Auteur : Gilles Camus


Table des matières

  1. Introduction
  2. L'os, un organe endocrine
  3. L'ostéocalcine régule le métabolisme du glucose
  4. Conclusion
  5. Références

1. Introduction

Le glucose est la principale source énergétique de l'organisme. Il est transporté aux cellules par voie sanguine, or les apports alimentaires sont discontinus et les besoins cellulaires sont très variables (liés en particulier à l'intensité de l'activité physique). Afin de maintenir une concentration plasmatique en glucose relativement constante, il existe donc des mécanismes de régulation.

Ces mécanismes font intervenir des hormones hyper et hypoglycémiantes. La principale hormone hyperglycémiante est le glucagon produite par les cellules α des des îlots de Langerhans du pancréas endocrine, mais l'adrénaline et le cortisol ont également un rôle en ce sens. Il n'existe en revanche qu'une seule hormone hypoglycémiante qui est l'insuline, produite par les cellules β des îlots de Langerhans du pancréas endocrine.

Le glucose est le principal régulateur de concentration plasmatique en insuline. Les cellules β des îlots de Langerhans sont sensibles au taux plasmatique de glucose et réagissent à une augmentation de celui-ci par une augmentation de la secrétion d'insuline qui voit donc son taux plasmatique augmenter. En réponse à cette dernière augmentation, divers mécanismes hypoglycémiants vont être activés (augmentation du stockage du glucose sous forme de glycogène ou de lipides, diminution de la néoglucogenèse) entraînant une diminution de la glycémie et donc une baisse de la secrétion d'insuline. On a une boucle de régulation typique avec rétrocontrôle négatif.

Mais depuis quelques années a émergé la description d'une autre boucle de régulation faisant intervenir un autre organe, à savoir l'os.

2. L'os, un organe endocrine

L'os est un organe plus complexe qu'il peut sembler au premier abord et dont les fonctions dépassent celle d'une simple charpente pour l'organisme. On connaît le rôle de la moelle osseuse dans l'hématopoïèse (production dans la moelle dite "rouge" des éléments figurés du sang : globules rouges, globules blancs et plaquettes). Il est cependant moins connu que l'os a également un rôle endocrine.

Les os sont en permanence remodelés, même à l'âge adulte. Ce remodelage permanent fait intervenir deux types cellulaires : les ostéoclastes qui détruisent l'os, et les ostéoblastes qui le fabriquent. Or, ces dernière cellules produisent une hormone de nature protéique, l'ostéocalcine, qui est majoritairement incorporée à l'os. C'est d'ailleurs pourquoi un dosage d'ostéocalcine est un bon marqueur de la formation osseuse. Un taux plasmatique élevé témoigne d'une résorption osseuse (d'où relargage important d'ostéocalcine), et inversement. L'ostéocalcine circulante existe sous deux formes, une forme carboxylée inactive et une forme décarboxylée active.

3. L'ostéocalcine régule le métabolisme du glucose

Depuis peu il a été découvert que l'os, à travers la production d'ostéocalcine, intervient dans le métabolisme du glucose. En effet, l'ostéocalcine sous sa forme active (décarboxylée) agit sur les cellules β des îlots de Langerhans du pancréas endocrine en augmentant la libération d'insuline et en activant la prolifération de ces cellules. Elle agit également en augmentant la sensibilité des cellules cibles de l'insuline. Enfin elle augmente la dépense énergétique des cellules. Ces différentes actions de l'ostéocalcine convergent toutes pour aboutir à un effet hypoglycémiant.

Encore plus récemment, il a été montré l'existence d'une boucle de régulation impliquant l'insuline. En effet, l'insuline agit sur ses cellules cibles via sa liaison sur un récepteur spécifique. Ce récepteur est largement distribué dans de très nombreux types cellulaires, dont les ostéoblastes. Or il a été démontré que la liaison de l'insuline sur ses récepteurs présents à la surface des ostéoblastes favorise la forme active (décarboxylée) de l'ostéocalcine, donc a une action hypoglycémiante.

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Le lien entre l'action de l'insuline sur les ostéoblastes et sa conséquence sur l'ostéocalcine est indirecte. En effet, en se liant aux ostéoblastes, l'insuline augmente l'activité des ostéoclastes responsables de la résorption osseuse. Pour ce faire, les ostéoclastes établissent des zones de contact avec l'os au niveau desquelles ils secrètent divers enzymes attaquant l'os. L'activité de ces enzymes étant optimale à pH acide, les ostéoclastes abaissent le pH de ces zones. Or il se trouve qu'un pH acide favorise également la décarboxylation de l'ostéocalcine, ce qui entraîne son activation.

La question qui se pose est bien évidemment de savoir si la voie de régulation ainsi mise en évidence a un effet physiologique réel. La réponse semble bien être positive. En effet, il existe une lignée de souris dont les ostéoblastes sont dépourvus de récepteur à l'insuline. On constate qu'avec l'âge se développe chez ces souris une hyperglycémie associée à une intolérance au glucose et à une résistance à l'insuline, ainsi que le développement important de la masse adipeuse périphérique (effets que l'on retrouve aussi chez des souris dépourvues d'ostéocalcine, ce qui est cohérent). On a également une diminution de la masse osseuse et du nombre d'ostéoblastes. Tout ceci en comparaison avec des souris témoins bien entendu. Ces résultats témoignent du rôle effectif de l'os dans la régulation du métabolisme énergétique et du développement osseux, du moins chez la souris.

4. Conclusion

La régulation de la glycémie par l'insuline et le glucagon est bien connue. Si elle n'est pas remise en cause par les recherches de ces dernières années, celles-ci ont fait émerger une nouvelle boucle de régulation faisant intervenir l'ostéocalcine produite par les os et l'insuline. Le rôle physiologique de cette voie semble être de participer à la coordination de l'homéostasie glucidique et des dépôts lipidiques. Elle intervient également dans la régulation du développement osseux post-natal. Mais il faudra attendre de nouveaux travaux pour avoir une vision plus précise du rôle respectif de ces différentes voies de régulation dans la régulation de la glycémie, non seulement chez la souris mais surtout chez l'Homme chez qui les résultats sont beaucoup moins nombreux.

5. Références