 % de la superficie des mangroves aurait déjà disparu 1. Les données, plus précises depuis quelques décennies, permettent d’affiner l’évaluation de ce déclin 2, mais la plus grande part de la destruction a eu lieu avant toute mise en place d’un suivi systématique et global de ces écosystèmes.

De plus, ces données à l’échelle mondiale masquent l’hétérogénéité du processus de destruction, qui varie considérablement d’un pays à l’autre. L’Asie du Sud-Est, dont les mangroves représentent un cinquième de la superficie mondiale 3, est ainsi responsable d’une déforestation de près de 2 500 km² sur la période 1996-2020, soit 47 % de la déforestation totale des mangroves, notamment en raison du développement de l’aquaculture 2. L’Amérique centrale et les Caraïbes ont également connu d’importantes destructions des mangroves pendant cette période, cependant cela fut principalement le résultat de l’érosion et d’événements extrêmes, comme les cyclones 24. Différents facteurs sont donc à l’origine de la dégradation de ces écosystèmes à travers la planète.

La déforestation, première cause de la destruction des mangroves

La déforestation est la première cause du déclin des mangroves à travers le monde, contribuant à 62 % de la superficie perdue entre 2000 et 2016 4. Cette déforestation est largement concentrée dans seulement six pays : l’Indonésie, le Myanmar, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam. C’est donc en Asie, et plus particulièrement en Asie du Sud-Est, que la majeure partie de la déforestation est observée.

Bien que les raisons de cette déforestation soient multiples, ce sont l’aquaculture et l’agriculture qui en sont les premières responsables : la production de riz, de crevettes et d’huile de palme est responsable de 47 % de la déforestation totale des mangroves sur la période 2000-2016 4. L’aquaculture, qui se développe de manière intensive particulièrement en Asie, nécessite de larges espaces côtiers (Figure 8). Les Philippines auraient ainsi déjà perdu 75 % de leurs mangroves au cours des 75 dernières années afin de laisser place à l’élevage de crevettes 5.

Évolution du paysage dans le golfe de Fonseca, le long de la côte pacifique du Honduras et du Nicaragua (1986, 1999, 2011)

Sur ces images satellites, les mangroves apparaissent en vert foncé et bordées de brun. Ces images montrent un développement très rapide de l’aquaculture, qui s’accompagne d’une dégradation progressive des écosystèmes naturels et d’une pression croissante sur les mangroves. La différence de couleur des eaux du Golfe est probablement due aux marées : les images ont été acquises à marée basse en 1999 et 2011, et à marée plus haute en 1986.

Auteur(s)/Autrice(s) : Jesse Allen et Robert Simmon Licence : CC-BY Source : Nasa Earth Observatory

Ces activités s’accompagnent d’une urbanisation qui, en comparaison, n’est responsable que d’une faible part de la déforestation 1. Cependant, l’urbanisation s’accompagne souvent d’importantes pollutions, comme la pollution chimique 2 et la pollution au plastique 3.

Les causes naturelles dans la destruction des mangroves

Certaines causes naturelles sont aussi responsables d’une partie de la destruction des mangroves. La plus importante est l’érosion des côtes, responsable de 27 % du déclin de la surface des mangroves sur la période 2000-2010 1. Par exemple, les mangroves de la région des Sundarbans, en Inde et au Bangladesh, ont perdu 25 % (136 km2) de leur superficie à cause de l’érosion en seulement trois décennies 4. Les événements climatiques extrêmes, comme les vagues de chaleur, les ouragans ou les cyclones, sont eux responsables des 11 % restants 1.

Ces causes, bien que qualifiées de « naturelles », sont souvent exacerbées voire provoquées par l’action anthropique. L’érosion des côtes, dans la région des Sundarbans comme ailleurs, est majoritairement due à l’élévation du niveau de la mer et aux événements climatiques extrêmes dont la fréquence et l’intensité sont démultipliés par le réchauffement de l’atmosphère et de l’eau. Des interventions humaines peuvent également accélérer les processus d’érosion dans de nombreuses régions, par la réduction ou l’interruption de l’approvisionnement en sédiments côtiers ou fluviaux, qui se produit notamment lors de la construction de barrages 1.

De nombreuses espèces menacées d’extinction

En raison de cette destruction, les mangroves sont des écosystèmes où une partie des espèces sont, d’après la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), menacées d’extinction. C’est ainsi le cas de 11 espèces de palétuviers, dont deux sont en danger critique d’extinction : Bruguiera hainseii et Sonneratia griffithii 5. Cette dernière a ainsi connu une réduction de 80 % de son aire de répartition à cause de l’agriculture et de l’aquaculture. Quant à Bruguiera hainseii, il n’en resterait qu’environ 200 individus 6. Bien que ces deux espèces soient présentes en Asie du Sud-Est, à l’échelle mondiale, c’est sur les côtes pacifiques et atlantiques d’Amérique centrale qu’on trouve la plus grande proportion d’espèces menacées d’extinction, en raison de l’urbanisation et de l’agriculture.

L’Alliance mondiale pour les mangroves, un organisme engagé pour la protection de ces écosystèmes, recense 341 espèces menacées au niveau mondial et dont l’existence, au moins pour certaines populations, dépend des mangroves 7. Le nombre d’espèces menacées est particulièrement élevé notamment parce que les mangroves ont une superficie totale assez faible : les espèces ont souvent des aires de répartition restreintes, les rendant particulièrement vulnérables à la destruction de leur habitat.

Quel avenir pour les mangroves ?

Des dégradations qui ralentissent

Entre 1996 et 2020, les mangroves ont vu leur superficie totale décliner de 5 245 km² 8. Cependant, le taux de déforestation n’est pas resté constant au cours de cette période. En effet, entre 1996 et 2010, la surface moyenne déforestée était de 327 km² (0,21 %) par an, tandis qu’entre 2010 et 2020, celle-ci a chuté à 66 km² (0,04 %) par an. Ces données montrent un ralentissement du déclin global de la superficie des mangroves.

Cette tendance est le résultat de multiples efforts de conservation. Environ 40 % des mangroves sont en effet situées dans des aires protégées et l’Alliance mondiale pour les mangroves souhaite doubler ce chiffre d’ici 2030, en arrêtant la déforestation et en poursuivant les mesures de reforestation 9. La meilleure prise en compte de l’importance des services écosystémiques offerts par les mangroves stimule les projets de reforestation ; et son stockage de carbone par hectare conséquent en fait une composante des stratégies d’atténuation du changement climatique et de réduction des émissions. La réduction de la déforestation des mangroves est ainsi de plus en plus incorporée dans les « Contributions déterminées au niveau national » 10, les engagements pris par chaque pays, en adéquation avec l’Accord de Paris issu de la COP 21 11. Cependant, il convient de mentionner que malgré cette tendance, la déforestation reste importante dans certains pays, en Asie du Sud-Est notamment.

Quel avenir face au changement climatique ?

L’avenir des mangroves sera également conditionné par le changement climatique dont l’ampleur et les conséquences vont continuer de s’intensifier. Ses effets sur les mangroves sont multiples, et parfois antagonistes.

Contrairement à d’autres écosystèmes, tels que les récifs coralliens, les mangroves tolèrent bien l’élévation des températures. Au contraire, leur distribution est limitée par les températures plus froides. Ainsi, à mesure que le climat se réchauffe, les mangroves devraient réagir par une expansion de leur aire géographique vers les hautes latitudes 12.

Toutefois, le changement climatique s’accompagne dans certaines régions d’un changement du régime de précipitations. Or, une réduction des précipitations entraîne une augmentation de la concentration en sel dans l’eau. Bien que les palétuviers soient capables d’excréter le sel ou de l’empêcher de pénétrer dans leurs tissus, ces mécanismes sont limités et peuvent être insuffisants lorsque la concentration en sel augmente. Le sel étant toxique pour les végétaux, un changement des régimes de précipitations pourrait conduire à une mortalité accrue des palétuviers. Par ailleurs, la montée du niveau de la mer, conséquence immédiate du réchauffement climatique, peut entraîner la submersion des racines aériennes nécessaires à la respiration cellulaire des racines, participant à accroître la mortalité des palétuviers 1314.

Enfin, le changement climatique a pour conséquence d’augmenter la fréquence et l’intensité des événements climatiques extrêmes : tempêtes, ouragans, cyclones sont autant de catastrophes naturelles ponctuelles, mais dont les impacts sur ces écosystèmes sont importants, entraînant de manière logique une destruction au moins partielle de ces habitats. Les sécheresses plus fréquentes entraînent également un dépérissement des mangroves dans certaines régions du monde, comme en Australie, et pourraient entraîner leur déclin, voire leur disparition à mesure que le réchauffement s’intensifie.

Conséquences du changement climatique affectant les mangroves dans les différentes régions du monde

Les mangroves sont représentées en vert sur la carte.

Auteur(s)/Autrice(s) : Friess et coll., 2022, traduit par Marc Nassivera Licence : CC-BY-NC Source : WIREs Climate Change

Conclusion

Malgré leur biodiversité remarquable et leurs contributions au bien-être des populations locales, les mangroves sont des écosystèmes qui ont connu d’importantes dégradations. Alors que leur importance est de plus en plus reconnue, les mangroves font l’objet d’un nombre croissant de mesures de conservation et de projets de reforestation. Hélas, les initiatives ne sont aujourd’hui toujours pas suffisantes pour enrayer leur déforestation.