La production d’ATP dans une cellule

La forme d’énergie directement utilisable par la cellule est, dans son immense majorité, l’énergie de liaison phosphate-phosphate de la molécule d’ATP (qui est une liaison de type anhydride phosphorique). Cependant, la réserve d’énergie contenue dans toutes les molécules d’ATP d’une cellule est extrêmement faible, à peine suffisante pour assurer ses besoins énergétiques pendant quelques secondes. Par conséquent, les molécules d’ATP doivent être régénérées sans délai au fur et à mesure de leur utilisation. Pour cela, la cellule utilise des nutriments dont l’oxydation va permettre de libérer l’énergie nécessaire à la synthèse d’ATP à partir d’ADP et de phosphate inorganique.

En présence d’oxygène, les organismes aérobies sont capables d’oxyder les glucides jusqu’à la formation d’eau et de dioxyde de carbone selon l’équation bilan :

C6H12O6 + 6 O2 → 6 CO2 + 6 H2O

(C6H12O6 est la formule du glucose, prototype du glucide simple).

Cette dégradation se fait en deux étapes, la glycolyse suivie du cycle de Krebs. Au cours de la glycolyse, une molécule de glucose à 6 carbones est coupée en deux pour donner 2 molécules à 3 carbones (l’acide pyruvique ou pyruvate) avec production de 2 molécules d’ATP. Les deux acides pyruviques sont alors oxydés plus avant dans le cycle de Krebs, avec libération de 6 molécules de CO2 et production de 2 molécules d’équivalent ATP. Mais au cours de ces deux étapes, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les atomes d’hydrogène de la molécule de glucose ne vont pas être utilisés pour former de l’eau : ils vont être captés par deux cofacteurs, le NAD+et le FAD, qui vont servir d’intermédiaires. En effet, ces cofacteurs captent les hydrogènes du glucose et passent sous la forme NADH+H+et FADH2. C’est dans un troisième temps, dans la chaîne respiratoire, que ces molécules vont revenir à leur état initial (le NAD+et le FAD), en cédant leurs hydrogènes qui vont alors former des molécules d’eau en se combinant avec des atomes d’oxygène fournis par le dioxygène. Au passage, cela permet la formation de molécules d’ATP via l’établissement d’un gradient de protons qui va faire fonctionner l’ATP synthase. Une molécule de glucose permet la formation de 8 molécules de NADH+H+et 2 molécules de FADH2 qui, elles-mêmes, permettent la formation de 32 molécules d’ATP en moyenne.

Le rôle de la fermentation lactique

On vient de voir que la production d’ATP liée à l’oxydation du glucose fait intervenir des cofacteurs initialement oxydés (NAD+ et FAD) qui passent à l’état réduit (NADH+H+et FADH2) avant de revenir à leur état initial, c’est pourquoi ils n’apparaissent pas dans l’équation bilan, même s’ils sont indispensables d’un point de vue réactionnel. Pour que glycolyse et cycle de Krebs puissent se dérouler, il faut donc que la cellule dispose de cofacteurs oxydés (NAD+et FAD) à même d’accepter les atomes d’hydrogène des molécules de glucose. Le stock étant limité, il faut régénérer ces molécules sans délai au fur et à mesure de leur utilisation. En présence d’oxygène, c’est par la chaîne respiratoire que s’effectue cette régénération, mais son fonctionnement nécessite du dioxygène. Or de nombreux organismes sont capables de vivre en milieu anaérobie. Et même chez l’Homme, lors d’un effort intense, les cellules musculaires peuvent fonctionner un certain temps avec un apport insuffisant en dioxygène. Il y a pourtant nécessairement régénération de l’ATP, donc oxydation de glucose, alors que la chaîne respiratoire ne peut fonctionner.

La question qui se pose est la suivante : comment régénérer la forme oxydée des cofacteurs en absence de dioxygène ?

Pour cela, il faut qu’une molécule autre que le dioxygène capte les atomes d’hydrogène des NADH+H+ (nous verrons pourquoi cette question ne se pose pas pour le FADH2). Une possibilité est d’utiliser l’acide pyruvique, qui va se transformer en acide lactique en deux étapes. L’équation bilan de cette réaction est la suivante :

C3H4O3 + NADH+H+ → C3H6O3 + NAD+

(C3H4O3 est la formule du pyruvate, C3H6O3 celle de l’acide lactique).

Cette réaction est appelée la fermentation lactique (car il y a production d’acide lactique). Une différence majeure avec la régénération du NAD+ et du FAD via la chaîne respiratoire est que cette réaction ne permet pas la production d’ATP, mais elle permet à la glycolyse de se dérouler en absence de dioxygène. On remarquera également que cette réaction utilise le produit de la glycolyse (le pyruvate), c’est pourquoi elle ne permet pas la régénération des NADH+H+ produits par le cycle de Krebs (car il n’y a pas eu de pyruvate produit pour permettre cette régénération). Donc en absence de dioxygène, si la glycolyse peut continuer à se dérouler, ce n’est pas le cas du cycle de Krebs. C’est d’ailleurs pour cela qu’on ne parle pas du FADH2 qui n’est produit que par le cycle de Krebs et pas au cours de la glycolyse.

L’acide lactique est donc le produit final de la fermentation. Au total, cela ne permet la production que de 2 molécules d’ATP par molécule de glucose, au lieu des 36 molécules d’ATP produites en présence de dioxygène. En effet, l’essentiel du pouvoir réducteur du glucose (énergie chimique contenue initialement dans la molécule) est retrouvé dans les deux molécules d’acide lactique, au lieu d’avoir été transféré dans des molécules d’ATP. Mais cela peut suffire à couvrir les besoins énergétiques de certaines cellules.

La fabrication du yaourt

On vient de voir qu’il était possible de produire de l’ATP à partir de glucose en absence de dioxygène, moyennant la production d’acide lactique. Dans une cellule humaine, cette situation ne peut durer longtemps. En effet, l’acide lactique ne pouvant être éliminé rapidement, il va s’accumuler dans la cellule et devenir toxique.

Il en va tout autrement pour de nombreux organismes qui peuvent parfaitement vivre en utilisant ce type de métabolisme. C’est en particulier le cas pour de nombreuses bactéries, donc certaines sont utilisées dans l’alimentation humaine depuis très longtemps, comme dans la préparation du yaourt. C’est ainsi à Pline l’ancien, qui vécut au Ier siècle après JC, que revient le premier témoignage sur une préparation comparable à du yaourt (les Barbares savent « épaissir le lait en une matière d’une agréable acidité »).

En effet, le yaourt est un aliment obtenu par fermentation lactique du lait. Le lait contient des glucides, en particulier du lactose (disaccharide composé d’un galactose et d’un glucose), qui va être utilisé par les bactéries qui, en retour, vont produire et libérer de l’acide lactique. L’acidification qui en résulte va entraîner un changement de texture (coagulation des protéines du lait) et de saveur, ceci en association avec la libération de divers autres métabolites.

Pour fabriquer du yaourt, il faut donc ensemencer du lait avec des bactéries (ce qui peut être fait tous simplement en mélangeant du lait avec un yaourt acheté ou précédemment fabriqué) et laisser la fermentation se dérouler à une température adaptée (entre 42 °C et 46 °C). De nombreuses souches bactériennes sont capables de réaliser une fermentation lactique, mais seule l’utilisation des deux souches Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus donne légalement droit à l’appellation “yaourt”, en France et dans de nombreux pays européens. L’utilisation d’autres souches comme Bifidobacterium sp. va permettre d’obtenir un aliment proche du yaourt, mais avec des caractéristiques de texture et de flaveur spécifiques.

Conclusion

Le yaourt est un exemple classique de l’utilisation d’un microorganisme dans l’élaboration d’un aliment destiné à la consommation humaine mais c’est loin d’être le seul. Pour rester dans la fermentation lactique, nous pouvons par exemple citer son utilisation dans la réalisation de fromages.