Les océans, qui recouvrent plus de 70 % de la surface de la Terre, jouent un rôle majeur dans la régulation du climat de notre planète. Au-delà des phénomènes strictement physico-chimiques (évaporation, transfert d'énergie par les courants entre les pôles et les régions équatoriales) les êtres vivants qui peuplent cet immense réservoir contribuent aussi à cette régulation : ils limitent le réchauffement climatique globale (pompe biologique à CO2) et participent même à la formation des nuages. Réciproquement, le réchauffement climatique global actuel affecte les écosystèmes marins qui subissent des transformations variées.
L’océan couvre plus de 70% de la surface du globe et représente un volume d’eau considérable de plus de 1 000 millions de km3. Il est un puissant régulateur du climat, et ce depuis les origines.
La chaleur du soleil est distribuée inégalement entre les régions équatoriales et les pôles. L’océan amortit ces variations via les courants océaniques qui redistribuent l’excès de chaleur reçu aux tropiques vers les plus hautes latitudes.
L’océan est aussi un réservoir de carbone : il contient 50 fois plus de carbone que l’atmosphère. Les échanges de CO2 entre l’atmosphère et le reste de la planète ont toujours été équilibré et la teneur atmosphérique en CO2 est restée constante pendant plusieurs millions d’années. Depuis l’époque préindustrielle, elle a augmenté de 40% : aujourd’hui les émissions de carbone provenant de l’utilisation des puits de carbone naturels (hydrocarbures, charbon, tourbe) sont estimées à 9 Pg (Pétagrammes = 1015g) de carbone par an. L’océan compense plus du quart de ces émissions.
Les échanges océan-atmosphère sont contrôlés par deux « pompes » : la pompe de solubilité régie par les équilibres physico-chimiques à l’interface air-mer, fortement dépendante de la température et du brassage océanique, et la pompe biologique, régie par l’activité des écosystèmes marins.
La pompe biologique à CO2
Les organismes marins (algues, plancton, bactéries) et les écosystèmes côtiers (herbiers, algueraies, mangroves, prés-salés) photosynthétiques ont un impact majeur sur la concentration atmosphérique du CO2. La fixation du CO2 atmosphérique par des bactéries primitives est d’ailleurs apparue très tôt avant la diversification du vivant, il y a près de 3,5 milliards d’années, dans une atmosphère primitive chargée de méthane, d’azote et de gaz carbonique. Les cyanobactéries ont su tirer leur énergie de la lumière du soleil et fixer le CO2 atmosphérique pour produire de la matière organique. La photosynthèse permet ainsi de recycler le carbone dans la biomasse des producteurs primaires (cycle court), puis de la transférer aux consommateurs tout au long de la chaîne alimentaire. Une partie du carbone est restituée à l’atmosphère par la respiration et les décomposeurs.
Le phytoplancton est ainsi responsable de plus de la moitié de la production primaire nette (NPP) : 78 Pg de carbone par an. Il est, de ce point de vue, plus important que les plantes terrestres ! Les diatomées représentent une part importante de cette production et sont particulièrement abondantes dans les zones riches en nutriments, aux hautes latitudes et dans les zones de remontées d’eaux froides.
Les écosystèmes côtiers (incluant herbiers, voir l'article Les herbiers de posidonies, mangroves et forêt d’algues) représentent quant à eux 10 Pg de carbone par an. La part des macroalgues est importante car elles couvrent de vastes surfaces.
Sur des échelles de temps beaucoup plus longues, des processus tels que l’enfouissement des matières organiques dans les sédiments vont alimenter l’immense réservoir que sont les sédiments et les roches sédimentaires carbonatées, et constituer un véritable puits de carbone sur le long terme. En mer, le carbone organique synthétisé en surface est transféré dans les profondeurs sous forme de carbone organique particulaire. Les coccolithophoridés avec leurs écailles calcaires plus denses que l’eau participent à ce piégeage en lestant les agrégats de matière organique.
Sur le littoral, les herbiers de magnoliophytes marines, les mangroves et les prés-salés contribuent également à alimenter ce puits de carbone « long terme ». Ils ont une capacité d’enfouissement 180 fois plus élevée que le taux moyen de stockage du carbone en milieu océanique : le manque d’oxygène, nécessaire aux décomposeurs, limite les processus de décomposition et facilite la séquestration du carbone...
Autres interactions entre écosystèmes marins et atmosphère
La contribution de ces écosystèmes marins à la régulation du climat ne concerne pas que le cycle du carbone. Certains organismes planctoniques, comme les coccolithophoridés, participent à la floculation des nuages en sécrétant des gaz, tels que les diméthylsulfures (DMS). Les grandes algues brunes, quant à elles, sécrètent, lorsqu’elles sont stressées, une forme très réactive d’iode qui contribue à la formation de nuages comme les stratocumulus.
L’importance du rôle des écosystèmes marins et côtiers dans la régulation du climat est souvent sous-estimée et mal comprise. Mais ils jouent aussi un rôle dans l’atténuation des impacts des dérèglements climatiques : amortissement de la houle et des vagues, lutte contre l’érosion, atténuation de l’impact des tsunamis. Le plancton dans toute sa diversité, les herbiers en Méditerranée, les mangroves dans les régions tropicales, les récifs et les macro-algues sont à l’honneur.
On ne peut qu’être émerveillé face aux capacités de régulation de ces écosystèmes, à la complexité de leurs interactions et leur biodiversité, qui contribuent à renforcer la stabilité et la résilience de notre planète. Se posent également de nombreuses questions face aux changements climatiques déjà amorcés : rejet de gaz à effet de serre, augmentation de la température, augmentation de CO2 dans l’atmosphère, etc.
Effets du changement climatique sur les écosystèmes marins
Le changement climatique affecte l’océan à différents niveaux : augmentation de la température des eaux océaniques de surface (prévisions de +2 à +4°C d’ici 2100). Ces phénomènes, qui se cumulent avec les autres pressions anthropiques, se produisent à des vitesses sans précédent et induisent, même avec de faibles variations des paramètres, de profondes modifications : biodiversité, abondance des populations, répartition géographique, périodes de reproduction seront fortement perturbées. On assiste à une réorganisation globale de la biodiversité, avec un effondrement de la diversité de certains groupes ou au contraire une augmentation de certaines espèces résistantes, à des migrations d’espèces vers les pôles, au remplacement d’espèces par d’autres espèces qui n’offrent pas toujours les mêmes services, à des perturbations dans les relations entre proies et prédateurs, menaçant la chaîne alimentaire… La calcification des espèces telles que les coraux est inhibée risquant d’entraîner la perturbation de cet écosystème, le plus riche du milieu marin. En Méditerranée, les invasions biologiques induites par l’Homme ont déjà complètement transformé les écosystèmes.
La prévision des réponses aux changements est difficile et les effets conjugués des différents facteurs encore mal connus. Les perturbations ne sont pas uniformes et l’on peut s’attendre à des réponses différenciées en fonction des régions, des communautés et des espèces ; les pressions agissent en synergie et s’ajoutent aux pressions humaines, sans que l’on connaisse l’effet de ces synergies. De grandes incertitudes demeurent, mais les bouleversements sont déjà bien réels.
« L’avenir des océans n’est pas écrit, il sera ce que l’on en fera. »