Question

« Nous travaillons sur une manip très simple où on met une main dans l’eau chaude et l’autre dans l’eau froide. Et après on met les mains dans l’eau tiède. On se rend compte que les deux mains ne donnent pas la même sensation. Conclusion habituelle : les mains ne sont pas un bon thermomètre, il faut un thermomètre.
Avec une collègue enseignante de SVT dans le secondaire, on aimerait expliquer ce qui se passe du point de vue biologique.
Et nous sommes à la peine pour trouver des informations accessibles sur les thermorécepteurs de la peau. Nous souhaitions ensuite faire une explication pour les enseignants du primaire (très simple) et du collège. »
Question posée par A. Caussarieu, chargée d’études à l’ENS Lyon.

Réponse

Réponse apportée par Dominique Rose, neurophysiologiste, chargé de recherches à l’INSERM. Praticien hospitalier responsable de l’unité de pathologie du sommeil et de la vigilance du C.H.U. d’Amiens. En retraite depuis 2014.

Le texte suivant est adapté d’après un article de l’auteur. De nombreuses autres ressources sur le système nerveux sont disponibles sur son site, dont le contenu est disponible en copyleft.

Les deux qualités de la sensibilité thermique

La sensibilité thermique correspond schématiquement à deux qualités : la sensibilité au froid et au chaud. Ces sensations dépendent essentiellement de la situation dans laquelle se trouve le sujet quelques instants avant la stimulation : plonger dans une piscine, dont l’eau est maintenue à 25 °C, entraîne une sensation de chaud l’hiver (température extérieure : 10 °C) et de froid l’été (température extérieure : 30 °C). Le corps ne mesure donc pas des températures absolues, mais perçoit des variations de température relative, ce qui explique la différence de sensation perçue par les mains dans votre expérience.

La sensation qui accompagne les changements de température dépend :

  • De la température cutanée initiale.
    Pour des températures cutanées basses (28 °C), le seuil de sensation au chaud (1 °C) est élevé et celui au froid (0.2 °C) est bas. Si la température cutanée initiale augmente, le seuil au chaud diminue et le seuil au froid augmente. En fonction des conditions initiales, et pour une même température cutanée finale (32,5 °C), le réchauffement de la peau de 32 à 32,5 °C amène une sensation de chaud, le refroidissement de la peau de 33 à 32,5 °C amène une sensation de froid.
  • De la vitesse de changement de température.
    La sensation de froid ou de chaud apparaît à condition que les variations de température soient au moins de 6 °C par minute. Si la variation de température est plus lente, l’écart thermique peut devenir très important avant que nous ne ressentions un changement de température.
  • De la surface stimulée.

La sensibilité thermique augmente avec la surface stimulée.

La sensation associée à une variation de température disparaît assez rapidement : quand nous plongeons dans notre bain le matin, la sensation d’eau très chaude s’estompe assez rapidement. La zone qui correspond à une adaptation complète des récepteurs constitue la zone de neutralité thermique. Elle se situe, chez l’homme, entre 33 et 35 °C pour la surface entière du corps ou entre 30 et 36 °C pour une surface de 15 cm2.

Dans la vie courante, le port de vêtements nous permet de maintenir une température cutanée relativement constante, autour de 30 °C, alors que la température ambiante n’est que de 18 à 20 °C. En dehors de cette zone de neutralité thermique, les thermorécepteurs ne s’adaptent pas complètement. La sensation de froid ou de chaud persiste.

La sensation thermique devient carrément douloureuse si la température cutanée est inférieure à 17 °C ou supérieure à 44 °C.

Les thermorécepteurs

Il existe dans la peau des terminaisons nerveuses libres, proches de capillaires sanguins, sensibles au froid ou au chaud.
Les récepteurs au froid, liés à des fibres myéliniques fines (5 – 15 m/s), sont superficiels, localisés dans l’épiderme.
Les récepteurs au chaud, liés à des fibres amyéliniques de type C (0,7 – 1,2 m/s), sont plus profonds dans le derme.

Les fibres afférentes provenant de ces thermorécepteurs présentent plusieurs caractéristiques fonctionnelles :

  1. leurs seuils de stimulation sont voisins des seuils de sensibilité thermique cutanée ;
  2. elles montrent une variation d’activité proportionnelle à la variation de la température cutanée (réponse phasique ou dynamique) ;
  3. elles montrent une activité tonique, proportionnelle à la température cutanée ;
  4. les récepteurs au froid présentent un maximum d’activité vers 30 °C – les récepteurs au chaud vers 43 °C.

La densité de la peau en thermorécepteurs est très variable et toujours inférieure à celle des points au toucher des mécanorécepteurs. Les points sensibles au froid (main : 1 à 5 par cm2) sont beaucoup plus nombreux que les points sensibles au chaud (main : 0,4 par cm2). Par ailleurs, c’est la peau de la face qui montre la plus grande densité en thermorécepteurs (16-19 points au froid par cm2). La dimension des champs récepteurs de ces thermorécepteurs est très petite (< 1 mm2), chaque fibre innervant un petit nombre de récepteurs.